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Jeunes en formation technique : Apprendre un métier, mon arme contre l’exclusion

30 avril 2016

Georges Arokeum, responsable de l’atelier de menuiserie, est persuadé du talent des ses aspirants menuisiers.

Pendant longtemps, Fabien n’a pas su ce qu’il voulait faire comme métier une fois adulte. À l’école, alors que ses amis se voyaient bien en policier, en pilote ou en astronaute, lui n’avait aucune idée. Il faut dire qu’à l’école, il n’était pas très doué. Souvent même, il avait du mal à suivre la classe et se sentait perdu. Les échecs s’accumulaient, le mettant de plus en plus à l’écart. Puis, ne pouvant s’adapter au système scolaire, il a arrêté l’école. Pour faire quoi, il ne le savait pas vraiment. Finalement, après être resté quelque temps sans rien faire, un événement est venu changer sa vie. Il s’agit de l’école technique St-Joseph de Beau-Bassin/Rose-Hill qui accueille une soixantaine d’adolescents exclus du système éducatif et issus de familles en difficulté. Lorsqu’on lui propose d’intégrer ce centre de formation pour apprendre un métier, le jeune homme est sceptique.

 

Apprendre la soudure, la tôlerie et la menuiserie, il faut dire que cela ne fait pas rêver. Pourtant, Fabien sait bien que cette opportunité représente pour lui une véritable chance de se créer un avenir. Alors, il y va et découvre dans cette école, située au cœur de la cour de la résidence des pères jésuites à Rose-Hill, des jeunes qui, comme lui, se sont retrouvés à un moment donné exclus du système scolaire mainstream. Aujourd’hui, Fabien n’est plus vraiment dans le flou. Lorsqu’il aura terminé sa formation, il espère entamer d’autres cours au Mauritius Institute of Training and Development(MITD) pour se professionnaliser avant de se lancer sur le marché du travail. «J’aimerais travailler dans une usine de bois»,dit-il.

 

Comme lui, ils sont plusieurs aujourd’hui à faire des plans pour l’avenir. Kinsley, par exemple, rêve de faire de la sculpture de bois son métier. Kiran, lui, espère pouvoir se lancer à son compte. Si en quittant les bancs de l’école, beaucoup ne savaient pas quoi faire, cette école de formation a su raviver, chez eux, le goût et le désir d’apprendre, l’envie de s’accrocher pour pouvoir, une fois adultes, être indépendants et autonomes. C’est l’essence même de cette école, explique le responsable, Jean-Philippe Provence. Donner une seconde chance à ceux qui n’ont pas réussi académiquement et aider ceux qui, une fois hors du système scolaire, se retrouvent livrés à eux-mêmes dans un environnement souvent vulnérable, ce sont là les deux principaux objectifs de ce centre qui propose un cours de formation étalé sur deux ans aux garçons âgés entre 14 et 17 ans. «Nous sommes confrontés à un phénomène récurrent d’année en année, où les jeunes membres fragilisés de notre société cherchent refuge auprès de nous. Nous faisons tout pour leur offrir une formation complète avec un apport social, moral et religieux que nous intégrons à notre système d’éducation. Leur sort, s’ils n’avaient pas eu notre école pour les aider, aurait été peu enviable en raison de leur jeune âge. Ils n’auraient pu trouver un emploi et seraient peut-être livrés à eux-mêmes avec tous les risques que cela comporte pour notre société», explique le responsable.

 

«Un travail fait avec beaucoup d’amour»

 

Dans l’atelier de menuiserie dirigé par Georges Arokeum, formateur depuis 30 ans au sein de l’école technique St-Joseph de Beau-Bassin/Rose-Hill, on trouve des dizaines et des dizaines de meubles et divers objets fabriqués par les élèves. «Nous avons une classe théorique d’abord et, ensuite, des ateliers pratiques. C’est un travail fait avec beaucoup d’amour, qui a une approche humaine envers ces jeunes qui ont souvent perdu confiance en eux. À travers le travail manuel, ils développent leur capacité et on se rend compte qu’ils sont très doués», explique Georges Arokeum. En effet, si ces jeunes ne sont pas faits pour l’académique, ils se révèlent talentueux lorsqu’il s’agit de manier le bois ou le métal. Leurs instructeurs n’ont aucun doute quant à leurs capacités et leur potentiel. «Ils viennent ici par choix et entament la formation dans laquelle ils veulent se lancer. Nous avons pas mal d’anciens élèves qui sont aujourd’hui des ouvriers respectés, des employés qualifiés, d’autres qui occupent des postes de responsabilité, des managers ou encore ceux qui ont ouvert leur entreprise. Tout cela nous rend fiers et nous conforte dans l’idée que c’est ce dont ces jeunes ont besoin», ajoute Jean-Philippe Provence.

 

Les exemples de réussite sont nombreux et il ne faut pas aller bien loin pour s’en rendre compte. Dans l’atelier de soudure et de tôlerie, Jean-Yves Pompon est en pleine explication devant une dizaine d’élèves plus que jamais attentifs à ses paroles. Ils savent que, comme eux, il a connu le même parcours. «Je suis un ex-élève du centre. À l’époque, je venais de quitter l’école et apprendre le métier de soudeur m’a ouvert des portes. Après ma formation, j’ai continué à apprendre à l’IVTB avant de commencer à travailler. J’ai travaillé dans plusieurs entreprises ainsi qu’à Diego Garcia avant de venir ici comme formateur. Pour moi, c’est bien plus qu’un travail. C’est une mission. Outre mon rôle d’instructeur, je suis aussi comme un papa, un psychologue et parfois même un policier», dit-il, heureux d’accompagner ces jeunes au quotidien vers un lendemain meilleur.

 


 

Un appel à l’aide urgent

 

«C’est un travail très difficile, mais pas impossible. Nous y croyons et espérons continuer notre mission»,déclare Jean-Philippe Provence qui ne masque pas son inquiétude concernant l’avenir de l’école technique St-Joseph de Beau-Bassin/Rose-Hill. Lancé officiellement en 1974 par le Père Antonni Ponnudurai S.J., grâce à une collaboration du Mouvement social de la Jeunesse mauricienne et la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill, ce centre qui se veut être un pont entre les jeunes en situation de vulnérabilité et les structures de formation telles que le MITD et le monde du travail, se retrouve aujourd’hui dans une situation financière précaire par manque de sponsors. «La survie même de cette école repose sur une participation financière minime des stagiaires, une subvention annuelle de la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill et le soutien de nos bienfaiteurs. Tout cela s’avère malheureusement insuffisant. C’est ainsi que de nombreux projets que nous avions esquissés pour les jeunes dans le domaine de l’électricité et de la plomberie ainsi que la construction d’une nouvelle école ont dû être remis faute de fonds», explique Jean-Philippe Provence.

 

Faire tourner l’école et boucler les fins de mois est devenu, depuis quelque temps, très compliqué. «Il nous est difficile, pour ne pas dire impossible, de boucler notre budget avec nos faibles revenus. D’autre part, nous ne voulons pas diminuer le nombre d’élèves fréquentant notre école car ce serait à leur détriment, à celui de la société et de notre pays en général.»Pour mener leur mission à bien, les responsables de l’école ont absolument besoin d’aide, d’où leur appel pressant aux entreprises et aux Mauriciens en général : «Réhabiliter un jeune va au-delà de l’argent. Ces enfants ont quelque chose en eux, un talent qui demande à être développé. Ce sont les ouvriers potentiels de demain et ils ont besoin qu’on croit en eux et en leurs capacités. Nous espérons que notre appel à l’aide sera entendu car nous ne savons pas jusqu’à quand nous pourrons tenir bon.»

 

Pour Jean-Philippe Provence, mettre la clé sous la porte serait un terrible échec qui nuirait à ces jeunes qui ont besoin de cette école pour se créer un avenir.

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