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Démission de Jenny Adebiro du MMM : un départ qui révolte et intrigue

13 février 2022

C'est aux côtés de Paul Bérenger et Deven Nagalingum qu'elle était candidate aux dernières législatives au no 19.

Elle déballe

 

La nouvelle a surpris et choqué plus d’un. Le jeudi 10 février, Jenny Adebiro, candidate battue des dernières élections générales au n° 19 (Stanley/Rose-Hill), annonce, par le biais d’une lettre adressée au leader du MMM, qu’elle démissionne de toutes les instances du parti. Si la pilule est difficile à avaler pour ses collègues mauves, nombreux sont ceux qui ont du mal à comprendre une telle décision venant de celle qui, il y a deux semaines encore, contestait haut et fort l’exercice du recount dans la circonscription où elle a été la colistière de Paul Bérenger en 2019. Elle est aussi celle qui, dans la dernière édition du journal Week-End, a brandi avec force ses couleurs militantes et son allégeance au MMM. Aujourd’hui pourtant, elle parle de manque de démocratie, d’éthique et de valeurs au sein d’un MMM qui ne jouerait plus son rôle sur l’échiquier politique.

 

Qu’est-ce qui a bien pu la pousser à claquer la porte ? C’est lors d’une conférence de presse tenue au lendemain de sa démission que la jeune femme s’est expliquée. «Ça n’a pas été une décision facile. Il y a eu beaucoup de réflexion avant. Je pense que c’est la meilleure décision à prendre par rapport aux circonstances.» Si elle n’est pas partie avant, explique-t-elle, c’est parce qu’elle a longtemps aimé ce parti, sa vision, sa stratégie. Blâmant un MMM en perte de vitesse mais pour lequel elle a fait de nombreux «sacrifices», elle dit qu’il y a eu des «coups bas». «Depuis 2020, je me suis retrouvée mise à l’écart de l’aile féminine dont j’étais la présidente. J’étais en congé maternité et j’avais un problème familial. Alors que je m’attendais à un soutien de mon parti et à reprendre mon rôle au sein de l’aile féminine, ça n’a pas été le cas.»

 

Selon Jenny Adebiro, elle a été un «membre exemplaire» du MMM, elle a toujours été présente et a su respecter les décisions prises par les dirigeants, même si elles n’étaient pas toujours justes. «J’ai fait mon devoir en tant que militante. J’ai connu des moments durs mais je n’ai jamais baissé les bras. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait avec le cœur.» Cependant, aujourd’hui, elle estime que le parti ne fonctionne pas démocratiquement. Il y a eu trop de choses qui l’ont blessée et qui remettent en question son avenir au sein du MMM. Pendant l’exercice du recount, par exemple, elle dit s’être senti seule et esseulée face à un manque de soutien et de solidarité de la part de l’aile féminine et des députés femmes du parti. «Je suis arrivée à un point où je devais prendre une décision personnelle. Il y a eu trop de choses que je ne peux plus supporter. Je me suis dit : est-ce que Jenny, tu es valorisée ? Est-ce que j’ai toujours ma place dans le Bureau politique ou le Comité central ?»

 

À Ajay Gunness, leader adjoint du MMM, qui a parlé «d’ingratitude», Jenny Adebiro n’a pas caché sa déception. «Ça me touche car c’est loin d’être le cas. Si aujourd’hui, je suis au MMM, c’est par mérite, par le travail que j’ai effectué, par allégeance à mon parti. Si j’ai eu un ticket pour les élections, ce n’est pas par gratitude ou par bonté de cœur mais pour le travail que j’ai fait.» C’est tout cela qui lui fait dire que le parti a perdu son essence. «C’est difficile pour nous d’aller sur le terrain et de parler aux gens car nous sommes coupés des attentes de la population.» Selon elle, il est plus que temps que le MMM se ressaisisse.

 

En ce qui concerne son avenir politique, Jenny Adebiro a déclaré ne pas avoir l’intention, pour le moment, de rejoindre un autre bord. Elle compte, pour l’heure, se concentrer sur la naissance de son bébé et sa vie professionnelle.

 

Onde de colère et de déception au n° 19

 

C’est le même sentiment qui gronde dans les rangs du MMM, dans la circonscription no 19 et chez les militants. Un sentiment de trahison et de déception. Le départ de Jenny Adebiro ne laisse personne insensible, surtout pas celui qui était jusqu’à tout récemment son chef agent. Depuis que la nouvelle est tombée, ce dernier n’a que ces mots à la bouche : «Je suis blessé dans mon âme.» Cela démontre le choc et la déception d’Iqbal Calcateea, qui ne pensait pas voir ce qu’il décrit comme un véritable volte-face de celle qu’il a côtoyée depuis de nombreuses années. «Je suis triste et choqué.» Présent à ses côtés depuis 2019 et ensuite dans la lutte pour le recount, il se dit profondément déçu par la décision de Jenny Adebiro. «Je ne m’attendais pas du tout à ça, à ce qu’elle tourne le dos au MMM après tout ce que le parti a fait pour elle. Nous avons eu des doutes quand Ivan Collendavelloo et Bobby Hureeram l’ont appelée à rejoindre le parti. Mardi, je l’ai appelée et nous avons parlé pendant une heure. Je lui ai demandé si les rumeurs étaient vraies. Elle m’a assuré que non. Elle m’a dit : ‘‘Iqbal, je suis née MMM, je mourrai MMM. Je suis militante, je reste militante.’’ Alors, je ne comprends vraiment pas ce retournement de veste.»

 

S’il a écouté la conférence de presse de Jenny Adebiro, il dit ne pas croire à ses explications. «Pour moi, tout ce qu’elle reproche au MMM est totalement faux. Il n’y a qu’à lire son interview de dimanche dernier et écouter ce qu’elle vient dire maintenant pour comprendre.» Selon lui, il a dû se passer quelque chose entre le jour du recount et le week-end dernier. «Il a dû y avoir des négociations. Selon moi, ce sont des machinations pour empêcher que le combat autour du recount n’aille plus loin.» Pour Iqbal Calcateea, malgré les départs, le MMM reste un roc. «Ils partent mais encore plus viendront nous rejoindre. Ce qui est drôle, c’est qu’ils viennent chercher ceux qui sont dans le MMM. Faut croire que tous les bons se trouvent chez nous. Il y a un bazar qui a ouvert et qui achète les consciences pour les prochaines élections.»

 

Comme lui, beaucoup de ceux qui ont soutenu et côtoyé Jenny Adebiro ne cachent pas leur amertume. Sur les réseaux sociaux, la démissionnaire n’est pas épargnée par les critiques qui fusent et qui l’accusent d’avoir trahi et vendu son parti.

 


 

La riposte de l’aile féminine du MMM

 

Mensonges. Allégations. Manipulations. Les membres de l’aile féminine du MMM n’ont pas tardé à donner la réplique à celle qui les a accusées de l’avoir abandonnée. C’est face à la presse qu’elles ont affirmé que tout ce qui a été dit par la démissionnaire, ce n’est que des allégations gratuites et infondées. Elles se disent non seulement tristes et déçues mais surtout blessées par la façon de faire de Jenny Adebiro. Pour Rouma Bhadoor, présidente par intérim, Jenny Adebiro a bénéficié de tout le soutien possible durant le processus du recount.  «Ce qu’elle veut faire à la population est totalement faux.»

 

Selon Christel Legrand, secrétaire du mouvement, Jenny Adebiro a été absente pendant deux ans. «À aucun moment, nous avons pris sa place et l’avons donnée à quelqu’une d’autre. Elle ne venait pas aux réunions alors qu’elle était au courant de toutes nos activités. Nous l’avons toujours soutenue pendant ses moments difficiles. Nous l’avons aidée et encouragée. C’est triste et blessant. Elle était comme une amie, une sœur.»

 

Lorsque les rumeurs de démission ont surgi, Jenny Adebiro, dit-elle, a tout nié.

 


 

Les Mauves en chute libre ?

 

Pourquoi quittent-ils le navire ? Ces derniers mois, les Mauves ont connu une cascade de démissions. Avant Jenny Adebiro, c’est Neera Seebarun, candidate au no 8 lors des dernières législatives, qui, fin janvier, a pris ses distances avec le parti, affirmant qu’elle s’est prononcée contre un éventuel rapprochement MMM-PTr.

 

Comme à chaque démission, le parti avait balayé d’un revers de la main ce départ, accusant la démissionnaire d’être inactive et le gouvernement MSM d’être le maestro derrière ces démissions. D’ailleurs, dans le cas de Jenny Adebiro, Ajay Gunness a accusé Pravind Jugnauth d’être le responsable. Celui-ci est sorti de ses gongs et a rétorqué : «Tou zafer mo mem. Mo mem Superman.» Cependant, l’opposition est convaincue de l’opération de débauchage menée par le MSM. Paul Bérenger a, pour sa part, brièvement commenté ce nouveau départ affirmant que Jenny Adebiro est tombée dans le piège «aste vande». «Il n’y a qu’à voir ses déclarations de la veille pour comprendre. Tout ce que j’ai à dire c’est que c‘est très triste qu’une jeune personne agisse comme ça.» Arvin Boolell se demande quelle est la «force maléfique» qui a bien pu influencer Jenny Adebiro qui a fait un «U-turn jamais vu et qui va, selon lui, visiblement «donner un soutien indéfectible au MSM».

 

Cette semaine a été marquée par un autre départ, celui d’Atma Bumma, ancien Mauve qui avait rejoint le Mouvement Patriotique, qui intègre le MSM. Il a expliqué qu’il souhaite donner un coup de main au gouvernement de Pravind Jugnauth pour bâtir le pays.

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