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Les caisses de la CSG vides

Après la surprise, l’inquiétude

17 mai 2025

Le Mauritius Labour Congress et la CTSP affirment que contrairement aux dires du PM, il n’y a jamais eu de caisses de la CSG.

La déclaration de Navin Ramgoolam au Parlement cette semaine a eu l’effet d’une bombe. Le mardi 13 mai, en réponse à une question parlementaire de Khushal Lobine, le Premier ministre a affirmé que les caisses de la Contribution sociale généralisée (CSG) sont complètement vides à ce jour. Une déclaration étonnante qui a fait sourciller les syndicalistes, mais qui a surtout soulevé une avalanche de critiques chez les Mauriciens.

Ces derniers temps, un sentiment d’insatisfaction généralisé semble planer au-dessus de la population. Avec les nombreuses promesses faites pendant la campagne électorale qui tardent à se concrétiser, le coût de la vie qui ne cesse de grimper et la menace de plus en plus évidente de l’arrêt des allocations sociales, beaucoup désespèrent de voir le changement tant attendu. Si pour beaucoup, la déception est réelle, il y a aussi ceux qui ont le sentiment d’avoir été bernés. Un sentiment exacerbé par des décisions gouvernementales qui ne font pas toujours l’unanimité et un premier Budget présenté le 5 juin prochain qui ne présage rien de bon.

En attendant d’en avoir le cœur net, la grogne s’intensifie. La récente déclaration du Premier ministre sur les caisses vides de la CSG suscite une vague d’interrogations et de vives inquiétudes. Selon les chiffres mentionnés par le chef du gouvernement, Rs 44,6 milliards ont été collectées au nom de la CSG entre septembre 2020 et fin avril 2025. De cette somme, Rs 34 milliards ont servi à financer divers régimes d’aides sociales, alors que Rs 10,7 milliards ont été utilisées pour les allocations des employés du secteur public et la contribution de l’État à la CSG. Chaque mois, les travailleurs touchant moins de Rs 50 000 contribuent 1,5 % de leur salaire et 3 % pour leurs employeurs, tandis que pour ceux touchant plus de Rs 50 000 par mois, la déduction est de 3 % et 6 % respectivement.

Pour Haniff Peerun, président du Mauritius Labour Congress, la déclaration de Navin Ramgoolam est aberrante et ne fait pas sens. «La CSG est entrée en vigueur en septembre 2020 en remplacement au National Pensions Fund (NPF). La différence entre les deux, c’est que le NPF était un fonds réunissant les contributions des employés et des employeurs, qui était géré par un board avec un représentant du ministère, des travailleurs et du patronat. À côté, nous avons la CSG qui n’a jamais été un fonds. L’argent contribué chaque mois par les salariés et les employeurs ne rentre dans aucun fonds de pension, mais va dans le Consolidated Fund, qui est le fonds du gouvernement, donc, directement dans les caisses de l’État. Comment le Premier ministre peut-il venir dire que la caisse du CSG est vide ? Veut-il dire par là que ce sont les caisses du gouvernement qui sont vides ?»

Devant le flou entourant cette information, Haniff Peerun réclame des réponses claires et précises. «Comment est-ce possible ? On ne comprend pas. Fin avril, il n’y a plus d’argent, alors que la déduction du salaire des travailleurs se fait, elle, tous les mois. Nous réclamons une enquête approfondie sur cette affaire. Quand le NPF a disparu et que la CSG est entrée en vigueur, combien d’argent y avait-il dans la caisse ? Où l’argent est-il parti ? On ne nous a jamais dit si l’argent du NPF a été transféré à la CSG. Il y a beaucoup de questions en suspens et nous attendons des réponses.» Pour notre interlocuteur, il faudrait revenir à l’ancien système et réintroduire le NPF tout en l’améliorant. «Le NPF a fait ses preuves. Le Premier ministre a lancé un pavé dans la mare sans donner plus d’explication. Les travailleurs et la population dans son ensemble sont inquiets. Il faudrait une table ronde avec le ministère, le mouvement syndical et le patronat pour discuter et faire la lumière sur cette affaire.»

Reeaz Chuttoo de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP) ne mâche pas ses mots. Pour lui, cette déclaration est «un grand mensonge» car il n’y a, dit-il, «jamais eu de caisse de la CSG et je mets au défi le Premier ministre de me contredire à ce sujet». Il rappelle d’ailleurs une récente intervention du ministre Ashok Subron à la radio admettant ce fait. «C’est une taxe sociale qui touche aux revenus et qui entre dans le Consolidated Fund où vont aussi plusieurs autres taxes, et c’est de là que le gouvernement sort l’argent pour le Budget, les allocations de la Mauritius Revenue Authority ou encore l’income support pour les salariés. Par exemple, la pochette de ciment va augmenter de 5 %, et dessus, le gouvernement va gagner 15 % en termes de TVA. Ils sont en train de maintenir une situation d’inflation. C’est le peuple qui souffre. L’État ne souffre pas. Ses revenus augmentent en termes de taxe de consommation.»

Pour vraiment soulager la population, le gouvernement a, selon le syndicaliste, trois options. La première est de mettre des subsides sur des produits de consommation de base, de donner un soutien aux salaires comme cela se fait à travers la CSG Income Allowance, ou alors de permettre à plus de personnes par famille de travailler, en puisant par exemple dans les 45 % de femmes qui ne travaillent pas actuellement. Pour Reeaz Chuttoo, le discours du Premier ministre ne présage rien de bon pour l’avenir. «Nous entrons dans une spirale inflationniste qui va déboucher sur une crise sociale. Les travailleurs subissent un gel des salaires. En janvier 2024, le salaire minimum était de Rs 16 500 et la Minimum Guaranteed Remuneration de Rs 20 000. Le gouvernement d’alors avait donné la CSG. En janvier 2025, sans aucune négociation, le gouvernement a imposé une compensation de Rs 610, payée par le patronat, alors que la CSG Allowance a diminué de Rs 500, ce qui fait que 75 % des salariés qui touchent uniquement le salaire minimal ne reçoivent que Rs 110 de compensation, ce qui a provoqué une érosion de leur pouvoir d’achat.»

Avec le gel des salaires, l’augmentation en cascade des prix et le Government Labour Market Reform qui arrive dans le Budget, souligne notre interlocuteur, nous avons là un cocktail explosif. «Avec l’inflation galopante et la compétition déloyale, et si on enlève les allocations, il y aura des problèmes dans le pays. L’ancien gouvernement était fait de sociaux-démocrates qui, par la force des choses, avaient fait du trafic d’influence et de la corruption leur fonds de commerce. Le nouveau gouvernement fait du social ultra-libéral, dont le fonds de commerce est la privatisation, en favorisant l’ingérence du capital privé dans toutes les sphères de notre économie.» Tout ceci, affirme Reeaz Chuttoo, représente une véritable bombe à retardement.

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