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Passage du cyclone Candice : des prévisions en question

28 janvier 2024

La nature et son côté imprévisible. De quoi nous rendre tous dingues en ce moment, les prévisionnistes en premier ! Ainsi, après le passage de Belal, qui a engendré un chaos pas possible, voici qu'a débarqué Candice, un cyclone qui nous en a fait voir de toutes les couleurs, mais pour d’autres raisons. Tout d’abord, avec l’avertissement de classe 1, puis de classe 2 dès lundi pour une dépression tropicale qui n'avait toujours pas été nommée, mais qui commençait à inquiéter car on parlait de nuages de mousson devant apporter, en théorie, énormément de pluies et d’orage. Ensuite, mardi soir, les autorités parlaient d’un avertissement de classe 3 quasi sûr pour mercredi matin. Sauf que la population s’est réveillée avec un avertissement de classe… 2 et que beaucoup d'employés des secteurs public et privé ont finalement dû prendre le chemin du travail. Une situation qui a suscité beaucoup de colère et aussi des traits d’humour (parfois bien noirs), qui se sont déversés à torrent sur les réseaux sociaux et parmi la population en général, certains faisant aussi le parallèle entre l'avertissement de classe 2 et un temps qui n'y correspondait pas.

 

Pointée du doigt, encore une fois, la station météorologique de Vacoas et le National Emergency Operations Command (NEOC). N’empêche, ce samedi, sur les ondes de Radio Plus, Prem Doolaub, ancien directeur et actuel conseiller technique de la station de Vacoas, s’est défendu, martelant que la prévision du temps est une science inexacte, qu’il faut sans cesse calculer les risques et que même la technologie la plus avancée ne la rendra pas plus précise. 

 

Du coup, nous avons voulu connaître les analyses des prévisionnistes amateurs qui semblent tout de même avoir une certaine expertise dans le domaine. Du côté de MeteoHub Mauritius, on retrouve Rakesh Narain. «C’est clair que les autorités ont bien voulu jouer la carte de la prudence avec Candice, ce qui est une bonne chose. Alors maintenant, j’ai vu, comme tous les Mauriciens, cette histoire de classe 3 qui n’est finalement pas venue alors que les autorités nous avaient presque assuré de cela. Il faut comprendre que le cas Candice est très particulier et a proposé deux scénarii qui étaient, selon moi, incapables à prévoir jusqu’au dernier moment. Pour résumer, d’un côté, on a eu un cisaillement du vent qui n’était pas favorable à une augmentation de l’intensité de la dépression. Et de l’autre, un taux d’humidité qui laissait croire que Candice allait s’intensifier. Deux éventualités difficiles à prévoir.»

 

Catherine Boudet, que l’on connaît notamment comme poétesse et analyste politique, est aussi passionnée par le suivi des cyclones, la preuve avec tous ses posts d’analyse sur les réseaux sociaux lors des passages cycloniques. Et pour Candice, elle nous fait une analyse pointue : «Cette dernière alerte cyclonique a été une expérience inédite, car Candice est née à Maurice, tout près de Cap Malheureux. C’est pour ça que dans le nord de l’île, il n’y avait plus ni vent ni pluie durant la formation du cœur du système (heureusement pas encore un œil) dans la journée du 24 janvier. C’était un processus trop imperceptible pour être visible par satellite. Par contre, au sol, on pouvait apercevoir les bandes des nuages convectifs au loin en mer et tout autour de nous. D’ailleurs, pendant toute la durée du processus, la pression barométrique au sol n’a cessé de descendre jusqu’à s’aligner avec celle du phénomène. Puis, dès qu’il s’est mis en mouvement en prenant de l’intensité dans la nuit de mercredi à jeudi, la pression barométrique chez nous est remontée et nous avons alors commencé à sentir ses vents de ceinture. Personnellement, pour moi, c’était une expérience extraordinaire, car c’est la première fois depuis 1994 que je fais le suivi des cyclones, que je suis témoin de cette formation depuis l’intérieur même du système ! Heureusement pour nous, à ce stade précoce de sa formation, la tempête tropicale Candice ne représentait aucun danger pour l’île. Et lorsqu’elle a commencé à prendre de la vigueur, elle s’est éloignée de Maurice. C’est pourquoi beaucoup de gens ont pu avoir la perception d’un "faux cyclone" et s’interroger sur la pertinence de l’alerte alors même qu’il semblait ne rien se passer en apparence.»

 

Et que pense-t-elle de la gestion du passage du cyclone par les autorités ? «Après le méga "fanage" lors du passage de Belal, cette fois, les autorités ont voulu prendre leurs précautions. Et surtout, dans le contexte d’une cyclogenèse au-dessus de notre tête, il fallait rester extrêmement prudent sur le potentiel d’évolution de Candice. Cela aurait pu être très dangereux pour Maurice si elle s’était intensifiée au-dessus de nous. La gestion du risque cyclonique est une tâche ingrate et délicate car malgré toutes les modélisations, l’évolution d’un cyclone conserve une grande part d’imprévisible et peut changer d’heure en heure.»

 

Finalement, Afzal Goodur, notre monsieur météo très populaire, n’y va pas de main morte avec les prévisions de la station de Vacoas. «Les autorités n’arrêtent pas de faire des erreurs. On a vu la cacophonie avec Belal, et voici qu’on nous refait une autre histoire avec Candice. On promet carrément d’émettre la classe 3 pour finalement rester en classe 2, créant tout un changement dans la vie des employés. Il faut de la logique, savoir prévoir. Regardez ce qu’ils ont fait aussi vendredi dernier : émettre une veille de fortes pluies alors qu’il peluvait déjà énormément dans certains endroits de l’île !»

 

En tout cas, le passage de Candice près de nos côtes restera mémorable, mais pour des raisons un peu inédites…

 


 

De la pluie encore et encore

 

Il faudra marcher avec son parapluie. À l’heure où nous mettions sous presse ce samedi, l'avis de fortes pluies en vigueur avait été levé, et un avis de fortes houles était toujours en vigueur jusqu’à 4 heures ce lundi, avec le niveau 2 enclenché par le National Emergency Operations Command (NEOC). Les fortes pluies de cette fin de semaine ont créé des accumulations d’eau à Bambous et Saint-Pierre, notamment.

 

Pour aujourd’hui, la météo prévoit un temps mi-couvert le matin, avec des averses dans l’après-midi. Des averses modérées à localement fortes avec des orages. Un prévisionniste de la station de Vacoas nous explique que nous serons sous l’influence de «l’effet brise de mer pendant plusieurs jours. Ce qui occasionne un temps humide, instable, avec peu de vent. On se retrouve avec des matinées ensoleillées, pour ensuite avoir des développements nuageux, avec des nuages convectifs dans l’après-midi et de fortes pluies, comme nous l’avons eu pendant ces deux derniers jours. C’est ce qui devrait arriver dans les prochains jours.»

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