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Allégations de pot-de-vin : Maneesh Gobin, la nouvelle épine dans le pied du PM ?

10 avril 2023

Beaucoup attendent la réaction de Pravind Jugnauth sur cette affaire.

D’habitude si volubile et prêt à défendre bec et ongles les frasques de son gouvernement, Maneesh Gobin se retrouve lui-même, cette fois, dans de sales draps. En effet, l’Attorney General est, depuis quelques jours, au cœur de la tourmente après que l’homme d’affaires Keegan Etwaroo a formulé des allégations de corruption contre lui devant l’ICAC, selon lesquelles le ministre de l’Agro-industrie aurait reçu des pots-de-vin d’une valeur de Rs 3,5 millions pour faciliter l’octroi d’un terrain à bail de 250 hectares près de Grand-Bassin, qui serait utilisé par le réseau de Franklin pour l’organisation de soirées.

 

Keegan Etwaroo affirme avoir eu le rôle d’intermédiaire dans la livraison de ce pot-de-vin. Le bail du terrain a été accordé à The Eco Deer Park Association dont les représentants seraient liés à Franklin. Le lanceur d’alerte a aussi incriminé le PPS Rajanah Dhaliah, colistier de Maneesh Gobin au no 7 (Piton/Rivière-du-Rempart). Face à ce nouveau gros scandale qui afflige le gouvernement Jugnauth, l’opposition accentue la pression. Si les parlementaires n’ont pas réussi à poser de questions ni de Private Notice Question (PNQ) le mardi 4 avril – une stratégie pour tenter de diluer la polémique, selon eux –, en raison des débats autour du Supplementary Appropriation (2022-2023) Bill, ils ne lâcheront pas pour autant l’affaire et reviendront à la charge la semaine prochaine. En attendant, lors d’une conférence de presse en début de semaine, ils ont réclamé avec force la démission immédiate de Maneesh Gobin et de Rajanah Dhaliah, affirmant que Raj Dayal et Ivan Collendavelloo sont partis pour moins que ça.

 

Après s’être refusé à tout commentaire sur cette affaire, c’est finalement dans le journal télévisé de la MBC du vendredi 7 avril que l’Attorney General a brisé le silence. Répondant à une question de la presse alors qu’il faisait une visite du jardin de Rivière-du-Rempart, Maneesh Gobin affirme avoir pris connaissance des accusations qui circulent en ce moment. Pour lui, il ne s’agit que de spéculations tirées par les cheveux afin de nuire au bon déroulement de l’enquête. «Je dois dire que les articles de presse avec des spéculations les unes plus folles que les autres n’arrêtent pas. Ce que nous devons réaliser, c'est que lorsque l’ICAC fait une enquête, c’est juste l’ICAC, couverte par la PoCA, qui sait ce que comporte l’enquête. Ce n’est pas correct de faire des spéculations à gauche et à droite pour causer du préjudice à une enquête. En ce qui concerne les spéculations qui me concernent directement, je vais prendre des actions légales.»

 

Selon ses dires, il n’a absolument rien à se reprocher et ce n’est que de la propagande par certaines personnes de la presse et de l’opposition. Si Maneesh Gobin soutient que les terrains dans la région de Grand-Bassin ont toujours été loués à bail, il semble pourtant omettre la vraie question, soit celle des allégations de pot-de-vin. «Ils veulent faire croire à la population que c’est la première fois que ce gouvernement donne un state land à bail dans la région de Grand-Bassin comme chassé. C’est quelque chose qui se fait depuis longtemps. C’est un fait connu de tous les ministres de l’Agriculture, sous tous les gouvernements. Autour du Ganga Talao, il y a quatre lots de terrain qui sont loués à bail. Nous travaillons sur un strategic plan pour cette région. Ces quatre lots sont sous le contrôle du gouvernement», a-t-il déclaré, avant de lancer une mise en garde. «Je dis à ces personnes qui font cette propagande : regardez bien et ne jouez pas avec le feu.»

 

L’explication de l’Attorney General est-elle convaincante ? Pas sûr que tous les soupçons soient pour autant dissipés. Ce qui est sûr, c’est que les dernières allégations viennent ternir davantage la réputation du gouvernement qui multiplie les controverses.

 

Au-delà de tout soupçon ?

 

Pour l’observateur politique Jocelyn Chan Low, même s’il ne s’agit que d’allégations jusqu’ici, cela vient tout de même entacher l’image du gouvernement, déjà bien ébranlée par diverses polémiques. «Nous devons attendre les conclusions de l’enquête pour nous prononcer mais nous avons vu les photos des parties et c’est devenu du domaine public. On sait aussi que son bureau gère cette affaire d’extradition. Tout ça n’est pas très clair. Ce sont des allégations sérieuses et Maneesh Gobin, en tant que conseiller légal du gouvernement, ne peut pas être impliqué dans ce genre d’affaire. Il n’est pas seulement ministre mais surtout Attorney General et rien que pour ça, il aurait dû déjà démissionner. De par la fonction qu’il occupe, son bureau et lui doivent être au-dessus de tout soupçon.»

 

Pour Pravind Jugnauth, qui se retrouve avec un autre membre de son équipe empêtré dans une controverse, les répercussions ne sont pas, dit-il, négligeables. «Quand on compare avec ce qui s’est passé avec Ivan Collendavelloo qui est parti pour moins que ça, ça donne lieu à des spéculations. En tout cas, c’est très mauvais politiquement pour Pravind Jugnauth.» D’ailleurs, plusieurs membres de la régional du no 7 ont fait part de leurs interrogations lors d’une réunion dans la circonscription la semaine dernière, face aux élus, concernant toute cette affaire, notamment s’agissant du nom d’un autre homme, habitant de Rivière-du-Rempart, qui a été cité par Keegan Etwaroo. Certains, en colère, ont dit attendre une prise de position de la part du PM qui, selon certains, devrait se prononcer après les célébrations du 40e anniversaire du parti.

 

En attendant, la société civile est abasourdie et stupéfaite, lance Faizal Jeeroburkhan, observateur politique, devant l’ampleur de ce scandale. «Le citoyen a beaucoup entendu le PM dire “pe kas lerin la drog” mais là, ils découvrent que ça pourrait être exactement le contraire et que ça dure depuis des années, sans aucune intervention des autorités. Les gens se posent beaucoup de questions et se demandent comment ce réseau mafieux a pu infiltrer les institutions à un tel niveau. Ils se demandent comment ces personnes ont pu introduire autant de drogue en toute impunité, comment les protagonistes ont pu acheter autant de biens sans être inquiétés par les autorités. Pourquoi les instituons régulatrices n’ont rien vu et n’ont pas réagi ?» Autant de questions qui méritent des réponses.

 

Devant des faits aussi graves et surtout en l’absence d’explications sur le sujet, ajoute-t-il, la perte de confiance des citoyens est inévitable. «C’est une perte de confiance aiguë dans nos institutions, dans le discours du PM et des autres ministres. Les Mauriciens réalisent qu’il y a un vrai décalage entre les discours et les pratiques politiques.» Sans compter que cela contribuera, ajoute-t-il, à ternir l’image du pays au niveau régional et international.

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