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Pour Maha Shivaratree : Des merveilles de… polystyrène

Un travail de précision qui demande de la patience ; c’est la passion de Thierry Domingue.

Bienvenue dans l’univers de Thierry Domingue. Il transforme un matériau banal en de véritables sculptures.

Des pétales blancs s’envolent. Et virevoltent au son de la circulation bruyante de la route principale de Grand-Gaube. Dans l’air, une odeur de poisson (le bazar pwason n’est pas loin) mais aussi de plastique brûlé et d’asphalte qui chauffe en ce mercredi 13 février, où le soleil a décidé d’imposer sa présence avec force. Thierry Domingue, avec son «arme», fait naître la beauté de l’instant, sans la rapidité d’Edward aux Mains d’Argent (inoubliable Johnny Depp). Il a dans la main un hybride entre un couteau de cuisine et une scie : une lame tranchante et flexible, ancrée solidement dans un manche en bois. Face à lui, les prémices d’une statue d’une divinité hindoue, taillée dans un morceau de polystyrène, qui sera utilisée par des dévots pour le pèlerinage de Maha Shivaratree (qui aura lieu le 4 mars). C’est avec son outil qu’il en dessine les contours, creuse les yeux, gonfle les joues et définit le nez. Et les morceaux de polystyrène s’envolent comme des pétales blancs.

 

C’est, chez lui, sous sa petite terrasse recouverte de feuilles de tôle, que l’artiste bosse, comme chaque année à cette époque : «J’ai des demandes de gens de la région. Mais c’est déjà arrivé que des personnes venant du sud de l’île fassent appel à moi.» De bouche à oreilles, son talent s’est fait connaître et il essaie de réaliser le souhait de chaque groupe de pèlerins qui le contacte : «Parfois, je travaille à partir d’une simple illustration.» Mais il ne peut pas prendre beaucoup de commandes car c’est un travail fastidieux. Long et éreintant. Il faut de la patience, de la technique et, surtout, de l’amour : «Si l’inspiration me quitte, je m’arrête et j’y reviens plus tard. Sinon, ça ne va pas marcher.» Car chaque geste est précis, réfléchi, maîtrisé. Le polystyrène a ses avantages ; c’est une matière malléable, légère et s’il est conservé à l’intérieur de la maison, il est durable, «pena okenn bebet ki pou manz li». Mais il a aussi ses inconvénients : il est friable et la moindre manœuvre approximative peut venir gâcher des heures de travail : «On doit parfois recommencer le travail à zéro.»

 

Alors, il faut être précis. Mais aussi avoir un gros bloc de polystyrène. Où en trouver ? Selon Thierry Domingue, il y a un seul endroit à Maurice qui en fournit : «C’est Resiglas.» Pour les grandes sculptures, il assemble plusieurs blocs. Il a même réalisé, dit-il, «un Ganesh de 2 mètres !» Il a également déjà sculpté une famille de Shiv au complet. Pour réussir à travailler de la manière la plus efficace possible, Thierry a créé ses propres outils (comme le couteau-scie dont nous avons parlé). Et avant d’attaquer la sculpture et les détails, il faut sortir une forme du bloc. Pour ça, il a fabriqué un fil coupant et chauffant avec un battery charger de voiture, des fils de fer ultra-fins que l’on trouve dans les séchoirs. Avec ce fil chauffé, il tranche le polystyrène comme s’il s’agissait de… guimauve. Aussi simple que ça ! Et son geste est sûr : l’arrondi est fait en une fraction de seconde et il est ultra-propre. Reste dans l’air un parfum de plastique brûlé qui agresse un peu les sens. Mais à ça, Thierry est habitué.

 

Après ce travail de «déblaiement», il dessine les contours et les traits de sa prochaine sculpture, y travaille avec ses couteaux spéciaux, puis polit le tout avec du papier sablé (de longues étapes résumées en quelques mots). Ensuite, vient le moment de la peinture – de l’emulsion, précise Thierry –, puis celui de l’application d’une résine. «Ça fixe la peinture mais ça lui permet aussi de durcir en surface, ce qui la rend beaucoup plus durable», explique-t-il, en faisant naître des pétales blancs…

 


 

C’est beau…

 

… Mais attention ! Il est impossible de ne pas faire le point sur le polystyrène. Ce matériau n’est pas considéré comme un super ami de l’environnement, bien au contraire. Il peut aussi, quand il est chauffé, être toxique pour l’homme.

 

Un parcours d’artiste

 

D’aussi loin qu’il se souvienne, il aimait ça. Faire naître des formes et des émotions du bout d’un crayon, de la caresse d’un pinceau, de la rondeur d’un feutre. Des couleurs, des images, des moments, des instants. «Même à l’école, j’étais toujours premier en Art», confie le père de famille, ancien élève du collège Friendship. Alors, quand un hôtel cherche un décorateur, il prend le challenge à bout de bras et se forme, se réinvente, se redécouvre : «J’ai suivi une formation d’un an auprès d’un spécialiste philippin en sculpture.» De ces mois d’apprentissage avec son sensei, il sortira riche d’un savoir qui lui nourrit l’âme. Des fruits, des légumes, de la glace ; tout sera «sculptable» ! Mais aussi du polystyrène.

 

 Il en fait une statue de la liberté à hauteur d’homme, des buildings du monde, des animaux pour l’établissement hôtelier pour lequel il travaille. Après des années dans l’hôtellerie, il a décidé de ralentir le rythme et a pris de l’emploi dans la maintenance à La Croisette afin de passer plus de temps avec sa femme et son fils. Mais sa passion ne le quitte pas pour autant ! Alors, c’est chez lui qu’il sculpte, imagine, crée. Il fait même des bustes qui sont exportés en France, là où une artiste y appose des milliers de boutons pour en faire des œuvres d’art.