Rêve d’union. Jack Bizlall voudrait passer la bague au doigt aux formations politiques qui «s’opposent à la transformation de notre République parlementaire en République présidentielle». Sur un tempo d’unification, il espère voir son Mouvement Large – qui comprend, entre autres, le Collectif 1er mai et la Confederation Travayer Sekter Prive – s’élargir et s’enrichir de nouveaux partis, afin de s’élever contre les deux principaux blocs politiques. Il fait les yeux doux à Lalit et Rezistans ek Alternativ. N’oublie pas Ensam et le Parti Justice Sociale, entre autres. Et fait un appel… large ! Mais dans cette danse de contestation, tous ne veulent pas faire des pas de deux avec le charismatique syndicaliste.
Si une coalition de partis pèserait – logiquement – plus lourd, du point de vue électoral, à Rezistans ek Alternativ, on estime qu’il n’est pas nécessaire de s’adonner à ce genre de calculs. Michel Chiffonne, porte-parole de Rezistans ek Alternativ, le dit : «Nous ne sommes pas intéressés. Nous défendons des causes, nous avons des valeurs et une vision de la société. Nous menons des combats autour d’idées. Nous ne faisons pas de culte de la personnalité.» Que Jack Bizlall tente de fédérer le maximum de gens autour de sa personne ne semble pas plaire. Le syndicaliste s’en défend, bien entendu. Son appel est dans l’intérêt du pays (voir hors-texte).
Autre problème soulevé par Michel Chiffonne : la définition du terme «large», qui laisse la place à de nombreuses spéculations. Pour le porte-parole de Rezistans ek Alternativ, le concept même de ce mouvement est bien trop flou. Qui sont ceux qui se retrouveront sur cette plate-forme commune ? Quelles seront les idées défendues ? Comment concilier les différentes aspirations et les nombreuses idéologies ? Trop de questions restent en suspens, estime-t-il.
Mêmes valeurs
À trop voir large, le message essentiel d’un combat commun risque de se perdre : «C’est une question d’idéologie et de façon de faire. Il est impossible de travailler avec des personnes qui ne partagent pas les mêmes idées et les mêmes valeurs que nous. Nous optons pour la démocratie participative et non pour l’alignement avec d’autres partis.» D’ailleurs, estime Michel Chiffonne, Rezistans ek Alternativ a un programme bien défini, des idées claires à défendre et un combat juste à mener. Si la bataille contre une IIe République – comme celle proposée par Navin Ramgoolam et Paul Bérenger – est le socle même du Mouvement Large, Rezistans ek Alternativ estime qu’il faut d’abord travailler sur une réforme électorale anti-communale.
Michel Chiffonne est persuadé que, même sans le Mouvement Large, les candidats du parti de gauche ont leur chance d’offrir une opposition crédible au Parlement : «Nous sommes la gauche d’émancipation, des éco-socialistes et des éco-conscients. Les jeunes et les moins jeunes vont nous soutenir.» Néanmoins, il précise que Rezistans ek Alternativ est prêt à soutenir le mouvement de Jack Bizlall sous certaines conditions : «Quand leur programme politique sera dévoilé et que la liste des candidats sera connue, et si nous estimons que leur combat rejoint le nôtre, nous encouragerons les Mauriciens à les soutenir.»
En mode wait and see ! Si Rezistans ek Alternativ et Lalit ne sont pas toujours sur la même longueur d’onde concernant le Mouvement Large, les deux partis se rejoignent plus ou moins. Alain Ah-Vee, porte-parole de Lalit, se demande pourquoi Jack Bizlall souhaite que le parti se joigne au Mouvement Large : «Il disait, il n’y a pas très longtemps, qu’il aurait des difficultés à travailler avec nous et Rezistans ek Alternativ. Son invitation est une contradiction.» D’ailleurs, il n’est pas toujours nécessaire de se rassembler, estime l’homme, un des porte-parole de Lalit : «Au lieu de gagner en force. On peut tout perdre. Le Mouvement Large, son but et ses objectifs, ne sont pas clairs. Nous ne savons pas trop où cela mène. Je ne vois pas un programme cohérent et socialiste, qui pourrait convenir à tout le monde, voir le jour.»
La politique que propose Lalit a pour but de changer, pour le meilleur, la société et non de récolter des sièges au Parlement : «Nous avons notre stratégie et nos objectifs. Nous avons présenté notre programme. Nous aurons au moins un candidat par circonscription. Nous avons une riche histoire.»
Pourtant, pour tenter de faire la différence, c’est au Parlement qu’il faut faire entendre sa voix. Alors, Pr Sheila Bunwaree, leader du Parti Justice Sociale, a une autre vision du Mouvement Large : «Je suis ouverte à toutes formes de collaboration afin de contrer la politique mainstream qui n’a pas fait grand-chose par rapport à la justice sociale et la pauvreté, jusqu’à aujourd’hui. Étant donné que Jack Bizlall prône la progressive politics, c’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup de respect.» Elle souhaite un programme commun qui puisse intéresser la nation mauricienne : «Pour moi, le plus important, c’est un programme qui met l’accent sur des valeurs importantes, accès sur un agenda de justice sociale.»
Rêve-t-elle d’union politique avec Jack Bizlall ? Le syndicaliste souhaitera-t-il lui passer la bague au doigt ? À suivre…
Questions à… Jack Bizlall, initiateur du Mouvement Large
«Nous voulons une entente...»
Où en est le mouvement ?
Nous en sommes au stade des discussions. Nous nous rencontrons pour parler de notre participation ou non-participation aux prochaines législatives. Nous ne faisons pas d’exercice de vote, nous essayons de trouver un consensus. Donc, forcément, ça prend plus de temps que prévu. Nous finalisons différents points afin de pouvoir faire des annonces le samedi 8 novembre. Nous avons prévu des rencontres avec des groupes qui nous ont approchés au courant de la semaine. Mardi, notre programme électoral sera sous presse.
Qui sont ces groupes ?
Vous en saurez plus le 8 novembre.
Le Parti Justice Sociale souhaite visiblement travailler avec le Mouvement Large. Qu’en pensez-vous ?
Il faut d’abord finaliser différents points, avant de se prononcer sur celui-là. Ce serait inconvenant de parler de travailler ensemble et ensuite de ne pas le faire, car il y a des différences de points de vue.
Rezistans ek Alternativ, ainsi que Lalit, ne souhaitent pas s’associer au Mouvement Large. Une réaction ?
On n’invite personne à être membre du Mouvement Large. Le mouvement existe déjà. Nous avons un programme basé sur neuf piliers (la sécurité, la justice, l’égalité, la liberté de vivre, l’éducation, l’économie socialisée, la République pour tous, la nature protégée, réparer et réhabiliter). Ce qu’il faut, c’est une entente. Chacun peut garder sa stratégie. Le but, c’est d’avoir une cohésion pour le bien du pays et pour contrer la IIe République que proposent Navin Ramgoolam et Paul Bérenger.