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Par Yvonne Stephen
10 juillet 2023 20:58
Tactique de kouk-alali… pa la ! L’art de donner l’impression de ne pas s’intéresser à quelque chose afin de minimiser son importance. Ou réel désintérêt pour ce qui va se passer ce lundi 10 juillet devant les Law Lords ? Ce qui semble être certain, c’est qu’au sein du MSM, on ne souhaite pas commenter cet événement aux enjeux politiques certains (ou pas, c’est selon) qu’attendait avec impatience toute l’opposition. Dans quelques heures, le Judicial Committee of the Privy Council se penchera sur l’affaire de Suren Dayal, candidat battu du PTr à Moka-Quartier-Militaire (la circonscription n°8), lors des dernières législatives. Il a eu recours au Conseil privé afin de contester le rejet, par la Cour suprême, de sa pétition électorale dont le but était de faire invalider le résultat de cette élection et, donc, la victoire de Pravind Jugnauth et de ses deux colistiers Leela Devi-Dookhun et Yogida Sawmynaden.
L’élection du Premier ministre, leader du MSM et chef du gouvernement, pourrait être remise en question… De quoi inquiéter ou, du moins, interpeller ? «Je ne commenterai pas cette affaire», «Attendons le jugement», «Pa enn zafer pou koze» ; les habituels koz-kozeurs du gouvernement ont décidé de faire front dans le non-commentaire. Un proche de Pravind Jugnauth va, lui, un peu plus loin en disant même qu’il s’agit d’un «non-event» : «Il n’y a que l’opposition pour croire que le Premier ministre a quelque chose à se reprocher. C’est un homme droit et il ira jusqu’à la fin de son mandat et se préparera pour le prochain.» Pas de doute pour un die-hard orange, actif dans la circonscription n°8 pour les dernières législatives, qui assure que tout s’est passé dans les règles : «Nous sommes à Maurice, les élections sont free and fair depuis toujours. Je ne comprends pas ce qu’on reproche à Pravind Jugnauth. Ena dimounn mank rol.»
Dans sa pétition, Suren Dayal demande, lui, l’invalidité de ces élections pour ces principales raisons. Selon lui, le Premier ministre aurait offert des bribes électoraux avec, entre autres annonces : l’augmentation de la pension de vieillesse et du PRB. Il est aussi question de remboursement aux victimes d’un Ponzi Scheme en cas de réélection. Le membre du PTr a évoqué la distribution de repas lors d’un événement du ministère de la Sécurité sociale (Pravind Jugnauth était présent). Il a aussi souligné la façon de faire de la MBC qui aurait fait de la propagande pour l’Alliance Morisien.
L’opposition, elle, parle d’élections générales anticipées dans le cas où les Law Lords se prononcent en faveur de Suren Dayal. De légitimité concernant les contestations post-législatives, même celles tombées à l’eau. Et de cette impression (qu’elle a nourrie ces dernières années) qu’il y a eu maldonne lors du rendez-vous électoral : au MSM, on estime qu’il faut jauger l’événement dans sa proportion (petite de préférence). Un membre du parti au pouvoir, persuadé que les Law Lords rejetteront l’appel de Suren Dayal et qui n’envisage, donc, pas le «pire scénario», estime que même si la situation ne sourit pas à Pravind Jugnauth, ce ne sera pas si grave que ça au final. «Le worst-case scenario n’est même pas si catastrophique», précise-t-il.
S’ils ne rejettent pas, tout simplement, la demande de Suren Dayal, les Law Lords peuvent, explique celui qui dit bien connaître le dossier, demander des éclaircissements à la Cour suprême, retardant l’échéance d’un jugement et/ou lui permettant de revoir sa copie : «Son premier avis était fort bien éclairé.» Autre possibilité : les juges du Privy Council donnent gain de cause à Suren Dayal. Dans ce cas, l’organisation de législatives n’est pas essentielle, même si elle est possible et envisageable. Des partielles feront bien l’affaire pour les trois élections qui ne seraient plus reconnues, précise-t-il. Le gouvernement n’aurait pas de mal à fonctionner, même si les trois nouveaux élus ne font pas partie de leur camp : «Nous avons une feuille de route et nous allons nous y tenir. Avec Pravind Jugnauth, nous avons une vision pour l’île Maurice et c’est le plus important.»
Reste que, quoique le MSM en dise, s’il perd son poste de député pour les actes que lui reprochent Suren Dayal, Pravind Jugnauth aura à s’intéresser de près à son avenir politique. C’est, du moins, ce qu’estime un ancien du MSM : «Passer deux fois devant le Privy Council pour des actes différents mais dans le même esprit, ça devrait lui permettre de s’interroger sur sa façon de faire de la politique, non ?» Sera-t-il à même de diriger un gouvernement sans faire partie du cabinet (et même en tirant les ficelles) ou fera-t-il face à un soulèvement (qui sera leader à la place du leader ?) au sein même de sa formation politique s’il doit prendre un congé (le forçant ainsi à passer directement aux législatives ?) ? Autant de questions que se pose notre interlocuteur qui comprend qu’au MSM, on préfère minimiser l’événement…
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