C’est toute sa vie qui a été chamboulée en l’espace d’un instant. Catherine Cordier peine d’ailleurs à mettre des mots sur sa souffrance mais perçoit déjà le changement et le déséquilibre engendrés par la mort brusque et tragique de Dominique Claudino Bon, son compagnon. «Tous les matins, en quittant la maison pour aller travailler, il m’embrassait, me disait "je t’aime". Durant la journée, il m’appelait pour savoir ce que je faisais, me le reprochait lorsque je n’avais pas encore déjeuné. Mais le plus dur sera de ne plus pouvoir m’endormir dans ses bras chaque soir», lâche-t-elle d’une voix tremblante d’émotion.
Dans la nuit du jeudi 23 au vendredi 24 février, l’homme qui partage sa vie a été victime d’un accident sur la route principale de La Mivoie, à Tamarin, non loin de leur domicile. Il n’a pas survécu, au grand dam de sa famille et ses amis. Originaire de Bois-Marchand, Claudino Bon aurait célébré son 37e anniversaire cette année. Il y a environ six ans, il a fait la connaissance de sa compagne sur le lieu de travail de celle-ci, à Tamarin. «Nous nous sommes d’abord liés d’amitié, puis avons échangé nos numéros. Au fil du temps, nous nous sommes rapprochés, jusqu’à ce que nous nous mettions ensemble il y a un à peu près trois ans», se remémore Catherine Cordier. Le couple s’est installé à La Mivoie, Tamarin, il y a environ deux ans, dans le cadre du gardiennage et de la sécurité de la maison qu’il occupait. Claudino Bon exerçait aussi le métier de jardinier dans la capitale. Séparés chacun de son côté depuis de longues années, Claudino Bon – qui a deux enfants issus de sa précédente union – et Catherine Cordier voulaient tous deux entamer les procédures du divorce afin de pouvoir se dire «oui» l’an prochain. «Nou ti anvi marye me pa ti ankor dir nou fami. Nou ti anvi fer zot enn sirpriz. Apre sa, nou ti prevwar pou al pas enn semenn Rodrigues.»
Alcootest positif
Lorsqu’il Claudino Bon a quitté leur domicile aux alentours de 17 heures, le jeudi 23 février, Catherine Cordier n'aurait jamais pensé que c’était la dernière fois qu’elle le voyait en vie. «Li ti dir mwa li pe al get enn kamarad. Avan li ale, nou ti pe koze, riye, badine. Nou ti pe ekout nou bann sante lapriyer ansam. Linn dir mwa li anvi manz toufe bred, mo ti kwi seki linn dir mwa», confie-t-elle. «Je l’avais rappelé vers 19 heures pour lui demander de rentrer parce que je ne me sentais pas bien. J’avais d’atroces douleurs parce que je viens de subir une opération. Je l’ai à nouveau eu au téléphone vers 20 heures parce qu’il n’était pas encore rentré et il m’a dit qu’il était en route, qu’il avait accompagné son ami à Quatre-Bornes et qu’il ne tarderait pas.»
Lorsqu’elle a tenté de le joindre à nouveau sur son cellulaire vers 22h45, puis vers 23h30, il n’a pas décroché. Inquiète, elle a à nouveau tenté de le contacter vers 1 heure du matin. «Un homme a décroché pour me dire qu’il avait récupéré son cellulaire et m’a annoncé son décès. Je ne voulais pas y croire.» Sous le choc, Catherine Cordier s’est aussitôt ruée vers la route principale, où elle a constaté une forte présence policière. «Zot finn dir mwa idantifie dimounn kinn mor-la. Se la ki monn konfirme ki sete byen mo misie.»
D’après les forces de l’ordre, une première collision a eu lieu entre deux voitures aux alentours de 23h55. Ce serait l’heure à laquelle la Toyota blanche conduite par l’ami de Claudino Bon et une BMW noire se sont heurtées. Lorsque la police de la localité est arrivée sur place, elle a trouvé le chauffeur de la Toyota blanche – un habitant de La Preneuse, âgé de 30 ans – allongé sur l’asphalte, du côté droit de la route, avec des blessures. Claudino Bon, pour sa part, gisait inerte sur le trottoir, du côté gauche, et portait de graves blessures. Quant au conducteur de la BMW noire, il avait déjà quitté le lieu de l’accident.
Plus d’une trentaine de minutes plus tard, une Kia grise circulant sur cette route est venue heurter la Toyota blanche déjà accidentée. Son conducteur – un habitant d’Ilot Fortier – a dû être évacué des lieux rapidement et a été conduit au poste de police de Rivière-Noire à cause d’une foule hostile. Sollicité, le Samu n’a pu que constater le décès de Claudino Bon en arrivant sur les lieux. Le conducteur de la Toyota blanche, dont le «bassin a éclaté», selon un proche, a été conduit à l’hôpital Yves Cantin. Il a été soumis à un alcootest qui a révélé qu’il avait 95 milligrammes d’alcool dans le sang. Les enquêteurs ont, par la suite, pu mettre la main sur le chauffeur de la BMW noire : il s’agit d’un homme de loi de 52 ans, domicilié à Floréal. Il est actuellement admis dans une clinique privée et a refusé de se soumettre à un test d’alcoolémie. Idem pour le conducteur de la troisième voiture impliquée. Pour l’heure, l’enquête est toujours en cours afin de situer les responsabilités de chacun.
Après sa délicate intervention chirurgicale en novembre dernier, Catherine Cordier, elle, confie : «Monn malad, monn res lopital 25 zour. Quand je suis rentrée à la maison, je pouvais à peine marcher et parler. Se Claudino ki finn okip mwa, begn mwa. Se enn bon dimounn ki ti pe pran mwa kont. Zame linn lev lame lor mwa, zame linn lev lavwa avek mwa. Tou seki mo ti anvi, li ti donn mwa. Il nous arrivait de nous disputer, comme dans toutes les relations, mais nous n’étions jamais fâchés bien longtemps.»
Aujourd’hui, elle essaie de tenir bon pour sa fille unique mais veut à tout prix connaître les réelles circonstances de ce drame dont elle n’a pas encore tous les détails. C’est également le souhait de Catherine Beedassee, la soeur de Claudino Bon, qui «lance un appel à la population afin que tous ceux ayant des informations sur cet accident les communiquent à la police». Également très affligée, elle ne retient pas ses larmes lorsqu’elle repense à sa dernière conversation avec la victime plus tôt, le jeudi 23 février : «Li ti pe pran mo nouvel ek ti invit mwa kot li pou Pak pou nou amiz ansam. Kouma ou panse mo pou santi mwa kan pou ariv zour sa fet-la ? Mo espere pou ena enn lazistis pou li.»
Cadet d’une fratrie de huit enfants, Claudino Bon laisse derrière lui une grande famille et de nombreux amis marqués à jamais par sa perte tragique.