Les séductrices débarquent…

Elle les croque, quand elle craque ! Ensuite, elle les range dans ses souvenirs de façon très organisée. Mélodie a son propre système de classement : à ne jamais oublier de ne pas revoir, à revoir (peut-être), à revoir (absolument). Comme si elle mettait à jour, régulièrement, son propre guide conso. Sauf qu’à la place des balais vapeur, des soutiens-gorge push-up et des crèmes amincissantes, on retrouve les «hommes à tout faire» de la jeune femme. Elle les évoque comme elle parlerait de beaux objets qu’elle a pris le temps de collectionner et qu’elle entretient avec plaisir. La trentaine épanouie, le cœur et le corps libres après un divorce, elle a décidé de libérer ses envies. De laisser parler la séductrice qui est en elle.

Et des femmes qui assument comme elle, elle en rencontre de plus en plus : «Elles ne s’affichent pas. Moi non plus d’ailleurs. Parce qu’à Maurice, on est vite considérées comme des filles faciles sinon.» Comment sortir la séductrice qui sommeille en chaque femme dans une société encore – trop – machiste et patriarcale ? Comment se défaire du portrait caricatural de celle qui joue de ses charmes pour obtenir quelque chose et qui se fait avoir, au final, par la toute puissance masculine ? Mission impossible ? Mélodie prouve bien que non : «À un moment, il faut décider d’accepter de vivre sa vie. Et puis, les hommes ont changé. Ils prennent moins les devants. Ils draguent moins. Alors parfois, il faut savoir faire le premier pas.» Et imposer ses règles. Mener cette danse à deux. Mais sans donner l’impression de le faire. Les paramètres du jeu ont changé. L’homme n’est plus le meneur.

La séduction est un drôle de passe-temps. Et Mélodie en connaît les subtilités par cœur. «Ce n’est pas de la simple drague», explique-t-elle. Et celle qui exerce une profession libérale a décidé de partager quelques-uns de ses secrets : «Je ne fais jamais le premier pas. J’incite l’homme qui m’intéresse à venir vers moi. Une blague à des gens qui se trouvent à côté de lui, une réflexion qui sort de l’ordinaire… il va me remarquer. Et là, il croisera mon regard. Un sourire plus tard, l’affaire est dans le sac. L’homme pense qu’il m’a repérée. Et alors qu’il croit me séduire, c’est moi qui le séduis.» Ingénieux !

Une petite tape sur l’épaule, un mot glissé dans l’oreille parce qu’il y a trop de bruit (parfum enivrant et vue sur décolleté) et l’air étonné à chaque compliment. De soirée en soirée, elle s’amuse à ce petit jeu euphorisant : «J’aime séduire. C’est comme relever un défi. J’adore me surpasser.» Et complètement addictif : «Je choisis une cible, j’attaque et je réussis. Les hommes sont terriblement prévisibles.» Un besoin narcissique de se sentir valorisée et une envie de toujours arriver à ses fins : attirer l’attention de l’autre. «Il faut que les femmes essaient, c’est génial», lance-t-elle, enthousiaste.  

Mais attention, Mélodie fait une précision de taille : «Plaire à quelqu’un, se faire remarquer, c’est quelque chose. Se retrouver dans un lit avec la personne, c’est autre chose.» Elle joue de ses charmes pour obtenir ce qu’elle souhaite. Une faveur, un rendez-vous, un compliment… Rien de plus. C’est son petit plaisir à elle. Allumer n’implique pas – forcément – le passage à la prochaine étape : «J’adore le sentiment d’avoir un homme sous mon emprise pour quelques heures.»

Conquérir

Cette impression de contrôle grise celle qui a été longtemps une victime : «Mon mari me battait. Ça a été dur de m’en aller et de remonter la pente. Depuis, j’avance à ma façon. Je retrouve le goût de la vie, comme je peux.» Elle n’est pas encore prête à aimer. Trop blessée, trop déçue. Alors, elle préfère conquérir. Et dès qu’on lui parle de sentiments, elle s’éloigne : «Très vite, ces hommes m’ennuient.» Et ils tombent surtout rapidement dans l’oubli : «Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive. Et ça, c’est un super sentiment. Ça change.» Séduire l’homme, c’est – un peu – le manipuler. Lui donner de l’espoir pour ensuite tout reprendre. Reshma voit les choses comme ça. Surtout quand elle veut juste jouer.

Mais s’il s’agit d’une vraie histoire à vivre, la séduction a toujours sa place. Cependant, elle est utilisée différemment : «Si un homme plaît vraiment, je le séduis, oui, mais pas dans l’optique de l’utiliser et de le jeter. C’est différent.» Pour l’instant, cette étudiante ne fait que s’amuser. Elle fait du charme 24 heures sur 7. Et ce n’est pas uniquement dans un contexte d’attirance physique : «Je donne à un copain l’impression qu’il est le centre de mon monde pour récupérer ses notes. Je séduis même les femmes ; elles ne me refusent rien.» Elle aime être au centre de l’attention. Elle voudrait que tout le monde l’aime. Elle a toujours rêvé d’être hyper populaire, comme les filles des séries américaines.

Alors, pour y arriver, elle séduit : «Si je veux quelque chose, je fais de façon à ce que la personne se sente hyper valorisée. Avec les hommes, je joue la fille fragile, celle qui a besoin d’un mâle, pour flatter leur ego et leur virilité.» Elle connaît ses atouts et les failles des autres, et a décidé de s’en servir : «Où est le problème ? Je pense que, nous les femmes, nous avons ce pouvoir-là ! Je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas s’en servir.» Donc, elle a fait de ses talents de séductrice, son arme absolue : «Certains se servent de leur intelligence ou alors de leur super physique. Moi, je sors un bon package de tout ça.»

Et ils sont rares ceux qui ne craquent pas !

Le coin psycho

Zoom sur le phénomène de la séduction avec la psychologue clinicienne Jassodah Domur-Moodely.

La séduction. Une forme de jeu ou de défi entre deux ou plusieurs individus, dans lequel l’un s’efforce de susciter de l’attirance et/ou des sentiments chez l’autre par diverses conduites. Le but le plus simple de la séduction consiste à obtenir un avantage de la part de la personne séduite, par exemple des rapports sexuels, des cadeaux ou de l’argent (lorsqu’elle est effectuée de mauvaise foi et pour abuser de quelqu’un, il est question de manipulation physique ou psychologique). Mais son but peut être plus complexe : reconnaissance, estime de soi, narcissisme ou simple satisfaction du désir de vaincre.

Un pouvoir. Plus qu’un détail du rapport amoureux ou de la simple rencontre, la séduction définit une modalité singulière de l’altérité. Artifices, codes sociaux ordonnant les rapports hommes-femmes ou manipulation aux desseins précis, elle demeure un processus aux pouvoirs considérables.

Un but. Attirer l’attention d’une personne par tous les moyens possibles afin d’en prendre le contrôle émotionnel et de s’assurer ainsi une source de plaisir.

La femme. Dans toutes les espèces, c’est la femelle qui est le sujet de la séduction et le mâle, l’objet de séduction. En effet, il est difficile pour un homme de vouloir séduire une femme qui ne veut pas l’être ; c’est elle qui décide. Certains anthropologues ont démontré que c’est généralement la femme qui se hasarde au premier contact physique en effleurant du bout des doigts le bras, l’avant-bras ou le dessus des mains. La plupart du temps, la femme le fait de façon préméditée et calculée.

Pathologie. Séduire l’autre est normal, mais lorsqu’on éprouve le besoin de séduire à tout prix à chaque moment, cela peut constituer une pathologie. Un séducteur est toujours sûr de lui, il aborde facilement et présente toujours une apparence bien soignée. Il aime prendre les devants et accumuler les rencontres parce qu’il se sent incapable de rendre l’autre heureux. Le séducteur a un sourire charmeur. Il est un collectionneur d’aventures ; une fois qu’il a conquis le cœur d’une personne, celle-ci ne représente plus rien à ses yeux. Donc, il est incapable de satisfaire une personne sur une longue durée.

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