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Triolet

Deux inaugurations, un même souffle !

27 novembre 2025

On vous prévient, ce n’est pas notre première balade dans les rues animées de Triolet. Déjà en 2022, nous vous parlions d’un centre pionnier pour les personnes autistes, un pas important vers plus d’inclusion. Cette fois, nous y revenons car en l’espace de deux semaines, le village a connu deux inaugurations majeures : celle du Triolet Women Empowerment Centre, le 30 octobre, et celle du SSR Sports Complex, le 15 novembre. Deux espaces pensés pour l’émancipation : l’un à travers la formation, l’autre à travers le sport. Il faut dire que Triolet, ce village tentaculaire du Nord, entre tradition bien ancrée et effervescence urbaine, n’a jamais manqué de caractère. Ses kilomètres d’habitations, ses petits commerces vivants… tout ici respire l’authenticité. Mais aujourd’hui, notre attention est particulièrement attirée par ce centre qui veut donner de l’élan à la femme mauricienne et ce complexe sportif qui vise à rassembler la jeunesse autour de valeurs fortes. Nous avons ainsi voulu retourner sur le terrain. Revenir là où les souvenirs se mêlent aux nouvelles ambitions. Et comme toujours, ce sont les voix des habitants qui racontent le mieux l’évolution d’un quartier. Alors, suivez-nous dans cette nouvelle immersion à Triolet… baskets aux pieds et carnet en main.

Quand nous arrivons près de Bon Air Road, le complexe en impose dès le premier coup d’œil. Un bâtiment flambant neuf, un grand espace… mais étonnamment calme. Un camion est en train de livrer des tapis de sol, et c’est tout. Pas d’activités en vue. «Le calendrier n’est pas encore finalisé», nous dit-on. C’est à ce moment-là que Rehzakhan Abdoolahkhan arrive, curieux d’en savoir plus. «Zot inn dir mwa swiv platform MYS pou gagn plis ransegnma», lance-t-il. Lui qui a grandi à Triolet se souvient d’un temps où les jeunes étaient bien plus actifs : «Bann zenn pa fasil koz ar zot zordi zour. À mon époque, on jouait au foot dans tous les coins. Dès qu’un terrain vague se libérait, on nettoyait et on jouait ! Ti ena enn mari lanbians sa, kan nou ti zwenn lor laplenn football Solitude !» Aujourd’hui, il regrette que le sport soit passé au second plan, derrière les écrans. «Un complexe, c’est bien, mais il faut des coachs, des animateurs… des gens présents pour guider. Sinon, ça reste vide. Les jeunes sont perdus, et tout part de la maison : la discipline. Si zenes sanze, Moris osi pou sanze ! Bizin aret sa bann fleo-la… mais encore faut-il la volonté.»

Direction «Simin lekol», comme disent les habitués, là où la NIC fait presque office de repère. C’est ici que se trouve un petit trésor local : le stand de fruits confits, populaire depuis plus de 20 ans. Derrière la vitrine garnie de mangues, ananas et olives, deux retraités s’activent. Abdool R Jihouree trie les piments verts, pendant que Premanand Baichu épluche les ananas. «Pa traka, mo pa pou koup tousala aster la !» rigole-t-il. Les deux amis parlent avec passion de Triolet. «C’est le plus long village de l’île, et li bien zoli !» lance Premanand. «On est à 10 minutes de la mer, Balaclava, Trou-aux-Biches, Pointe-aux-Piments… le choix ne manque pas !» Abdool, lui, ne rate aucun jour à la plage : «C’est le seul cadeau gratuit qu’on a ! Mo mars dan dilo, li bon pou lipie.» Ils parlent aussi des réalités moins roses. «Pendant un an, pas grand-chose n’a changé. On parle de baisse des prix, mais les médicaments coûtent toujours aussi cher. Quant à la pension, certains devront attendre encore 10 ans. Apel sa dominer !» Ils saluent les nouvelles infrastructures. «Oui, le complexe est beau… mais s’il reste fermé ou vide, à quoi bon ? Pourtan mo ti trouv minis pe zwe petang zour inogirasion ! Il faut penser aux jeunes, mais aussi aux aînés. De Solitude à Cinéma Anand, pas un seul Village Hall. Pas de toilettes publiques non plus, même pas à la plage de Balaclava ! Il est temps d’arrêter de parler, et d’agir !»

À Trois-Boutiques, nous découvrons le Women Empowerment Centre fraîchement rénové, désormais doté aussi d’un département pour le family counselling, ainsi que pour un appui juridique et psychologique. Ce centre, rouvert en octobre 2025, vise à offrir un véritable tremplin aux femmes de la région : formations pratiques, accompagnement entrepreneurial via le National Women Entrepreneur Council, soutien social… Un bel espace, bien situé, mais ce jour-là, silence total. Pas une âme à l’accueil. En poursuivant notre route, nous croisons Surekha Ramborum, fidèle au même emplacement depuis 20 ans avec son stand de légumes. «C’est un village tranquille, ici tout le monde se connaît. Seki bon isi, tou pre, pa mank nanie. Si enn fami vini pa difisil… bizin ena kas selma !» dit-elle avec un sourire. Mais son ton change vite : «Depuis quelque temps, ça se dégrade, surtout à cause de la drogue. Les jeunes n’ont plus de respect, ni pour leurs parents, ni pour les aînés.» Elle se souvient encore de l’ancien terrain vague qui accueillait jadis de grandes prières à la déesse Durga. «C’était vivant, tout le monde en parle encore. Et quand le centre a ouvert en 2009, il y avait de vraies activités : broderie, formations, marchés coopératifs… Aster li'nn vinn gran, me pa tann nanie. » Elle espère voir l’endroit se réactiver. «Beaucoup de femmes cherchent un espace pour se retrouver, échanger, apprendre. Faut que ça vive.»

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