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Par Yvonne Stephen
1 février 2022 13:54
Les images sont là. Les émotions, aussi. Il n’a rien oublié de ce jour de décompte de 2019, là où, depuis le début de la journée, ça sent bon le 3-0 pour le MMM. «Nous avions travaillé dur pour ça. Tout indiquait que ça allait arriver», confie Iqbal Calcateea, membre du comité central des Mauves et chef agent de Jenny Adebiro, lors des dernières législatives. Mais en fin de journée, la nouvelle tombe : Ivan Collendavelloo rafle la troisième position. La candidate battue du MMM au n° 19 (Stanley/Rose-Hill) a, depuis, contesté les résultats de cette élection et a demandé un recomptage des voix. Entre elle, qui est arrivée à la quatrième position, et Ivan Collendavelloo, il n’y avait que 92 votes d’écart. Le 1er février, le recount aura lieu si Batsirai se tient tranquille. La Cour suprême a tranché en faveur de la jeune femme le vendredi 21 janvier…
Déjà une victoire, estime Iqbal Calcateea. Une de taille. En attendant de voir «triompher la justice» : «La bataille a été longue et rude. Nous sommes confiants d’avoir une grande victoire. Jenny mérite de gagner.» Car il était là ce 8 novembre 2019 (jour du counting), aux côtés de sa candidate, armé de toute son expérience : «J’ai été le chef agent de Paul Bérenger en 2014 et candidat aux élections municipales ; je sais comment ça doit se passer.» Il en a vu des choses, dit-il : «Nous étions obligés de demander réparation avec tout ce qui s’est passé.» Et le 1er février, Iqbal Calcateea sera également présent. D’ailleurs, une réunion s’est tenue avec les counting agents du MMM le samedi 29 janvier.
Dans sa voix, il y a de la motivation. Pour que le parti qu’il aime gagne, bien sûr. Mais aussi pour cette jeune femme qu’il accompagne depuis des années. Il n’oubliera jamais les larmes de Jenny à l’annonce des résultats. Sa déception, sa douleur, son incompréhension : «So larm pe koule, li dir mwa zame linn gagn kitsoz fasil dan so lavi. Zame mo pou bliye sa. Monn sagrin li terib.» Quand Jenny Adebiro débarque de Port-Louis pendant la campagne de 2019 pour devenir candidate, Iqbal Calcateea confie qu’il a tout de suite vu en elle de grandes qualités : «C’est une combattante ! Une de celles qui ne baissent jamais les bras. Elle est dynamique, intelligente, très down to earth. Elle a mis la main à la pâte, a bossé dur avec Paul Bérenger et Deven Nagalingum, le Campaign Manager, au cœur de la circonscription.»
Deven Nagalingum est également de cet avis. À son arrivée au n° 19, Jenny Adebiro a su convaincre et rallier : «Elle est une battante, très lively et sincère. Jenny est quelqu’une de tenace.» Et c’est cette force de caractère ainsi que le soutien de tout un parti qui lui ont permis de ne rien lâcher. De tenir bon malgré la longue procédure légale. D’enchaîner les rendez-vous et les parutions en cour, alors qu’elle attend son deuxième enfant (elle devrait accoucher fin février/début mars). Désormais, il faut avoir le regard tourné vers l’avenir : «On a bien travaillé ensemble sur le terrain pendant la campagne. Et on était très confiants. Alors, c’était un choc. Et c’était difficile pour elle mais aussi pour tout le parti de patienter tout ce temps avant de pouvoir avancer. Mais voilà, nous y sommes. Nous souhaitons désormais que les résultats du recount soient en faveur de Jenny. Attendons le 1er !»
Pour Iqbal Calcateea, ce recount et les résultats qu’il espère doivent être une leçon : «Vous imaginez que si Jenny gagne, il y aura eu quelqu’un qui n’a pas été élu par le peuple, qui a été vice-Premier ministre, qui a remplacé le Premier ministre quand ce dernier n’était pas au pays. Une personne qui a été dans les instances décisionnaires… Et tout cela sans légitimité ! Alors qu’une candidate, choisie par le peuple, n’a pu, elle, travailler lors de son mandat… C’est un coup dur pour la démocratie mauricienne. Et ça ne devrait jamais arriver ! Il faut faire attention.» Lui, en tout cas, il n’oubliera jamais ce counting day de novembre 2019. Les larmes de Jenny et cet espoir des 3-0 qui s’envole…
La pétition électorale. Le 28 novembre 2019, Jenny Adebiro enregistre sa pétition électorale. La candidate battue du MMM au n° 19 (Stanley/Rose-Hill), lors des législatives de 2019, conteste les résultats de cette élection. Et demande dans sa plainte un recomptage des voix ainsi que l’examen des bulletins de vote qui n’ont pas été validés. Dans sa plainte, elle fait part de ses soupçons d’irrégularités. Ils viennent du fonctionnement de la computer room où elle avait noté plusieurs choses suspectes lors du décompte des voix.
Les chiffres du Recapitulative Sheet. L’avant-veille du début des auditions (le 10 janvier 2021) en Cour suprême, la commission électorale fait parvenir aux hommes de loi de Jenny Adebiro un dernier document qui fera toute la différence. Il s’agit de la Recapitulative Sheet. C’est sur cette sheet que le Returning Officer inscrit, entre autres informations, le nombre de voix qu’a obtenu chaque candidat dans chaque counting room (il y en avait 25 au n° 19). Et les avocats de la candidate battue relèvent des erreurs de taille concernant les chiffres notés.
Des «erreurs» ? D’abord un problème de division. Pour qu’un bulletin de vote soit considéré comme valide et pris en compte, il faut que l’électeur ait correctement voté pour trois candidats. Donc, le chiffre final doit être divisible par trois. Au n° 19, dans 18 des 25 salles, ce n’est pas le cas. Ensuite, dans trois salles, le nombre de bulletins dépouillés est de 1 200. Dans le meilleur des cas (pas de vote blanc, entre autres), c’est 3 600 votes qu’il faut donc comptabiliser. Sauf que dans la salle 7, le nombre enregistré est le suivant : 3 620. Dans la 10, 3 673. Et dans la salle de classe 11, 3 678.
Pas de contestation. Au vu de ces informations, le commissaire électoral, Irfan Rahman, et l’avocat d’Ivan Collendavelloo ne contestent pas le recomptage en cour. Les juges réservent, alors, leur jugement.
Un recount autorisé. Le vendredi 21 janvier, les juges Aruna Devi Narain et Dennis Mootoo font part de leur décision : ce sera à l’Acting Master and Registrar, Wendy Rangan, de décider des modalités de ce recomptage. L’exercice ne concernera que les votes valides de Jenny Adebiro et d’Ivan Collendavelloo. Dans leur jugement, ils ont également tenu à demander plus de vigilance à la commission électorale et au Returning Officer lors du dépouillement.
La date n’a plu ni à Jenny Adebiro ni à Ivan Collendavelloo. Pour cause, il s’agit d’un congé public et les deux partis estiment qu’il sera difficile de s’assurer de la présence de counting agents. Néanmoins, c’est bien celle qui a été retenue par la Master and Registrar : le recomptage des voix aura lieu le 1er février. Même si dans un premier temps, la date du samedi 29 janvier avait circulé.
◗ À 7 heures, la Master and Registrar sera au quartier général de la SMF à Vacoas afin de récupérer les 40 boîtes contenant 28 000 bulletins de vote. C’est sous forte escorte policière que le transfert se fera jusqu’au collège GMD Atchia.
◗ L’exercice de recomptage aura lieu au collège GMD Atchia et débutera vers 7h30, le matin du 1er février. La presse n’aura pas accès à l’enceinte de l’établissement scolaire lors de cet exercice.
◗ 20 salles seront opérationnelles pour le nouveau décompte. 80 fonctionnaires du judiciaire auront la charge de cette mission.
◗ Chaque camp devra faire venir 40 counting agents.
◗ Les résultats seront proclamés le même jour mais pas au même endroit. Ce sera à l’école Notre Dame des Victoires, à Rose-Hill, que le Returning Officer, Kevin Moorghen, dévoilera les résultats du recount. La presse aura accès à la proclamation.
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