Flash-back. Retour en 2008. À l'époque, quand on l'avait interviewé, il avait 24 ans. Il était alors ailier des Flippers, équipe de basket-ball vice-championne de Maurice, et travaillait comme actuaire dans une firme privée. Dans l'article en question, Ronnie Nagloo, qui habitait à Henrietta, nous parlait aussi de son BSc décroché avec un First Class Honours après trois années d’études à l’Université de Maurice et nous racontait qu'il avait obtenu le J&P Manrakhan Gold Medal en maths en 2005, une distinction remise aux étudiants ayant excellé dans cette matière.
15 ans plus tard, c'est sous d'autres cieux que ce passionné des mathématiques continue à se construire. Que s'est-il donc passé pour lui depuis 2008 ? «La passion pour le basket-ball et les mathématiques est toujours là, bien sûr. Mais en 2009, j'ai décidé de me concentrer principalement sur les mathématiques. Je voulais faire un doctorat et essayer de voir si je pouvais réussir dans le milieu universitaire. Je ne joue presque plus au basket mais je suis activement la ligue américaine (NBA) en tant que fan. En fin de compte, c'était un plan qui a fonctionné. J'ai obtenu un doctorat de l'Université de Leeds et après quelques années à la City University de New York, je travaille maintenant comme professeur associé (Associate Professor) à l'Université de l'Illinois, à Chicago», nous confie Ronnie Nagloo qui poursuit donc aujourd'hui son petit bonhomme de chemin à Chicago, aux États-Unis.
«Chicago est une ville formidable où il se passe tellement de choses. J'y vis depuis 2021 avec ma femme Sharonne et ma fille Këan. C’est plus petit que New York mais nous sommes très heureux. Pendant l'année académique, j'enseigne un cours par semaine, fais de la recherche et travaille avec mon doctorant. Une grande partie de mon quotidien est d'être papa et j'adore ça», poursuit notre compatriote qui brille dans son pays d'adoption, étant donné qu'il vient de décrocher l’AMS Centennial Research Fellowship Award.
«Un grand honneur»
Une petite explication s'impose : qu'est-ce que c'est que cette distinction ? «Comme décrit sur son site Web, le Centennial Research Fellowship de l'American Mathematical Society (AMS) est un prix annuel décerné à un mathématicien exceptionnel en reconnaissance de ses recherches actuelles et futures. Le concours est ouvert à la majorité des mathématiciens en Amérique du Nord et qui sont à mi-carrière. Le fellowship pour 2023-2024 est d'un montant de $ 50 000, qui ne peut être utilisé qu'à des fins de recherche», nous explique notre compatriote, fier de cette consécration. «C'est un grand honneur et je suis vraiment ravi de l’avoir reçu. Le Centennial Fellowship est très prestigieux et sélectif, donné à un seul mathématicien dans toute l’Amérique du Nord. Il est fort probable que je sois le premier Africain à le remporter. À bien des égards, c'est une reconnaissance de la qualité de mes recherches actuelles et potentielles. Tout cela semble si improbable étant donné que ce rêve de faire les mathématiques professionnellement a commencé sur notre petite île. Je suis vraiment reconnaissant du soutien généreux de l’AMS», poursuit le Mauricien, fils de Jean-Claude Nagloo qui était aux commandes de la sélection nationale de boxe de 1996 à 2013.
Et qu'est-ce que cela change pour lui ? «En tant que professeur associé dans une université de recherche, j'ai déjà certains fonds qui me permettent de voyager pour mes recherches et pour les conférences. Par exemple, je bénéficie actuellement d’une subvention de recherche de la National Science Foundation et d'autres soutiens de mon département à Chicago. Cependant, ces fonds ne peuvent généralement pas être utilisés pour “racheter” mon enseignement (c’est-à-dire pour ne pas enseigner pendant l'année universitaire). Le Centennial Fellowship, quant à lui, me donne cette option et me permettra d’être libre pendant une année pour me concentrer uniquement sur la recherche – sa fonction première – et le travail avec mes collaborateurs en France et au Royaume-Uni, par exemple», explique Ronnie qui n'a que des mots doux pour parler des mathématiques, une matière souvent impopulaire auprès des jeunes étudiants.
«Bon en mathématiques»
«Il est important de réaliser que les mathématiques sont considérées comme difficiles dans la plupart des pays/écoles du monde. Même ici, aux États-unis, ces questions persistent. Il serait donc très difficile d'en parler en un ou deux paragraphes. Mais je peux parler de ma propre expérience. Même si j'ai toujours été bon en mathématiques, je n'ai seulement reconnu la beauté de tout cela – et que ça valait la peine d'être poursuivi – qu’une fois que j’ai été étudiant à l'Université de Maurice. On peut trouver les maths dans tout : le sport, la musique, les arts... Il faut essayer de découvrir où les maths s'intègrent dans ce que vous aimez», souligne le passionné. Et qu'en est-il de la place du basket dans sa nouvelle vie ? «Comme je l'ai dit, je joue très peu. Mais j'aime toujours le sport et autant que possible, je le suis en tant que fan. En toute honnêteté, je pense que je suis un peu trop compétitif et que j'aurais du mal à jouer au basket juste pour le plaisir», avoue-t-il avec le sourire.
Et que pense-t-il de l’éventualité de tenir un jour une conférence dans son île natale ? «Ce serait un grand plaisir mais on ne m'a malheureusement jamais demandé d’en faire une. Cependant, j'aimerais un jour organiser dans l’île une conférence sur mon domaine de recherche ; tous mes collaborateurs aimeraient ça et me l’ont demandé ! La logistique est un peu compliquée mais j'espère que cela pourra un jour se faire», conclut-il, avant de retourner à ses occupations dans son pays d'adoption où il brille de par ses compétences...