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22 mars 2025 19:59
Des cas de Chikungunya ont été enregistrés dans le pays. Les autorités sont sur le qui-vive et invitent la population à suivre les conseils de sécurité...
Il est actuellement l’ennemi public numéro un. Il est plus petit que les autres espèces de moustiques. Il mesure en moyenne 5 millimètres, soit environ la taille d’une fourmi. Il est très silencieux car il n’y a pas de bruit à son passage. Il est noir et blanc rayé, et a notamment cinq rayures blanches sur les pattes et une ligne blanche sur la tête, le dos et le thorax. Une autre de ses particularités : il sévit le jour. Les femelles piquent donc principalement en début et en fin de journée... Si vous n’avez pas encore fait le lien, l’insecte dont on parle, et qui est actuellement la bête noire de toute la population, est connu comme le «moustique tigre», ou Aedes albopictus, une espèce envahissante à la base de nombreuses nuisances pour l’être humain. Considéré comme étant invasif, il véhicule des maladies comme le Chikungunya, dont des premiers cas de contamination ont été enregistrés à Maurice ces derniers jours.
En effet, au fil des jours écoulés, le ministère de la Santé a fait état des premiers cas locaux détectés, notamment une habitante de La Preneuse, un habitant de Rivière-Noire et une autre personne de la région de Tamarin. Les autorités ont vite annoncé que la situation est suivie de très près et que toutes les procédures nécessaires avaient été enclenchées pour veiller à l’évolution du virus sur notre territoire. Dans tous les cas enregistrés, les patients sont médicalement suivis et des exercice de contact tracing ont été effectués, tout comme une campagne de démoustication dans les régions concernées. Des opérations de fumigation sont d’ailleurs en cours afin d’éradiquer les moustiques porteurs du virus et la population est appelée à prendre les précautions nécessaires.
Le ministère de la Santé assure avoir pris les choses en main. «Le ministère suit de près la situation et a pris des mesures immédiates pour empêcher toute nouvelle transmission. (...) Les responsables de santé publique ont procédé à des opérations de brumisation, mist blowing, de larvicide et à des enquêtes sur la fièvre dans les zones touchées. (...) Le ministre de la Santé et du bien-être a présidé une réunion intersectorielle avec les principales parties prenantes afin de renforcer les stratégies de réponse et d’assurer une approche coordonnée pour faire face à la situation. Il est conseillé au public de prendre les précautions nécessaires pour se protéger contre les piqûres de moustiques, notamment en appliquant un répulsif approprié, en éliminant les collections d’eau stagnante et en supprimant les sites de reproduction potentiels. Pour toute question ou préoccupation, veuillez contacter la ligne d’assistance téléphonique du ministère au 8924», font état les autorités dans un communiqué.
De par les cas enregistrés qui se sont succédé ces derniers jours dans notre île et de par l’ampleur des contaminations à l’île de La Réunion qui a enregistré des milliers de cas, mais aussi des décès, et qui est passé au niveau 4 du plan ORSEC qui correspond à une «épidémie de moyenne intensité», les Mauriciens se disent inquiets et espèrent que le nombre de cas ne va pas augmenter.
Nestor, un habitant de la région nord de l’île, dit suivre de très près l’évolution du virus. «Effectivement, depuis l’annonce du troisième cas de Chikungunya à Maurice, je me sens particulièrement concerné et cela est source d’inquiétude. Nous avons déjà vécu cette situation il y a quelques années et il est impératif de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter sa propagation. D’autant plus que depuis quelques jours, j’ai remarqué une présence accrue de moustiques», souligne le jeune homme qui est très à cheval sur la prévention et qui depuis quelques jours déjà accentue les mesures de précautions.
Pour le Dr Vasantrao Gujadhur, ancien directeur des services de santé et nouveau Senior Adviser du ministère, il faut la collaboration de tout le monde pour éviter que les cas de contaminations explosent. «Nous avons enregistré des cas locaux. Ça veut dire que le virus circule à Maurice. Nou ena moustik-la partou e nou ena bann moustik ki infekte. On ne sait pas où se trouvent les moustiques, mais pour le moment, les cas enregistrés viennent de la région de l’Ouest. L’autre chose à retenir, c’est qu’il y a une épidémie à l’île de La Réunion et des décès ont été enregistrés. Il y a à peu près 900 à 1 000 passagers qui viennent chez nous de La Réunion tous les jours. Alors, il y a une possibilité qu’il y ait des cas qui arrivent chez nous venant de l’île de La Réunion. Ce sont les exercices de contact tracing, de surveillance et de fever surveys qui vont déterminer combien de cas circulent encore. Je fais un appel à tous les médecins et aux cliniques dans le privé d’être vigilants sur les cas de fièvre suspects ou de personnes souffrant de douleurs articulaires et avec des rougeurs notamment. Je les invite à faire une prise de sang en cas de doute et si c’est positif, d’informer le ministère de la Santé. Au niveau du ministère, le message a déjà été passé», souligne le Dr Vasantrao Gujadhur qui lance un appel aux étudiants et à la population. «Il ne faut pas oublier qu’une fois qu’une personne a le virus, elle est immunisée à vie. La dernière épidémie de Chikungunya à Maurice date de 2006. C’était il y a 18 ans. Le groupe d’âge en dessous de 18 ans est ainsi vulnérable. C’est pour cela que j’invite les jeunes, les étudiants et les écoles à être très rigoureux avec les précautions et surtout, de se protéger contre les piqûres de moustiques. Concernant la population en général, je leur dis qu’il est impératif qu’on empêche ensemble la prolifération des moustiques. Contenir le virus, ce n’est pas uniquement l’affaire des autorités mais c’est la responsabilité de tout un chacun. Les ministères de la Santé, de l’Environnement et des Collectivités locales sont au travail. Me nou pa kapav vinn netoy ou lakour. L’eau stagnante est dangereuse. C’est la responsabilité de tout un chacun de garder son environnement propre pour empêcher l’accumulation d’eau. C’est ensemble qu’on pourra empêcher le virus de gagner du terrain», ajoute le Dr Gujadhur.
Que le virus n’affecte pas davantage de Mauriciens est aussi le souhait de Mokshda Pertaub qui a déjà souffert du Chikungunya et qui ne souhaite à personne de vivre cette expérience qu’elle qualifie de douloureuse. «Le fait d’avoir contracté le Chikungunya est une expérience qui m’a marquée à vie. J’ai contracté le virus en 2016 et j’ai été affectée pendant cinq mois. J’ai été infectée en Inde où je travaillais. Ça a commencé avec les chevilles enflées et aussi des douleurs aux jointures. À un moment, je ne pouvais pas marcher et je souffrais aussi de déshydratation. J’avais de la fièvre et j’avais de la diarrhée tous les jours. Je ne pouvais pas manger. Tout ce que je m’étais dans la bouche n’avait pas de goût. Pour me déplacer, je devais le faire avec des béquilles. J’étais à bout de force et j’ai même dû garder le lit. J’ai perdu 20 kg et j’ai même été admise à l’hôpital. C’est après être sortie de l’hôpital que j’ai décidé de rentrer à Maurice. Quand j’ai consulté à Maurice, le médecin m’a dit que si j’étais restée encore un mois en Inde, mo ti pou fini mor. Ce virus a bouleversé mon existence car j’ai des séquelles à vie. Mes jointures sont depuis très fragilisées. J’habite à Calodyne car je ne peux rester dans les régions où il pleut souvent. Kan ena lapli koum sa, mo bann lezo komans fermal. Dès qu’il y a un peu d’humidité, je sens tout de suite l’effet sur mes jointures. Si je devais donner un conseil, c’est surtout de suivre les conseils de protection. Se protéger est la seule chose à faire...», nous dit Mokshda Pertaub qui suit la situation de près.
Plus que jamais, les précautions sont de mise. C’est ce que nous explique, le Dr Shahil Dawreeawoo, Occupational Health Physician et médecin du travail. «Le Chikungunya n’est pas directement contagieux d’une personne à une autre. Il se propage uniquement par les piqûres de moustiques. Lorsqu’un moustique pique une personne infectée, il peut transporter le virus et le transmettre à une autre personne en la piquant. La lutte contre les moustiques est donc essentielle pour prévenir la propagation de la maladie. La période d’incubation du Chikungunya est généralement de trois à sept jours après la piqûre par un moustique infecté. Les symptômes apparaissent soudainement et peuvent durer de quelques jours à plusieurs semaines», nous explique le médecin. Pour lui, la vigilance s’impose. «Le Chikungunya demeure une menace pour la santé publique à Maurice, mais avec des mesures préventives adaptées à domicile et sur le lieu de travail, sa propagation peut être limitée. La sensibilisation, la détection précoce et des soins appropriés permettent une meilleure gestion de la maladie. En cas de symptômes graves, il est impératif de consulter rapidement un professionnel de santé. Restez vigilant et adoptez les gestes de protection contre les moustiques pour réduire le risque d’infection», conclut le médecin en parlant de l’actualité autour du moustique tigre, actuellement ennemi public numéro 1 dans le pays...
**Comment se protéger ? **
Avec le virus qui circule, il est important de revoir certaines habitudes d’hygiène. C’est ce que conseille le Dr Shahil Dawreeawoo. La prévention du Chikungunya, explique-t-il, repose principalement sur la réduction de l’exposition aux moustiques et l’élimination de leurs lieux de reproduction.
À domicile : éliminer les eaux stagnantes – vider les récipients, pots de fleurs et gouttières bouchées où les moustiques peuvent pondre – utiliser des moustiquaires et des grillages – protéger les fenêtres et les zones de repos avec des moustiquaires – appliquer des répulsifs anti-moustiques – utiliser des répulsifs contenant du DEET, de la picaridine ou des alternatives naturelles – porter des vêtements protecteurs – se couvrir les bras et les jambes, surtout aux heures de forte activité des moustiques (tôt le matin et en fin d’après-midi) – utiliser des spirales anti-moustiques et des sprays. Ces dispositifs aident à réduire la présence des moustiques à l’intérieur.
Sur le lieu de travail : assurer la propreté des locaux – veiller à ce qu’aucune eau stagnante ne s’accumule aux abords des bâtiments – installer des moustiquaires – sécuriser les bureaux avec des barrières anti-moustiques – fournir des répulsifs – mettre des répulsifs à disposition des employés – sensibiliser le personnel – informer les travailleurs sur les symptômes et les moyens de prévention et effectuer des campagnes de fumigation – des opérations régulières de lutte contre les moustiques peuvent aider à limiter leur prolifération.
Comment gérer le Chikungunya à domicile
Si vous êtes testé positif au Chikungunya, le Dr Dawreeawoo propose d’adopter les mesures suivantes pour mieux gérer la maladie chez vous : se reposer suffisamment – le corps a besoin de temps pour récupérer. S’hydrater régulièrement – boire beaucoup d’eau, des tisanes et des boissons riches en électrolyte – prendre des médicaments antalgiques – utiliser du paracétamol pour réduire la fièvre et la douleur. Évitez l’aspirine et l’ibuprofène car ils peuvent augmenter le risque de saignements – appliquer des compresses froides – poser un linge froid sur les articulations douloureuses peut réduire l’inflammation et l’inconfort – adopter une alimentation équilibrée – consommer des aliments nutritifs pour renforcer l’immunité et accélérer la récupération.
Symptômes graves : que faire ?
«Bien que la plupart des cas de Chikungunya se résolvent spontanément, certaines complications nécessitent une prise en charge médicale urgente», souligne le Dr Shahil Dawreeawoo. Il invite ainsi à consulter à l’hôpital si vous présentez : une forte fièvre (supérieure à 39 °C) pendant plus de cinq jours ; des douleurs articulaires sévères entraînant une immobilité ; des difficultés respiratoires; des vomissements persistants et une déshydratation ; des symptômes neurologiques (confusion, convulsions ou perte de conscience), et des éruptions cutanées graves ou des saignements.
La région de l’Ouest sous haute surveillance
Les autorités sont sur le qui-vive. Avec les récents cas de contaminations qui ont été détectés dans l’île, les autorités sanitaires soupçonnent que le foyer de moustiques infectés pourrait se trouver dans le village de Tamarin. La région est ainsi sous haute surveillance. «Ayant eu des cas dans la région, les habitants sont très vigilants», nous confie Jean-Yves l’Onflé, artiste peintre et travailleur social, habitant à Tamarin.
Par ailleurs, un cas de Dengue a également été enregistré ce vendredi 21 mars.
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