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1 juin 2016 17:34
Il ya Jonathan. Il a grandi avec l’épilepsie et un retard intellectuel. Mais aujourd’hui, il s’exprime de mieux en mieux. Grâce au soutien pédagogique mais aussi aux séances d’autonomisation dont il bénéficie à l’APEIM de Port-Louis, il arrive à voyager seul chaque matin en prenant le bus avec sa petite sœur qui fréquente la même école que lui. Devant son handicap, ses parents, comme beaucoup d’autres, ont souvent ressenti des sentiments de peur et d’inquiétude quant au bien-être et à l’avenir de leur enfant. Désemparés dans les premières années, ils ont trouvé du soutien, du réconfort mais aussi de l’espoir à l’APEIM et ils mesurent pleinement le chemin parcouru par leur fils depuis. Il y a aussi Christiano, un petit bonhomme jovial, lui aussi porteur d’une déficience intellectuelle, qui adore les activités, plus particulièrement la cuisine.
Pour faciliter leur autonomisation et leur apprendre à devenir indépendants, les éducateurs misent sur ce genre d’activités : préparer un pain, un thé ou autre. Dans la classe de Florise, le Groupe éducatif technique apprend notamment à faire la cuisine. Ces derniers jours, les élèves ont préparé des muffins décorés avec de la pâte à sucre maison pour les offrir aujourd’hui aux mamans pour la Fête de mères. Christiano, lui, n’hésite pas à reproduire à la maison ce qu’il apprend en cours. Préparer des gâteaux, il adore ça. Avec sa soeur, il investit régulièrement la cuisine familiale pour préparer de bons gâteaux à la vanille, ses préférés. Il y a aussi Ansy, Ashvin, Valerio, Sharon et tant d’autres enfants qui, grâce à l’APEIM, arrivent aujourd’hui à apprendre, à s’ouvrir aux autres, à gagner en autonomie, à aller de l’avant et, dans certains cas, à dépasser leur handicap. C’est ça la mission de l’APEIM depuis maintenant 46 ans. Alors, quand les problèmes financiers s’accumulent et que l’accès à l’éducation gratuite est difficile, menaçant l’aide que l’association procure àces centaines d’enfants et de familles, l’inquiétude prend place. Cependant, malgré l’angoisse et la peur des jours incertains, il est hors de question pour les éducateurs et les encadrants de l’APEIM de baisser les bras, surtout devant ces enfants qui ont besoin de se sentir entourés et protégés.
Ce matin, comme tous les jours, à Port-Louis, dans l’une des neuf écoles de l’association, les éducateurs oublient les soucis et acordent toute leur attention à ces bouts de chou. «Une fois qu’on a franchi le seuil de l’école, on laisse tous nos problèmes, qu’ils soient personnels ou qu’ils concernent l’école, derrière nous. On sourit et on continue de travailler», déclare Linzy Putchay. Voilà la devise de ceux qui sont engagés depuis des années auprès des enfants et des jeunes présentant des handicaps comme la trisomie et l’autisme, des troubles mentaux ou des déficiences intellectuelles. Avec la nouvelle campagne de sensibilisation sur le droit à l’éducation gratuite, l’association, qui a lancé une pétition pour que tous ces enfants puissent continuer à recevoir une éducation adaptée à leurs besoins, espère que ça ira mieux très bientôt.
Pour Linzy Putchay et ses collègues, ce travail est bien plus qu’un travail. C’est une mission qu’ils mènent chaque jour avec amour et passion. Ce matin, Éric, éducateur, s’occupe des jeunes ados qui font partie de sa classe. Ils sont sept ou huit à fabriquer de jolies petites cartes d’amour qu’ils offriront aujourd’hui à leur maman. Normalement, c’est la classe technique avec des sujets comme les mathématiques appliquées, mais toute cette semaine a été consacrée à ces activités. Le programme a été chamboulé pour permettre aux élèves de laisser libre cours à leur imagination et ils aiment ça. Jonathan et ses amis s’en donnent à coeur joie. «Ce genre d’activité fait appel à leur créativité et ça leur plaît énormément. Nous en faisons toujours. Et puis, il y a aussi les activités de Daily Livingqui leur apprennent à être plus indépendants. Par exemple, on fait des sorties. On se rend à la gare pour leur apprendre à prendre le bus seul. Ça prend du temps évidemment mais c’est un travail qu’on fait avec l’étroite collaboration des parents», souligne Eric.
Jonathan qui se rend seul à l’école tous les matins a aussi réussi à se rendre seul en bus à l’APEIM de Trianon où il participe en tant qu’auto-représentant au programme Inclusion Mauritius. Depuis, chaque mardi, il accompli avec fierté ce petit parcours. «Des fois, je me sens un peu perdu mais après ça va. Là-bas, on parle du droit à l’éducation et comment on peut dire non à la violence. J’ai aussi commencé à apprendre le code de la route»,dit-il avec une grande fierté. Des réalisations comme celle-là, qui peuvent certes paraître anodines pour ceux qui ne connaissent pas la même réalité, sont d’une grande importance pour ces enfants et leurs familles. Croire que c’est possible malgré leur différence, voilà ce que représentent ces petits pas de tous les jours à leurs yeux.
Pour entourer Jonathan et les centaines d’enfants et de jeunes vivant avec un handicap mental, l’APEIM compte sur l’expertise de son personnel. Outre leurs qualifications et leur savoir-faire en la matière, il est surtout, et avant tout, question d’amour et de passion. Cela fait 11 ans que Marjorie travaille à l’APEIM. Chaque jour, ce sont de nouveaux défis qui se présentent à elle : «Pour faire ce métier, il faut de l’amour, de la patience. Il faut aimer et savoir donner de son temps et de l’écoute à ces enfants qui, malgré leur différence, ont tout autant à donner et à apporter. Nous aussi nous apprenons beaucoup avec eux en tant qu’êtres humains», confie-t-elle. Dans sa classe qui regroupe les intermédiaires, tout est mis en place pour adapter l’enseignement aux besoins des bénéficiaires. Les matières scolaires sont enseignées de façon ludique avec des sons, des images qui font appel à leur mental. Les activités thérapeutiques, corporelles, sensorielles font aussi partie de l’apprentissage.
Si certains arrivent au bout d’un moment à assimiler l’anglais, le français et les mathématiques, pour ceux qui présentent une forme de handicap plus sévère, tout cela reste abstrait. Dans ce cas, l’accent est mis sur la socialisation et l’autonomie de ces enfants. Ainsi, plutôt que de miser sur un enseignement scolaire, on leur apprend à se doucher, à se préparer quelque chose à manger, à se brosser les dents, à s’habiller. Le but ici est de les aider à se débrouiller et à devenir le plus autonomes possible. Dans la classe des plus petits, Nadine et Linda, des éducateurs référents, ainsi que Marceline, l’auxiliaire, encadrent
14 élèves en bas âge qui présentent des troubles autistiques, un retard mental ou autre. «Le point de départ, c’est la discipline et le comportement. Il faut les stabiliser avant de commencer le travail. Nous misons beaucoup sur la socialisation. Leur permettre de s’intégrer aux autres les amène à s’ouvrir, à sortir de leur bulle et à être plus réceptifs», souligne Nadine. C’est comme ça depuis 46 ans et l’équipe de l’APEIM entend bien continuer sa mission pour encore longtemps.
Tout a commencé en 1970, par des parents qui ne désiraient que le meilleur pour leurs enfants. Pour les aider à surmonter le handicap mental dont ces derniers étaient atteints, ils avaient conscience qu’il leur fallait unir leurs forces et se battre pour faire respecter leurs droits, mais aussi pour leur donner une éducation adaptée à leurs besoins. Depuis, le combat ne s’est jamais arrêté et voilà 46 ans que ça dure.
À l’APEIM, on accueille un enfant à partir de l’âge de 5 ans. Sa prise en charge est faite par une équipe médicale et paramédicale qui est composée de médecins, d’un psychologue, d’une orthophoniste, d’un ergothérapeute et d’une kinésithérapeute. Le parcours commence par une période d’essai de trois mois minimum, qui permet de confirmer et de définir la prise en charge proposée par l’APEIM. L’étape suivante est de proposer un projet de scolarisation pour l’enfant et un plan individuel qui est appelé à changer régulièrement par rapport à l’évolution de l’enfant.
L’APEIM propose des services d’intervention précoce avec des écoles dans plusieurs régions du pays, alors qu’une équipe mobile veille à la prise en charge des enfants de 0 à 6 ans à travers des groupes de stimulation, de rééducation, de soutien et de formation des parents, avant de s’assurer de l’intégration des enfants dans 60 écoles maternelles, 36 écoles primaires et 2 collèges pré-vocationnels. Pour les adultes, l’APEIM a mis en place quatre ateliers à Trianon, Port-Louis, Curepipe et Bonne-Mère, où des programmes de réhabilitation et de formation sont offerts aux adultes pour apprendre, travailler et produire dans des conditions spécialement aménagées. L’équipe de l’APEIM propose aussi des visites à domicile à travers le pays.
Ils offrent alors une prise en charge adaptée, un soutien aux familles ainsi qu’un service médical et paramédical. Depuis 46 ans, les réalisations de l’APEIM sont nombreuses. Outre le dépistage, le diagnostic du handicap mental, les soins, les thérapies et les rééducations paramédicales offertes, l’APEIM a réussi à offrir une éducation inclusive et spécialisée à ces enfants, un soutien et une formation professionnelle aux adultes, des cours de soutien aux parents, une formation au personnel et une campagne de sensibilisation sur le plan national.
Depuis sa création, plus de 5 560 personnes ont bénéficié des services de l’APEIM.
En 2013, l’APEIM annonçait la fermeture de ses écoles. Quelle est la situation de l’APEIM aujourd’hui ?
L’APEIM va bien. Du moins, nous faisons de notre mieux avec les moyens du bord comme toutes les associations. Nos écoles représentent environ un tiers de nos activités, les deux autres tiers regroupent le service médical et paramédical, les visites à domicile, l’intervention précoce et les ateliers qui roulent sans problème grâce à des fonds venant des ONG, du Trust Fund, de la CSR mais aussi d’une participation minime des parents. Au total, nous avons 650 bénéficiaires et environ 1 250 consultations et évaluations individuelles par an.
Nous avançons avec la formation des self advocateset l’accès au travail et aux droits mais toutes les améliorations dans le secteur du handicap mental restent essentiellement celles des ONG engagées, entre autres à travers Inclusion Mauritius. Aujourd’hui, nous avons 73 membres du personnel enseignant et non enseignant qui travaille dans nos neuf écoles pour 275 élèves de 5 à 20 ans avec un handicap intellectuel, avec ou sans troubles associés. Ces écoles sont à Port Louis, la Montagne, Colonel Maingard à Beau-Bassin, St-Paul, La Visitation (Vacoas), Mahébourg, Bonne-Mère (Flacq), St-Luc (Curepipe) et Montagne Ory. Nos enseignants ont bénéficié de diverses formations depuis de nombreuses années dont celle du CIEP (Centre international d’études pédagogiques de l’île de La Réunion) du MIE et du certificat au Special Needsentre autres. Ils suivent aussi le curriculum guidelines for Special Needs et mettent en place les activités d’apprentissage adapté.
Quel est l’objectif de cette pétition ?
La pétition est avant tout la première étape d’une conscientisation et d’une sensibilisation de l’opinion publique jusqu’au budget sur le droit à l’éducation gratuite pour tous les élèves et les ONG.
Quel est l’apport de l’État dans la prise en charge de l’enfant ?
L’État ne prend pas en charge l’éducation des enfants avec un handicap. Il délègue aux ONG, aux Special Needs Schools enregistrées – 70 à ce jour – à travers un Grant In Aid (GIA). Le CSR est en baisse significative car ils ne donnent pas pour le roulement de nos écoles et ce n’est pas son rôle de coordonner le public et le privé.
Quelle sera la suite ?
Pour les écoles, la suite dépendra du budget en juin. S’il donne les moyens adéquats à travers un GIA revu, le Bureau d’Education Catholique prendra la relève. Nous avons accepté une deuxième année de transition en pensant que le ministère de l’éducation mettrait en place les étapes nécessaires. Il n’y aura pas d’autre année de transition.
Une signature pour apporter son soutien à des dizaines d’enfants atteints d’un handicap intellectuel. Une signature pour leur permettre de recevoir une éducation gratuite adaptée à leurs besoins, pour donner la possibilité aux 275 élèves placés dans les neuf écoles à travers le pays de continuer à apprendre. Une signature pour donner la même chance aux autres. Voilà pourquoi il est important de signer la pétition lancée par l’APEIM dans le cadre de sa campagne de sensibilisation sur le droit à l’éducation gratuite pour les enfants vivant avec un handicap.
Cette pétition a pour objectif de récolter le maximum de signatures afin que les écoles puissent continuer à assurer une éducation de qualité et que les membres du personnel gardent leur emploi. Ce soutien est important pour que le ministère de l’Éducation donne les moyens au BEC d’assurer la reprise de ces neuf écoles selon les accords passés. Si vous souhaitez vous aussi soutenir cette cause, vous pouvez vous rendre sur le site change.org ou sur le lien http://chn.ge/248To0opour signer la pétition.
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