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23 mai 2019 03:04
«Mo pa pou pardonn li zame.» Cette phrase de Nizam Bava Saib en dit long sur la souffrance qui le ronge depuis 14 ans. Soit depuis la mort de son épouse Taslima, 33 ans, le 1er mai 2005, alors qu’elle mettait au monde son deuxième fils à l’hôpital de Candos. Le gynécologue qui l’avait fait accoucher par césarienne a été condamné à six mois de prison. Une sentence qui révolte Nizam et qui accroît encore la colère qu’il ressent contre le médecin en question.
Ce dernier avait été trouvé coupable en 2013 d’homicide involontaire par imprudence et condamné à neuf mois de prison. Il avait alors fait appel du jugement et le 23 décembre 2016, sa peine avait été commuée à six mois de prison. Il a alors demandé la permission à la justice mauricienne de faire un nouvel appel, cette fois devant le Privy Council. Et le 14 mai, il a été informé en cour intermédiaire qu’il devra purger sa peine suivant le rejet de sa demande.
Pour Nizam, cette condamnation semble bien insuffisante. «J’ai été très étonné d’apprendre qu’il a écopé de six mois de prison seulement en appel. À mon avis, il mérite plus pour avoir été reconnu coupable de la mort de ma femme», s’indigne-t-il. Il se rappelle notamment avec amertume cette fois où, à la suite d’une comparution en cour, le gynécologue l’avait intercepté pour lui dire que ce n’est pas lui le responsable du décès de son épouse mais d’autres médecins. Il avait d’ailleurs plaidé non coupable lors de son procès en cour intermédiaire. Finalement, il a bien été condamné. «Fode li koupab mem pou li pe al dan prizon», lance Nizam. Durant ces 14 dernières années, cet habitant de Riverside, à Phoenix, a «gard lespwar» d’obtenir justice mais il n’a pas l’impression aujourd’hui que celle-ci a été faite. Il se désole également que «sa dokter-la zame inn prezant exkiz (nou) fami». Dépité, il préfère se tourner vers Dieu. «Mo les tou dan lame Bondie aster.»
Un an après les faits, Nizam avait entamé un procès au civil contre l’État et le ministère de la Santé, et avait fini par obtenir des dédommagements d’un peu plus d’un million de roupies. Mais aucune somme d’argent ne peut remplacer sa femme ni calmer la douleur qui étreint son cœur. «Je n’ai pas de mot pour exprimer ma peine. Depuis ce drame, je ne vis plus... Je survis chaque jour. Il m’est toujours difficile de l’accepter. J’ai un fils marqué à vie par la perte subite de sa maman et un autre qui n’a jamais connu celle-ci. Il leur manque l’amour de leur maman», souligne Nizam.
Isfaq, 20 ans, ne s’est jamais remis du décès de sa mère. Le fils aîné du couple a dû mettre fin à sa scolarité après la Form IV. Son jeune frère Ismaël, 14 ans, a, lui, été pris en charge par sa grand-mère maternelle et vit à Henrietta. La grand-mère paternelle des enfants, Aisoo, 78 ans, fait aussi de son mieux pour prendre soin de son fils et son petit-fils. «Li difisil bliye. Mo belfi ti enn bon mama pou so zanfan ek enn bon fam pou mo garson. Nizam pann refer so lavi zame akoz sa mem», confie Aisoo.
Nizam et Taslima comptaient sept ans de vie commune au moment du drame. Une vie de couple et de famille heureuse brisée à jamais par une césarienne fatale.
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