Publicité

Campagne 2019 : ces moments-clés

5 novembre 2019

Jocelyn Chan-Low et Kris Valaydon donnent leur point de vue.

Les derniers jours s’étirent. Se remplissent d’événements, de promesses, de discours sur kes savon, de commentaires revanchards et parfois inspirés. Partout dans l’île, les oriflammes battent au vent et rappellent, s’il était possible d’oublier, que la campagne électorale s’est installée dans l’île, dans les têtes et dans les réflexions. Pendant ces semaines pour convaincre, pour séduire, pour détruire, aussi, il y a eu des moments-clés ; des instants qui définiront désormais la campagne 2019. Que sont-ils ? Vous devez avoir l’image, le mot, la phrase, le discours, le nouveau-venu qui a marqué vos esprits. Kris Valaydon et Jocelyn Chan Low partagent leur analyse respective.

 

Pour l’historien, il n’y a pas vraiment eu encore de «moment décisif» : «Si ça arrive, ça sera dans ces derniers jours de campagne.» Néanmoins, il y a eu des tendances qui sont propres à ce temps préparant au jeudi 7 novembre, jour du scrutin. La première, estime-t-il, est la salve de Pravind Jugnauth : «Quand il a annoncé que la pension de vieillesse passerait à Rs 13 500. À partir de là, il y a eu une surenchère ; la guerre des promesses au lieu d’une réelle prise en compte des enjeux économiques.»

 

Kris Valaydon, avocat, note également «cette surenchère au niveau des promesses électorales» : «Le politicien s’acharne à offrir plus et encore plus, alors que le peuple fait ses comptes pour savoir pour qui voter.» Il parle même de la violation du Representation of the People’s Act : «On constate la défiance de la loi qui interdit formellement la promesse qui est faite dans l’intention d’influencer l’électeur dans son choix. Il est même prévu que la violation de la loi est punie par amendes et peines d’emprisonnement. Mais dans le tourbillon électoral dans lequel le pays se trouve (…) l’illégalité est devenue acceptable.»

 

Mais dans l’ADN de cette campagne, il n’y a pas que ça. Les contours de son profil génétique, estime Kris Valaydon, ont commencé à se définir dès les annonces des alliances : «Il paraissait de plus en plus évident, et cela s’est confirmé depuis, qu’on s’acheminait vers une lutte à trois, phénomène que l’on n’a pas vu depuis 1976, ce qui change la donne dans notre univers politique, nous qui sommes habitués à une joute électorale bipolaire.» Les mouvements du mercato politique ont aussi fait parler et… installer un autre feeling, estime-t-il : «La dispersion du MP et l’adhésion de son président au MSM. Puis, la décision du PMSD de se joindre au Labour, et la décision du MMM d’aller aux élections sans alliance. Les adhésions des anciens ténors mauves au MSM ont provoqué l’effet contraire : un rejet des transfuges et un retour des militants vers le MMM.»

 

Un retour en force d’un MMM qui semblait à bout de souffle fait donc aussi partie des moments-clés de cette campagne, selon nos observateurs : «Il y un gain de confiance chez le MMM qui ne se considère plus comme joker ou king maker mais qui aspire à gouverner.» Les Mauves reprennent des couleurs : «On retrouve la dynamique du MMM ; le meeting du bar Chacha était un instant décisif. Quand les deux s’affrontent, le troisième est en train d’en bénéficier, c’est normal», résume Jocelyn Chan Low. Qui sont ces deux qui combattent ? L’Alliance Morisien de Pravind Jugnauth et l’Alliance Nationale de Navin Ramgoolam. Sur les réseaux sociaux (Facebook, l’outil incontournable de 2019 avec sa propagande et ses fake news) ou ailleurs.

 

Et dans cette bataille, les gates sont autant d’armes à doubles tranchants. «Le Serenity Gate a mis le gouvernement en difficulté. Le Navin Gate est venu également pour perturber. Il y a eu le Sherry Sing Gate. Ce qu’on retient ? Que deux adversaires sont en train de s’entretuer», poursuit l’historien. Kris Valaydon va plus loin. Ces vidéos diffamatoires, aux révélations qui restent à être prouvées, «nous donnent la mesure de notre maturité politique», explique-t-il : «Surtout lorsqu’il escamote et exclut tout débat sérieux autour d’un projet de société. On notera l’effet boomerang de même que le niveau dont certains de nos politiciens sont capables.»

 

D’autres moments-clés de cette campagne ? La présentation des candidats qui a provoqué la polémique : «Que ce soit au niveau de l’Alliance Morisien ou de l’Alliance Nationale», rappelle Jocelyn Chan Low. Les incertitudes concernant la circonscription de Navin Ramgoolam. Mais aussi le dévoilement des manifestes électoraux qui ont suivi la fameuse formule sur-usitée cette année : les mesures prioritaires. Kris Valaydon rappelle également que le «refus de la commission électorale d’enregistrer les candidats qui ne déclarent pas leur appartenance à une communauté» est indissociable de cette campagne : «Et, ce faisant, contredisent la résolution des Nations Unies, et pire, démontrent une lacune dans notre Constitution qui ne reconnaît pas que la population mauricienne puisse être faite de Mauriciens.»

 

D’autres moments devront s’ajouter à cette liste. Car les derniers jours d’une campagne sont souvent décisifs. Ils s’étirent et se remplissent de promesses, de discours…
 

Publicité