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11 juillet 2025 17:13
Le Centre de Solidarité (CDS), qui fête cette année ses 37 ans d’existence, a récemment lancé «The Work We Carry – Travay ki nou fer» dans le cadre du World Drug Day, une campagne documentaire qui révèle le travail discret mais essentiel derrière chaque parcours de rétablissement lié à l’addiction aux substances. Urvashi Dabysing, la Managing Director, nous parle de l’objectif de cette campagne, mais aussi de la mission du centre qui n’a fait que se renforcer au fil des années.
En 1988 prenait naissance la première institution résidentielle 24/7 spécialisée dans le rétablissement à long terme des personnes confrontées à l’usage problématique de substances. À l’époque, lance Urvashi Dabysing, Managing Director du Centre de Solidarité (CDS), l'institution voyait le jour dans un contexte où les structures d’accompagnement pour les personnes vivant avec un trouble lié à l’usage de substances étaient quasi inexistantes à Maurice.
Au fil des années, le centre s’est imposé comme une référence à Maurice dans le secteur de la réhabilitation, proposant un encadrement structuré et durable, un suivi individuel et un accompagnement familial, ancrés dans la communauté. Alors que l’institution fête cette année ses 37 ans d’existence, elle réaffirme son engagement auprès des personnes en quête de rétablissement. Son motto ? Accompagner, soutenir et transformer des vies en adoptant une approche humaine à l’aide d’un programme structuré qui vise à aider ceux qui veulent se libérer de l’emprise des addictions et leur offrir tous les outils nécessaires pour retrouver autonomie, dignité, et développer leur résilience.
«Nous sommes restés fidèles à notre mission : offrir un accompagnement rigoureux, humain et structuré à ceux et celles qui cherchent à se relever. CDS, ce n’est pas une clinique, ce n’est pas un refuge, ce n’est pas un centre d’urgence. C’est un espace de transformation. Ici, la personne est au centre, et non pas la substance. Nous accueillons les gens à différents moments de leur parcours, parfois après de multiples rechutes, parfois dès les premiers signes d’un déséquilibre. Et nous leur proposons un chemin. Ce chemin commence souvent par un appel. Une ligne d’écoute, un premier contact – parfois d’un parent, parfois d’un frère, d’une sœur, parfois de la personne elle-même. C’est là que commence l’accompagnement. Ensuite, selon la situation, nous proposons une orientation, un programme de jour, ou un accueil en résidence», explique Urvashi Dabysing.
La résidence, poursuit notre interlocutrice, est le cœur battant du CDS. Très vite, le centre s’est transformé en un lieu de vie thérapeutique qui permet à ses résidents de se reconstruire à l’aide de responsabilités partagées, de groupes de parole, d’entretiens individuels et de participation quotidienne. «Il s’agit de recréer un cadre là où tout s’était effondré. Parallèlement, nous travaillons avec les familles, car personne ne se relève seul et, parfois, il faut aussi aider l’entourage à se reconstruire. Mais notre engagement ne s’arrête pas à la sortie. Nous suivons les personnes dans la durée, car la stabilité ne se joue pas en quelques mois. Elle se construit, étape par étape. Nous croyons en un rétablissement durable, enraciné dans l’autonomie, la conscience de soi et la capacité à faire face.»
C’est tout cela, et bien plus encore, qui fait l’essence du CDS depuis toutes ces années. Et s’il fallait faire le bilan de ces 37 dernières années ? Pour Urvashi Dabysing, être encore là 37 ans plus tard est déjà en soi une forme de bilan. «Nous avons tenu bon dans un domaine qui ne pardonne pas l’approximation. Un domaine où l’adhésion est toujours volontaire, les résultats jamais garantis et la complexité humaine au cœur de chaque geste. Depuis 1988, nous avons accueilli plusieurs milliers d’hommes. Certains sont restés quelques semaines, d’autres plusieurs mois. Il y a ceux qui ont décroché du produit mais pas du processus, ceux qui sont revenus après une rechute, ceux qui ne sont jamais revenus mais ont gardé en tête une phrase, une image, une façon d’être vus. Tous n’ont pas “réussi” au sens classique du terme – mais tous ont été accompagnés avec la même attention.»
S'adapter aux changements
En effet, en plus de trois décennies, le CDS a vu défiler bien des parcours, des visages, des histoires, marqués par la souffrance mais aussi par l’espoir et la résilience. «Notre mission, depuis le début, est de tenir un cadre. Un cadre stable, exigeant, humain – dans lequel une personne peut se remettre debout. Nous accompagnons des hommes vivant avec un trouble lié à l’usage de substances, mais notre travail ne se résume pas à “enlever le produit”. Ce que nous visons, c’est une transformation plus profonde : retrouver une forme de cohérence intérieure, de responsabilité, de lien avec les autres. Nous ne faisons pas à la place de la personne. Nous créons les conditions pour qu’elle puisse faire par elle-même.»
Bien sûr, il a fallu s’adapter aux changements, évoluer avec le temps et ajuster les pratiques face aux nouvelles réalités. «En 37 ans, la réalité autour de nous a profondément changé. Les profils ont évolué, les produits aussi. La précarité s’est intensifiée. Les contextes familiaux sont plus fragiles. Et les attentes ne sont plus les mêmes. Nous avons donc fait évoluer notre manière d’appliquer ce modèle, sans jamais perdre sa colonne vertébrale. Ce travail d’ajustement s’est fait progressivement : dans la façon de structurer nos journées, dans la posture des équipes, dans l’accompagnement des familles, dans l’accueil des personnes plus jeunes ou plus vulnérables. Ce que nous avons conservé, c’est l’exigence du cadre. Ce que nous avons modifié, c’est la manière de l’habiter.»
C’est pourquoi Urvashi Dabysing est convaincue que le bilan du CDS ne peut pas se mesurer en chiffres, mais se définit plutôt par sa capacité à construire et maintenir un lieu thérapeutique crédible qui ne flanche pas au fil des années. «Nous avons fait exister à Maurice un programme résidentiel long terme, gratuit, aligné avec les standards internationaux de la Communauté Thérapeutique. Nous avons mis en place une phase d’orientation structurée, une prise en charge familiale intégrée, un système de suivi post-résidentiel, un lexique institutionnel, des rituels et des repères qui soutiennent les hommes dans leur parcours. Nous avons aussi permis à des dizaines de professionnels – éducateurs, psychologues, travailleurs sociaux – de se former, de faire leurs premiers pas ici, avant de partir ailleurs avec une certaine idée de la rigueur, de la cohérence et du respect du processus.» Au cours de ces 37 dernières années, renforcer ce qui a déjà été construit a été une priorité, ceci dans le but d’assurer la continuité et la solidité des actions du centre. «Notre objectif est de renforcer ce que nous avons déjà construit. Cela passe par la consolidation de notre programme résidentiel, l’affinement des outils utilisés pendant la phase d’orientation, le soutien aux familles, et l’accompagnement après la sortie. Il s’agit aussi de continuer à adapter notre approche à l’évolution des profils – plus jeunes, plus précaires, parfois plus isolés. Nous accordons une attention particulière à la formation continue de notre équipe, pour que la qualité du travail reste constante.»
Le CDS, affirme Urvashi Dabysing, travaille continuellement au renforcement du partenariat avec les autres collaborateurs et institutions, que ce soit la santé publique, la justice ou les services sociaux. «Nous existons dans un écosystème, et c’est ensemble que nous pourrons faire évoluer les choses.» Sur le long terme, l’objectif du CDS est d’être reconnu comme une institution centrale dans le paysage national du rétablissement. «Nous avons l’expertise, l’expérience et la structure pour jouer ce rôle. Il ne s’agit plus simplement de faire fonctionner un programme, il s’agit de mettre à disposition un savoir-faire, de former d’autres acteurs, d’outiller les institutions publiques, et de participer activement à l’élaboration de politiques nationales cohérentes. Aujourd’hui, Maurice ne peut plus se contenter d’approches dispersées. Il faut un système. Nous sommes prêts à contribuer à sa construction.» C’est fort de cette philosophie qu’ils ont d’ailleurs récemment lancé «The Work We Carry – Travay ki nou fer», une campagne-documentaire qui a pour but de mettre en lumière ceux qui travaillent dans l’ombre pour aider les personnes confrontées à l’usage problématique de substances. «Après 37 ans de présence, il nous a semblé juste et nécessaire de marquer un temps d’arrêt. Pas pour faire une rétrospective, ni pour organiser un événement public autour de la Journée mondiale contre la drogue. Mais pour nous recentrer. Pour prendre un moment et regarder, en face, ce que CDS est devenu. Pas ce que nous faisons, mais comment nous le faisons. Et surtout, avec qui. "The Work We Carry" est une initiative tournée vers l’intérieur. Elle est née d’un constat simple : sans les personnes qui maintiennent ce centre debout chaque jour – souvent sans reconnaissance, parfois sans relais –, il n’y aurait pas de continuité. Ce projet a donc été pensé comme une forme de reconnaissance institutionnelle. Un temps pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent la stabilité du centre, la précision des gestes, l’attention au cadre, la fidélité au processus.»
Mais au-delà de la reconnaissance, poursuit la Managing Director du CDS, il y avait aussi un objectif stratégique. «Dans un secteur souvent associé à l’urgence ou à l’émotion, "The Work We Carry" affirme un positionnement clair : CDS est une structure solide, dotée d’un modèle éprouvé et d’une capacité à se penser avec rigueur. Ce projet en est une démonstration. En interne, il a permis un recentrage. Un rappel de ce que nous faisons tenir collectivement. En externe, il envoie un signal sans équivoque : CDS est un centre opérationnel, cohérent, mature et pleinement conscient de sa responsabilité dans le paysage national du rétablissement.» Aujourd’hui, dit-elle, le CDS repose sur des fondations anciennes, mais avec une lecture moderne. «C’est cette combinaison qui fait sa force : la stabilité d’un modèle éprouvé et la capacité à s’adapter aux réalités du terrain.»
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