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31 mars 2016 18:04
«C’estle bon Dieu qui vous envoie. J’avais égaré votre numéro de téléphone et c’est vous qui avez rappelé. C’est un signe du Seigneur ça», lance soeur Maria Goretti en ouvrant ses bras pour nous accueillir dans la demeure des Salésiennes missionnaires de Marie-Immaculée à Batimarais. C’est ici, en plein coeur de la cité de ce village du Sud, que ces soeurs ont élu domicile il y a 13 ans. À l’intérieur, soeur Maria Goretti est rejointe par soeur Julia Mereena et soeur Sicily Joseph, la supérieure de la congrégation, toutes trois originaires de l’Inde. Ce matin, comme tous les jours d’ailleurs, elles étaient debout à 5h30 pour prier ensemble dans la chapelle de la maison. Ensuite, elles se sont rendues à la messe à Rivière-des-Anguilles, avant de revenir pour une heure d’adoration. «C’est tous les jours comme ça. C’est notre rituel car c’est en Dieu que nous puisons notre énergie pour continuer à mener notre mission à bon port», déclare soeur Maria.
La force et la foi, c’est ce qui fait avancer jour après jour, et ce depuis des années, les soeurs de la congrégation. Si elles sont ici et un peu partout dans le monde, souligne soeur Julia, c’est avant tout pour «faire connaître aux autres que le bonheur, le vrai, vient du Seigneur». Mais avant de prêcher la bonne nouvelle, elles ont pour mission de venir en aide aux plus vulnérables. C’est d’ailleurs pour cela qu’elles se sont installées au milieu des habitants, dans la cité. Afin de vivre la même réalité, les mêmes conditions et difficultés auxquelles ils font face.
Lorsqu’elles débarquent à Maurice à la demande du père Maria Paschal Sundaram, ces religieuses ne parlent pas un mot de créole. Si les soeurs Maria et Sicily parlent couramment le français car elles ont vécu dans de nombreux pays francophones, soeur Julia a, elle, toujours travaillé dans des villages indiens. À cause de la barrière de langue, les débuts sont timides, mais très vite, portées par leur foi et leur mission, elles se fondent dans la réalité des habitants de Batimarais. «Au début, c’était un peu difficile. Nous étions un peu perdues mais, petit à petit, nous avons commencé à rendre visite aux familles pour des prises de contact. Les jeunes filles nous suivaient dans la rue et essayaient de parler anglais. C’était touchant. Nous nous sommes rendus compte à quel point certaines familles avaient des difficultés à s’en sortir. Les problèmes étaient nombreux», se souvient soeur Julia.
Pour commencer, les religieuses lancent des projets destinés aux femmes et aux enfants : «Nous croyons fortement que nous pouvons toucher toute la famille à travers la femme. Nombre d’entre elles ne savaient ni lire, ni écrire. Beaucoup ne travaillaient pas. Nous avons commencé par des cours d’alphabétisation.»En parallèle, sœur Julia prend de l’emploi comme enseignante au Keats College. Dans la congrégation, les sœurs doivent, outre leurs œuvres caritatives, travailler pour subvenir à leurs besoins personnels. Le salaire de sœur Julia est suffisant pour les trois, mais aussi pour faire tourner la maison. Comme dans une famille, chacune sait ce qu’elle doit faire.
Dans la localité, la présence des soeurs salésiennes ne passe pas inaperçue. Avec leur sagesse et leur bienfaisance, elles répandent autour d’elles tellement d’amour et de sympathie qu’elles gagnent immanquablement la confiance des Mauriciens. «Petit à petit, nous avons commencé à tisser des liens avec les familles. Les femmes étaient de plus en plus nombreuses à venir participer à nos projets», lance sœur Julia. En effet, ceux-ci se multiplient au fil des années et touchent aujourd’hui plusieurs familles venant des régions avoisinantes de Rivière-des-Anguilles. Après les cours d’alphabétisation, les soeurs lancent le projet de poules pondeuses, le Garden Project,qui consiste en la plantation de légumes, et celui de patchwork, ce qui permet aux ménagères d’acquérir des connaissances et des outils pour se lancer à leur compte et ainsi trouver des revenus financiers pour leur foyer. Les enfants sont aussi pris en considération et plusieurs projets leur sont destinés.
Même si les religieuses sont catholiques et oeuvrent pour l’évangélisation des familles, soeur Julia précise qu’elles ont toujours travaillé pour toutes les communautés présentes à Maurice : «Nous venons nous-mêmes de l’Inde où plusieurs communautés se côtoient. Notre mission première est non seulement d’améliorer la vie spirituelle des familles mais surtout de nous mettre au service des autres, de les aider à soulager leurs souffrances, de faire en sorte que leurs besoins premiers soient satisfaits, de les aider à sortir de la pauvreté, de leur redonner leur dignité de vie», explique soeur Julia Mereena. Conscientes de la pauvreté à laquelle de nombreuses familles font face au quotidien, les soeurs sillonnent le pays à la recherche de sponsors et de donateurs. «Mgr Maurice Piat nous a beaucoup aidées en nous mettant en contact avec de potentiels donateurs. De plus, nous nous sommes rendues dans plusieurs entreprises pour expliquer nos projets et notre motivation afin de les encourager à se joindre à notre cause», souligne soeur Maria.
À Batimarais, le chômage fait beaucoup de ravages. Plusieurs familles n’arrivent pas à s’en sortir. Pour permettre aux enfants issus de familles vulnérables de continuer leur scolarité, les sœurs sollicitent aussi leurs consoeurs d’Europe afin qu’elles trouvent des familles qui veulent bien sponsoriser ces petits. Des Mauriciens se rassemblent également autour de cette cause et, grâce à leur aide, les sœurs économisent sous par sous l’argent récolté afin de payer les frais universitaires de quelques jeunes. Deux d’entre eux font même aujourd’hui la fierté des sœurs salésiennes qui ont ouvert une deuxième congrégation à Roches-Brunes il y a quelques années. «Nous en avons un qui est en troisième année de médecine et un autre qui termine le collège et qui va aussi aller faire médecine»,lance avec fierté sœur Maria.
Les journées des sœurs ressemblent à un véritable marathon. C’est l’amour, la patience et la persévérance qui les font avancer. Entre les séances de prière, la messe, les visites aux familles pauvres et aux malades à qui elles donnent la communion, les rencontres avec les couples qui sont en préparation de mariage, les nombreux rendez-vous pour trouver des sponsors, les cours qu’elles dispensent aux femmes et aux enfants, et les classes de catéchisme, elles vivent à cent à l’heure. Sœur Maria, qui compte 50 ans de vie religieuse, s’est démenée en 2011 pour aider des familles qui n’avaient pas de maison à en obtenir une de la NHDC.
Tout au long des démarches administratives, la religieuse a accompagné ces familles sans fléchir. Ces dernières s’apprêtent bientôt à emménager dans leur nouvelle demeure. Les difficultés ont été nombreuses. Il a même fallu presque mendier pour trouver des fonds visant à acheter des cadeaux de Noël aux enfants de l’endroit. Mais au final, c’est l’amour qui prime. Tant de réalisations dont les sœurs ne se vantent pas. Se mettre au service des autres, c’est tout ce qui les importe.
Outre les besoins matériels des familles, elles ont trouvé chez ces dernières une «pauvreté spirituelle», disent-elles. Pour les aider à retrouver le chemin de la foi, les sœurs écoutent, accompagnent, soutiennent, prient avec elles, animent des séances spirituelles. «Tout par amour, rien par la force. C’est notre devise», commente sœur Sicily. «Je vais te montrer mon amour pour toi et après tu vas peut-être arriver à croire en l’amour que Dieu te porte», ajoute Sœur Maria.
Depuis leur arrivée à Maurice, les Sœurs salésiennes ont su s’intégrer à la communauté dont elles font partie intégrante aujourd’hui. «Les Mauriciens sont merveilleux. Ils sont généreux et viennent en aide aux autres», confie sœur Julia. L’amour de ces religieuses pour Maurice est lui aussi sans équivoque.
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Elles y ont longuement réfléchi. Pour y voir plus clair dans leur choix et leur décision, elles ont pendant longtemps prié. Il a fallu s’armer de volonté, de courage et de patience. Il a fallu travailler dur, surmonter des obstacles mais, comme elles le disent si bien, c’était le plan que Dieu avait dessiné pour elles. Lorsqu’elles rendent visite aux habitants de Batimarais et des régions avoisinantes à leur arrivée à Maurice, sœur Maria Goretti et ses consoeurs font un constat : «Il y a beaucoup de gens qui sont atteints d’un handicap et qui vivent dans des situations difficiles.»Dès lors, l’idée de faire quelque chose pour ces personnes commence à germer. «Nous avons d’abord pensé créer une école pour ces personnes, mais nous nous sommes très vite rendu compte qu’elles avaient plutôt besoin d’un centre résidentiel où elles pourraient développer leur capacité et aller au bout de leurs potentiels. Un lieu où elles pourraient retrouver leur dignité humaine.»
Les religieuses sont convaincues de ce que le Salesian Home pourrait apporter à ces personnes. Il faut savoir que sœur Maria Goretti a été formée et a travaillé pendant des années auprès de personnes porteuses de handicap en France et en Belgique, et que sœur Sicily Joseph est, elle, physiothérapeute de formation. Pour les besoins du centre, elles ont demandé à la mère supérieure de la congrégation, qui se trouve dans la Province de Raipur, qu’une religieuse infirmière vienne les aider avec les résidents.
Sur les conseils de Mgr Maurice Piat, elles rencontrent aussi Cyril Provençal, qui deviendra par la suite le Projet Coordinatordu board constitué par les sœurs et trois autres Mauriciens qui se chargent aujourd’hui de trouver les fonds et des activités. D’énormes fonds sont nécessaires car la création du centre est estimée à Rs 32 millions. Les soeurs sillonnent le pays à la recherche de sponsors et, grâce à l’aide de Cyril Provençal, le board reçoit Rs 26 millions dont la moitié représente des promesses de dons. Entourées de ceux qui leur viennent en aide, tous des bénévoles, sœur Maria et sœur Julia, se lancent alors à corps perdu dans le projet. Sœur Julia, qui a arrêté d’enseigner pour se consacrer entièrement au projet, a un petit moment de découragement lorsque le permis de construire met des mois à arriver. Mais lorsque celui-ci finit par tomber quelques jours plus tard, son enthousiasme refait surface. «Nous avons surmonté beaucoup d’obstacles. Mais sœur Maria a une très grande foi. Elle prie sans arrêt et m’a donné du courage. C’est grâce à elle que nous sommes là aujourd’hui», confie sœur Julia.
Depuis quelques mois, les travaux vont bon train à Batimarais où le Salesian Home a commencé à sortir de terre. Le centre devrait avoir une capacité de 30 résidents, mais pour commencer, les Sœurs devraient accueillir une quinzaine de personnes pour une période d’adaptation. Pour mener leurs projets à bien, les sœurs salésiennes ont encore besoin d’aide et de volontaires. Pour cela, elles savent qu’elles peuvent compter sur les Mauriciens et leur générosité.
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