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Adolescent Non Formal Education Network (ANFEN) - Deeya Seechurn, Counselor : «Notre méthode contribue beaucoup aux succès des jeunes»

Après avoir travaillé avec quelques ONG sur la mise sur pied de sessions d’écoute active et de sessions de soutien pour leurs bénéficiaires issus de milieux vulnérables, Deeya  Seechurn travaille aujourd’hui comme Counselor au sein d’ANFEN. Dans le cadre de la Journée mondiale des droits de l’Homme qui sera observée le 10 décembre prochain, elle nous parle de son métier et de l’importance d’offrir une éducation inclusive et de qualité, qui est un droit fondamental pour tous les enfants. 

De quoi les enfants qui arrivent dans un centre ANFEN ont-ils le plus besoin ?

 

Très souvent, ces enfants ont besoin de soutien pour retrouver leur confiance en soi, ébranlée par les échecs scolaires, et éventuellement, avancer et trouver une vocation. De plus, ils ont besoin d’être accompagnés psychologiquement et socialement parce qu’ils viennent souvent de situations familiales compliquées, qui les impactent énormément. À la place de la pression de réussir, nous leur offrons des outils psychosociaux pour les aider dans leur développement et pour qu’ils puissent évoluer sainement.

 

ANFEN propose une éducation non-formelle. Concrètement, comment cela se passe au quotidien ?

 

Au cœur des centres d’éducation non-formelle, les enfants ont la chance d’accéder à une formation autre que celle des établissements classiques. Les centres proposent des cours pour permettre aux enfants de rattraper leur retard académique et de prendre part aux examens de la NC1. Des cours de mathématiques, d'anglais et de français sont proposés selon une pédagogie adaptée à un apprenant en difficulté d’apprentissage. Des ateliers de métal, bois ou cuisine sont également dispensés dans les différents centres en vue de leur donner un accès parallèle à une formation technique.

 

Ajouté à cela, des Counselors sont présentes dans les centres afin de prodiguer des services psychosociaux aux enfants, parents, éducateurs. Les sessions sont régulières et le suivi conséquent. Certaines sessions d’information ou de réflexion se font en groupe avec les enfants. Dans des cas précis, l’écoute est faite individuellement et un certain nombre d’outils de gestion émotionnelle est partagé avec les enfants. Dans d’autres cas, les sessions incluent les membres de la famille afin d’assurer que l’enfant reste bien entouré et soutenu, ce qui lui donne davantage de chances de réussir. Si les enfants ont besoin de suivi plus spécifique, nous les référons à des psychologues ou orthophonistes, ou même à d’autres autorités compétentes, selon les cas.

 

Quel est votre rôle de «Counselor» ?

 

Mon rôle est d’apporter un soutien aux enfants qui sont en réadaptation scolaire, en leur offrant des sessions d’écoute active et de soutien. Tout cela est fait en utilisant des techniques reçues lors de diverses formations avec ANFEN, et en se basant sur la spécificité de la population estudiantine et de ses besoins. Les mêmes services sont proposés aux parents/tuteurs des enfants, avec la collaboration de la direction des centres et d’ANFEN.

 

Comment cette approche impacte-t-elle sur l’enfant, son développement et son avenir ?

 

Il permet aux enfants d’éviter le décrochage scolaire et de se réorienter vers un système éducatif qui leur convient mieux. Avec le soutien d’ANFEN, ils arrivent à développer des mécanismes d’adaptation pour mieux gérer les difficultés de la vie obstruant leur développement. Ainsi, l’enfant a des repères sains et un système de soutien sur lequel il peut s’appuyer tout en augmentant ses capacités à gérer les situations adverses de la vie.

 

Ces changements sont-ils visibles ?

 

La plupart des enfants suivis gagnent en motivation pour terminer leurs parcours scolaires. Ils se font plus confiance quant à leurs capacités à réussir dans la vie, à prendre les bonnes décisions. Surtout, ils arrivent éventuellement à rétablir un lien de confiance avec les adultes et deviennent, par ce processus, auto-disciplinés. Beaucoup d’entre eux arrivent à trouver du travail à l’issue de leur passage dans les centres ANFEN, alors que d’autres poursuivent des études plus poussées. On peut constater que notre méthode contribue beaucoup aux succès de ces jeunes.

 

Vous ne misez pas uniquement sur l’éducation. En quoi l’accompagnement psychosocial est-il important ?

 

Il aide nos bénéficiaires à mieux gérer leur quotidien, souvent semé de difficultés à plusieurs niveaux. Les jeunes ont droit à une prise en charge, à un système d’écoute à leur disposition, ce qui leur donne un espace pour s’exprimer, chose qui ne leur est pas forcément accessible dans leur environnement familial. Ensemble, nous travaillons sur des solutions qu’ils peuvent implémenter dans leur vie ; ils apprennent comment résoudre certains problèmes et ont accès à un système de soutien. Tout cela dans le but de donner des chances à ces jeunes de mieux relever les défis de la vie et de surmonter leur sentiment d’exclusion d’un système éducatif qui convient à une certaine tranche de la population, et pas à eux, et afin qu’ils aient des points d’ancrage auxquels s’accrocher afin de ne pas se laisser happer par les fléaux sociaux.

 

Tout cela permet-il aux jeunes de grandir et d’avancer vers sa vie d’adulte ?

 

Ces outils les aident à prendre conscience de leur résilience, c’est-à-dire de voir la force innée qui leur a permis de surmonter si jeune les épreuves de la vie. Prendre conscience de leur résilience leur permet de comprendre leurs forces, et ainsi augmente leur estime de soi et leur degré de motivation pour avancer selon un mode de fonctionnement plus sain. Ils apprennent aussi à reconnaître des valeurs morales et sociétales, ce qui facilite d’emblée leur adaptation dans le monde professionnel et les efforts de trouver un juste équilibre de vie.

 


 

ANFEN : éduquer autrement

 

Créer un réseau d’éducation non formelle pour les adolescents en décrochage scolaire. C’était la mission en 2000 lorsque quatre associations, œuvrant auprès des adolescents en échec scolaire, décident, à l’initiative de l’UNICEF, d’unir leurs forces. Ensemble, ils créent ANFEN, l’Adolescent Non Formal Education Network, un réseau qui comprend aujourd’hui 21 ONG à Maurice et à Rodrigues, et qui dispense chaque année une éducation non-formelle à environ 1 000 adolescents vulnérables, en dehors du circuit scolaire traditionnel.

 

Adoptant une approche différente de celle du «mainstream», la méthode ANFEN repose sur l’interactivité dans l’apprentissage, amenant les étudiants à s’engager activement dans le processus. Pour cela, l’organisation a su développer au fil des années une pédagogie adaptée et un accompagnement psychosocial, pour assurer l’apprentissage et le développement intégral des jeunes vulnérables au sein des structures d’éducation non-formelle. Celle-ci s’articule autour de trois axes : le volet pédagogique, avec un cursus développé spécialement pour le jeune, un axe d’employabilité, qui forme le jeune à des métiers techniques, et finalement, le côté psychosocial, pour encadrer le jeune et lui offrir un cadre sécurisant et sécurisé.

 

Au cœur de l’apprentissage proposé par ANFEN, le bien-être psychosocial des jeunes tient en effet une place prioritaire. L’objectif est d’offrir un cadre qui soutient leur développement personnel, car au-delà des aspects académiques, il est important d’adresser les besoins psychosociaux, en raison de parcours de vie souvent marqués par les difficultés.

 

Se concentrer sur le psychosocial, terme qui désigne l’interconnexion entre les aspects psychologiques d’une personne (comme ses émotions, ses pensées et son comportement) et les facteurs sociaux qui influencent son bien-être, est donc crucial si l’on veut s’adresser aux défis complexes auxquels font face les jeunes en situation de difficulté scolaire. À travers son programme, ANFEN aide donc les jeunes à surmonter ces épreuves en leur offrant un espace propice à la reconstruction de leur estime de soi et à la réinsertion sociale.

 

L’équipe psychosociale d’ANFEN est composée de travailleuses sociales qui font le pont entre les centres d’apprentissage, les familles et les communautés. Elles jouent un rôle central en reconnectant socialement les jeunes à leur environnement, grâce à des visites à domicile régulières. Leur mission est de renforcer le lien entre le jeune et son entourage, et de faciliter son intégration. Il y a aussi les Counselors qui interviennent directement auprès des jeunes en difficulté. Elles proposent des séances d’écoute individuelle aux jeunes en détresse, organisent des activités et travaillent également avec les familles pour identifier les ressources de résilience. Lorsque les cas sont plus complexes, elles orientent les jeunes vers des services spécialisés en santé mentale, comme la psychothérapie.