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20 ans après la mort de l’ex-Mr Mauritius par balles | La mère de Rajen Sabapathee : «Je n’arrive toujours pas à faire mon deuil»

L’ancien Mr Mauritius et Mr Indian Ocean s’était évadé de manière spectaculaire de La Bastille, à Phoenix, le 30 juillet 1999, en compagnie de quatre autres détenus.

Ce mardi 21 janvier, les Sabapathee ont commémoré un événement qui leur est toujours douloureux. 20 ans de cela, Dharmarajen Sabapathee, plus connu comme Rajen, été abattu à Chamarel lors d’une opération policière montée pour le capturer.  Il s’y terrait depuis son évasion de La Bastille six mois plus tôt. Il était en détention pour une affaire de drogue. Sa mère Soondron, toujours effondrée, se confie.

Le visage ridé et écrasé par l’âge et l’anxiété, les yeux cernés par le chagrin et le deuil, la voix ramollie par les années qui passent et les coups durs de la vie… Soondron, 86 ans, fait peine à voir. Le temps pluvieux qui prévaut en ce début d’après-midi du mercredi 22 janvier à Stanley, où elle habite, n’arrange pas les choses. Assise dans le salon familial, l’octogénaire contemple les différents trophées, coupes et photos de son défunt fils Dharmarajen Sabapathee, plus connu comme Rajen. «Ziska ler ena dimounn ankor koz li ek mwa. Mo garson ti bien popiler. Li ti fer parti sa bann dimounn ki ena leker lor lame la», confie Soondron qui n’oublie rien. «Mo res pans mo garson mem toulezour. Mo pa pou kapav blie li zame. Li pou touzour ena enn plas dan mo leker. Li bien dir seki finn ariv nou fami.»

 

Son cœur de mère n’arrête pas de saigner. Et la douleur s’accentue aux alentours de l’anniversaire de la mort de son fils. Comme cela a été le cas le 21 janvier dernier, marquant les 20 ans de la mort de Rajen Sabapathee, abattu par la police, à Chamarel, à l’issue d’une cavale qui a duré six mois, 174 jours précisément. Il se cachait dans les hauteurs de l’île depuis qu’il s’était évadé de la prison de La Bastille, à Phoenix, en compagnie de quatre autres prisonniers. L’ancien Mr Mauritius et Mr Indian Ocean était détenu pour une affaire de drogue. «Je n’arrive toujours pas à faire mon deuil. Je continue à croire que mon fils a été tué sans raison valable. C’est pour cela que je veux que justice lui soit rendue», martèle Soondron.

 

En ce terrible jour du 21 janvier 2000, c’est par un proche policier qu’elle avait appris la terrible nouvelle alors même que sa famille et elle célébraient le Thaipoosam Cavadee. «Mo latet ankor touzour fatige kan mo pans tousala. Seki bann fami inn rakont mwa la mem ase orib. Akoz sa mem zame mo pann interese pou get bann foto lor lamor mo garson. Kan sir Anerood Jugnauth ti Premie minis, en 2001, li ti promet ki li ti pou reouver lanket. Ti osi ena enn Judicial Review me ziska ler, nou pankor kone kot inn arive ek sa zafer-la. Eski la polis ti bizin tir so lavi koumsa ? Rajen ti ena 42 ans sa lepok-la. Li ti pou fet so 63 an le 13 juin sa lane-la», souligne Soondron, marquée à jamais par le décès de cet être cher.

 

Comme elle, tous les membres de la famille attendent toujours que lumière soit faite sur ce décès controversé. Épreuve, tristesse et larmes ont jalonné les 20 dernières années. Alors que son époux est mort de chagrin, il y a 13 ans, Soundron, elle, s’accroche comme elle peut : «Mo distrer mwa ek louvraz.»

 

C’est aussi et surtout grâce au soutien des autres membres de la famille qu’elle tient toujours le coup. «Nous avons vécu 20 ans de calvaire mais nous avons pu continuer à avancer grâce à la solidarité qui nous unis, même si nous sommes toujours dans une profonde tristesse. Les trois enfants de Rajen sont toujours très affectés. En plus, ils n’ont jamais reçu le soutien financier du gouvernement durant leurs années de scolarité. Aujourd’hui, son fils aîné Dushi a 38 ans. La cadette Amanda a 36 ans et le benjamin Kishan, 26 ans.  Amanda n’avait que 16 ans à l’époque», déclare Soondron. Elle ne souhaite pas commenter la descente aux enfers de Dushi, qui est actuellement en prison pour une affaire de drogue.

 

«Kifer zot inn touy li ?»

 

En tout cas, la vieille dame n’arrête pas de répéter que le Rajen qu’elle a connu n’est pas celui dont la presse avait parlé à l’époque. «Sa piti-la finn ed boukou dimounn. Li ti fer boukou sosial. So sel erer se ki li ti tro pros ek sertin politisien. Nou finn tann tro boukou kitsoz lor so lamor, akoz sa nou anvi kone kifer zot inn touy li. Eski vremem li ti lenemi piblik nimero 1, kouma la polis ek bann zournal ti pe dir a lepok ? Eski se parski li ti tro pros ek bann politisien ek li ti konn tro boukou kitsoz lor zot ?» s’interroge Soondron. Elle tient à préciser : «Nou pa ti ena kontak ek li ditou kan li ti sove depi prizon me la polis ti bien fatig nou toulezour. Zot ti mem aret mari mo tifi, Cadress. Li mem ki ti pe al kit manze Rajen kan li ti dan prizon.» L’octogénaire assure qu’elle ignore aussi si son fils Rajen était impliqué dans le trafic de drogue.

 

Soondron affirme également être sans nouvelle de sa belle-fille Sabitree Devi, la femme de Rajen, depuis 1995. Cette dernière était également en cavale à l’époque après que la police avait lancé un mandat d’arrêt contre elle. Coaccusée dans la même affaire que son époux, elle ne s’était pas présentée en cour, le jour du jugement. Il se chuchotait, à l’époque, qu’elle avait quitté le pays en douce pour échapper à la justice. Pendant les travaux de la commission d’enquête sur la drogue, un témoin avait laissé entendre qu’elle se trouve désormais dans la Grande Île où elle continuerait à dealer de la drogue sur l’axe Madagascar-Maurice. Ce serait elle qui aurait la responsabilité de recruter des passeurs pour faire le trajet de Tana à Plaisance. Une photo d’elle avec des cheveux courts avait même circulé pour soutenir ces propos.

 

On dit que le temps guérit les blessures les plus profondes. Pour la mère de Rajen Sabapathee, le chemin vers la paix intérieure semble interminable. «L’angoisse, cette souffrance omniprésente, naît de la certitude inéluctable que notre fin à tous est proche», disait Toni Bentley, une danseuse et écrivaine australo-américaine dans un livre intitulé Ma reddition. À 86 ans, Soondron Sabapathee sait que la fin est proche mais elle espère voir son vœu se réaliser auparavant. «Mo espere bondie gard mwa vivan ankor impe pou mo resi kone kifer mo garson inn mor.»

 


 

Cinq personnes décèdent sous les balles de la police en 20 ans

 

Ce n’est pas courant qu’un policier tire sur une personne. D’ailleurs, les membres des forces de l’ordre n’ont le droit de tirer sur quelqu’un qu’en dernier recours. La dernière personne en date à périr sous les balles de la police est Bhavish Rosun, abattu le 2 janvier, à Henrietta, alors qu’il s’acharnait sur son fils d’un an avec un sabre. C’était la cinquième personne abattue en 20 ans.

 

Pendant les émeutes de février 1999, trois personnes avaient également été tuées par balles par des policiers : le chanteur Berger Agathe, alors qu’il tentait de calmer les émeutiers, et deux jeunes, Michel Laurent et Leemul Ghoosia.

 

Onze mois plus tard, c’est l’ancien Mr Mauritius, Rajen Sabapathee, en cavale, qui a été tué par balle lors d’une opération de capture à Chamarel. Il avait, au préalable, fait feu à deux reprises sur les policiers. Il s’était évadé de la prison de La Bastille, à Phoenix, en juillet 1999, en compagnie d’autres détenus : Alex Antoine Lionel, plus connu comme le Dr Miko, Mohamad Talat, Clifford Kersley Rioux et Jagessur Dan Ramessur. Ce dernier avait également reçu une balle dans le dos. Il avait succombé à une infection quelques mois après.