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11 octobre 2025 20:23
Les autorités ont annoncé la mise en œuvre d’une campagne d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique pour la période de l’été 2025-2026 afin de gérer la demande de puissance de pointe et d’éviter toute pénurie d’électricité.
Blackout, délestage, crise énergétique... Ce sont des mots que les Mauriciens ont beaucoup entendus ces derniers jours. Le vendredi 3 octobre, des moteurs tombés simultanément en panne dans les centrales thermiques de Savannah et Belle-Vue ont causé un déficit de 55 MW qui a mis en péril l’équilibre du réseau. Si le pire a pu être évité, la fragilité de notre réseau se retrouve au cœur des débats. Est-ce qu’un black-out plane sur le pays ? Est-ce que la situation est sous contrôle ? Les autorités, avec l’été qui pointe, et pour éviter que le réseau soit sous pression avec une augmentation significative de la demande, appellent à une utilisation responsable de l’électricité.
Présent ce mercredi 8 novembre au réservoir de Tamarind Falls dans le cadre d’une collaboration entre Maurice et l’Inde autour du lancement d’un projet de photovoltaïque flottant, Patrick Assirvaden, le ministre de l’Énergie et des Utilités publiques, a annoncé qu’une campagne nationale sur l’efficacité énergétique sera lancée le 15 octobre, avec pour objectif d’économiser entre 35 et 45 MW d’électricité.
Comment en est-on arrivé là ? Le Professeur Khalil Elahee, expert en énergie et président de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), nous livre son analyse : «Le pays a un fournisseur en électricité, c’est le Central Electricity Board (CEB) et sa source principale en énergie a été principalement l’énergie fossile. Certes, il y a des producteurs indépendants, mais le CEB fournit la population en électricité et il l’a fait de façon remarquable, car nous avons plus de 99 % des foyers de l’île et des bâtiments qui l'ont demandé, qui sont connectés. Mais avec le temps, la demande a augmenté, a explosé même... Par exemple, il y a plus de 100 000 climatiseurs par an qui entrent sur le marché et jusqu’à un récent passé, il n’y avait aucun contrôle sur les normes d’utilisation ;il y en a donc parmi eux qui consomment plus qu’il ne le faut en termes d’énergie. Il y a aussi le fait qu’après la période Covid, le développement a été relancé dans plusieurs secteurs et il y a eu une demande croissante, surtout dans le secteur commercial, industriel et aussi de la part de "gros résidentiels"».
Tout en mettant en avant les facteurs qui ont conduit à cette situation énergétique, le Professeur Elahee ne veut pas se montrer pessimiste : «Est-ce possible que le CEB continue de fournir tout le monde en électricité ? Je dirais oui, il y a eu des investissements, et le CEB et les autres partenaires privés ont investi dans des capacités de génération. Ça, c’est une chose ! La deuxième chose, c’est qu’il y a eu des mesures pour contrôler la demande, c’est-à-dire pour être plus efficace. Mais, malheureusement, ce qui est arrivé, si on s’attarde sur des projets autour des énergies renouvelables depuis une bonne dizaine d’années, on constate que beaucoup de projets ont été bloqués ou sont encore en pipeline. Il n’y a donc pas eu d’alternatives qui ont décollé. Au niveau de la fourniture, il y a eu un blocage depuis un certain temps. Et maintenant, au niveau de la demande, on continue d’importer et on continue aussi de construire. Pourquoi, par exemple, a-t-on a besoin d’avoir recours à la climatisation ? C’est lié au secteur de la construction, parce que les bâtiments que nous construisons, malheureusement, utilisent beaucoup de béton et n’ont pas de building code pour prendre en considération, par exemple, ce qu’on appelle le bioclimatique. En bref, au niveau de la fourniture, le pays n’a pas avancé, surtout au niveau des énergies renouvelables disponibles localement, qu’on n’a pas besoin d’importer et qui, bien sûr, ne polluent pas. Puis, il y a eu une demande qui a explosé.»
«Risque réel»
Et qu’est-ce que cela implique ? Pour Khalil Elahee, il existe aujourd’hui une possibilité de délestages : «Ces derniers temps, on utilise beaucoup le terme black-out, mais pour moi, le terme le plus approprié est un risque de délestages. C’est-à-dire que pendant un moment, pas partout, d’une façon séquentielle, une partie des consommateurs, pendant un court moment, n’aura plus de courant et ensuite une autre partie des consommateurs vivra la même chose. Ce sera donc une coupure de courant temporaire et pas pour tout le monde en même temps. Le délestage est un risque réel en ce moment. Pas tout le temps, mais les jours de semaine en été, quand il fera très chaud, les gens vont utiliser les climatiseurs, et nous pensons que ce sera entre 18 et 22 heures.»
Et comment se préparer ? Pour Khalil Elahee, les Mauriciens doivent être parties prenantes de la campagne d’économie d’énergie : «Durant ce qu'on appelle les heures de pointe, entre 18 et 22 heures, et là je dirais que les gros consommateurs sont aussi concernés, faisons un effort pour éteindre les appareils non essentiels. Ce sont des petites choses que chacun peut faire pour diminuer notre consommation en électricité. Par exemple, si on peut ne pas faire du repassage pendant ces heures ou recharger les voitures électriques, ça peut aider. Même pour la climatisation, essayons d'avoir une utilisation correcte. On ne dit pas que les Mauriciens doivent arrêter d'utiliser leurs appareils, loin de là, mais nous appelons à faire plus attention. Le CEB va venir de l'avant avec un système d'alerte. Si tout le monde participe, ce ne sera pas difficile de contrôler notre utilisation en électricité. On doit se préparer de façon responsable», ajoute Khalil Elahee.
Suttyhudeo Tengur, président de l’Association for the Protection of the Environment and Consumers (APEC), accueille favorablement le projet de photovoltaïque flottant qu’il considère comme l’espoir des consommateurs face au déficit de 55 MW du CEB : «Le vendredi 3 octobre, le CEB a annoncé un déficit soudain de 55 MW dans sa capacité de production. Pour les consommateurs, ce chiffre n’était pas une simple donnée technique : il signifiait la crainte de coupures de courant, le risque de paralysie des petites entreprises et la perspective de factures plus élevées si le pays reste dépendant des combustibles fossiles importés. À un moment où la sécurité énergétique est fragile, le recours au photovoltaïque flottant (FPV) apparaît comme une piste d’avenir. L’électricité n’est pas un luxe, mais une nécessité. Lorsque l’approvisionnement faiblit, les ménages subissent les désagréments des coupures et les petites entreprises essuient des pertes directes. Le déficit de 55 MW a révélé combien Maurice est proche de la limite de ses capacités. Les consommateurs ne peuvent pas rester exposés à de telles vulnérabilités : un approvisionnement stable et abordable est indispensable à la stabilité économique et sociale.»
Par rapport à la situation énergétique dans l’île, le cabinet ministériel a pris note, le vendredi 3 octobre, de la mise en œuvre d’une campagne d’économie et d’efficacité énergétique pour la période de l’été 2025-2026 afin de gérer la demande de puissance de pointe et d’éviter toute pénurie d’électricité. L’Energy Efficiency Management Office et le CEB ont ainsi élaboré un plan de sensibilisation durable pour la gestion de la demande, comprenant une coopération avec la MBC pour promouvoir une consommation d’énergie responsable auprès du public à travers des campagnes engageantes à la télévision, à la radio et sur les plateformes de médias sociaux, entre autres collaborations avec les médias. Des notifications SMS de Mauritius Telecom à ses abonnés, les encourageant à réduire leur consommation d’énergie dans les situations de tension extrême, lorsque le CEB prévoit que la demande d’électricité dépassera l’offre disponible, seront également opérationnelles.
Le CEB a aussi mis au point un système d’alerte énergétique, similaire au système d’alerte cyclonique, comprenant un code couleur (vert, jaune, rouge) basé sur sa marge de réserve. Le système vise à sensibiliser et à encourager une réduction volontaire de la demande. Le système d’alerte sera affiché sur MBCTV et d’autres plateformes de communication. Une campagne de sensibilisation au système d’alerte énergétique à code couleur sera aussi bientôt lancée sur tous les médias pour parer à toute éventualité et pour éviter que le pays ne se retrouve face à une crise énergétique.
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