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Le chef Paul Ng Hung Shin : Le goût de l’aventure

30 septembre 2015

Un dernier coup de feu. C’était le 15 septembre. Ce jour-là, Paul Ng Hung Shin a replié avec délicatesse son tablier de chef cuisinier. Pendant 45 ans, il  a été aux fourneaux des cuisines de l’hôtel Trou-aux-Biches où, au fil des années, il a dirigé bien des brigades et ravi bien des papilles.

 

C’est fidèle à son image, en toute discrétion, que le chef, créateur d’une cuisine fusion aux accents épicés, a raccroché ses casseroles en refermant le menu qui s’est toujours imprégné de son esprit d’aventurier : mélanger, réadapter, surprendre… Ému, il n’a pu contenir ses larmes lorsqu’il a traversé la haie d’honneur formée par ses partenaires et fidèles acolytes lors d’un pot d’au revoir au siège de Beachcomber. 

 

Point de regret. Le chef, 66 ans, a le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait, de s’être donné, d’avoir toujours innové, porté à chaque fois par une passion intacte qui l’a toujours habité durant ce long voyage gourmand. Une semaine après ce triste adieu, on le découvre serein, posé et totalement en phase, dit-il, avec lui-même. «Mon parcours s’apparente à une grande et belle aventure, dit-il d’emblée. J’ai eu une semaine tranquille et j’ai passé mon temps à lire, à dévorer des magazines.»

 

Mais impossible pour lui de rester loin d’une cuisine. Entre le Café Eighty 83, le petit «paradis sucré» de John – l’un de ses trois enfants –, au centre commercial Cœur de Ville à Grand-Baie, et le restaurant Pescatore, à Trou-aux-Biches, où travaille son ami et ancien élève Pramode Gobin, il savoure son temps libre.

 

Ce tournant dans sa vie le pousse à se rappeler les moments forts qui l’ont emmené là où il est : sa scolarité à l’école St Enfant Jésus à Rose-Hill, ses années sur les bancs du collège technique de Belle-Rose ou encore ses longs après-midi à travailler avec son cousin France au Coin Idéal à Rose-Hill : «À l’époque, je faisais des mines.» C’est durant cette période qu’il commence à prendre goût à l’univers de la cuisine.

 

En 1967, il fait ses vrais premiers pas dans le monde du travail. Il intègre alors l’hôtel Morne Brabant : «J’ai suivi un de mes cousins, Georges, qui travaillait là-bas à l’époque. J’ai commencé comme plongeur.» À partir de là, Paul Ng Hung Shin ne cesse d’apprendre et de s’améliorer : «J’ai toujours eu un esprit curieux.» Ses connaissances, il va les parfaire au Dinarobin Pierre Desmarais Hotel et à l’école hôtelière aux Casernes, Curepipe, notamment : «On m’a très vite fait confiance et c’est ainsi que je me suis vite retrouvé à diriger une équipe de 50 personnes.» 

 

D’aventure en aventure, il s’envole pour la France en 1975, muni d’une bourse française, pour intégrer l’école d’alimentation de Paris : «Durant cette formation, j’ai pu avoir une ouverture sur d’autres façons de faire. J’ai eu la chance de rencontrer le grand pâtissier Gaston Lenôtre et aussi de voir comment cela se passe au service catering d’Air France et dans d’autres grands groupes hôteliers.»

 

Riche héritage

 

De retour à Maurice, le cuisinier continue d’avancer, notamment au Méridien Paradis. Puis, en 1978, c’est sur Dubayy qu’il met le cap pour être promu, neuf mois plus tard, executive chef du Méridien. Après deux ans, Paul – dont plusieurs membres de la famille sont dans le domaine – revient à Maurice et intègre l’hôtel Trou-aux-Biches, où son amour pour la cuisine ne cesse de grandir : «Au fil de ma carrière là-bas, j’ai vécu de très belles choses, et j’ai aussi participé à de grands événements.»

 

Il y côtoie aussi de nombreuses personnalités. Il cite, entre autres, Jean-Jacques Debout, Johnny Halliday et Georges Moustaki. Des personnes qu’il a vite fidélisées avec son coup de main, notamment en les envoûtant avec ses plats – son cœur de palmiste, son curry de poulet et camarons ou encore son steak sauce créole… Bref, autant de mets auxquels il n’hésite jamais à ajouter sa touche personnelle.

 

Une cuisine qui, pour sûr, va manquer à ses clients fidèles. Parce que sa cuisine a toujours été sûre. Faite de produits toujours frais, d’une alliance subtile de tradition et de modernité. Dans sa marmite, une explosion de bonne humeur et de rigueur. Cette cuisine métissée aux alliances de saveurs iodées et inspirée d’influences diverses.

 

Il raconte ses journées épuisantes comme des épisodes de sa vie. Tous les jours, c’est la même pression et la même excitation à chaque service. L’émotion affleure lorsqu’il parle de ses équipes. Presque une deuxième famille.

 

Le chef évoque aujourd’hui son souhait de mener une nouvelle vie.  De partager et transmettre son savoir : «J’ai moi-même eu l’occasion de rencontrer des grands du métier, notamment Alain Chapel… » Pour autant, l’histoire ne s’arrête pas là. Il le sait. Il poursuivra désormais autrement son voyage, motivé par l’envie d’une autre vie : «Je vis maintenant à mon rythme. Je m’envole bientôt pour l’Australie pour assister à la remise de diplôme de mon fils Brian.»

 

La cuisine de l’hôtel Trou-aux-Biches continuera à tourner en son absence, dit-il. Mais non sans l’expérience, le professionnalisme, les souvenirs et l’empreinte que le Chef Paul laisse à ses «héritiers». Dont son goût… de l’aventure !

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