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Quand l’alphabétisation change la vie des adultes

11 août 2014

Corine, Mary-Jane et Yolanda sont heureuses de suivre ce cours d’alphabétisation.

Ils attendent les mardis avec impatience. Car ce jour-là, ils ont leur cours d’alphabétisation hebdomadaire. Une chance formidable pour ces adultes, âgés de 30 ans et plus, qui n’avaient pu apprendre à lire et écrire jusqu’ici. Ils bénéficient maintenant du soutien des formateurs de Caritas, lors de sessions basées sur leurs besoins fonctionnels, pour apprendre à lire et écrire et ainsi se débrouiller dans de simples situations du quotidien, comme par exemple remplir un formulaire, reconnaître des adresses ou lire des lettres. Un rêve devenu réalité.

Mary Jane Quirin, femme au foyer de 52 ans, ne dira pas le contraire. Cette mère de quatre enfants a dû mettre un terme à sa scolarité alors qu’elle était en primaire mais n’a jamais abandonné son rêve. «J’ai toujours eu ce désir depuis des années, d’être une femme indépendante.»

Il y a deux mois, quand l’opportunité s’est présentée de suivre des cours d’alphabétisation, elle n’a pas hésité. «C’est une de mes amies qui m’a annoncé qu’on offrait ce cours.» La motivation de cette mère de famille : «C’est particulièrement le fait que quand je me rendais à des réunions, je devais tout mémoriser ; ce qui n’était pas chose facile.» Mais il y a deux mois, sa vie a changé, dit-elle. «Cet apprentissage a pris une tournure positive, d’autant  plus que j’ai le soutien de mes enfants. Le soutien moral des professeurs m’aide aussi à aller de l’avant.»

À ses côtés, on retrouve Yolanda Manan, 60 ans, veuve et mère de deux filles. Comme beaucoup d’autres élèves, elle a été encouragée par un de ses proches à se joindre au cours d’alphabétisation. «J’ai arrêté l’école en STD III parce que mes parents n’avaient pas les moyens financiers de m’y envoyer. J’ai toujours désiré lire des prières et comprendre les paroles de la Bible. C’est cela qui m’a poussée à me lancer.» Dans cette aventure, Yolanda n’est pas seule : «J’ai quatre petits-enfants qui m’encouragent à faire de la lecture au quotidien. Ils me donnent encore plus la force de ne pas baisser les bras. De plus, les profs du centre nous poussent à toujours aller de l’avant. Il n’est jamais trop tard pour apprendre à lire et à écrire.»

La sexagénaire en profite pour lancer un appel à la génération actuelle. «Les jeunes ont une très belle chance de nos jours car l’éducation est gratuite. Il faut qu’ils en profitent et saisissent cette opportunité.» Elle, elle poursuit son bonhomme de chemin. «Au quotidien, j’essaie tant bien que mal de trouver du temps pour faire de la lecture afin d’approfondir mes connaissances. Malgré mon âge, je ne baisserai jamais les bras. J’ai toujours eu cet engouement pour la lecture», lance Yolanda qui se bat afin de pouvoir, elle aussi, être  une femme indépendante et épanouie.

C’est aussi le combat que mène Corine Zamala, 32 ans. Cette femme au foyer, mère de trois enfants, a arrêté l’école en cinquième. «L’éducation est primordiale de nos jours. Moi, j’ai arrêté l’école parce que je devais m’occuper de mes frères et sœurs. Nous étions huit à la maison et je n’avais pas d’autre choix. Je devais aider mes parents afin qu’ils puissent aller travailler.» Mais Corine a toujours voulu apprendre à lire et à écrire : «Sans éducation, on n’a aucune valeur, c’est donc pour cela que je me bats depuis des années pour rattraper ces années perdues.»

Motivation

Faisant preuve d’une motivation et d’un courage sans limites, Corine affirme : «Je suis encore jeune et il n’est jamais trop tard pour apprendre.» Aujourd’hui, elle peut notamment apprendre les paroles des chansons surtout celles de Whitney Houston, une de ses chanteuses préférées : «Il m’a fallu ce cours pour comprendre la signification de chaque parole d’une chanson.» Corine dit saisir chaque occasion pour lire : «À chaque moment libre, j’en profite pour faire de la lecture, car c’est un moyen de me prouver que je suis en train d’avancer. Le soutien de ma famille est très important pour moi. Je sais que dans quelques années, j’aurai un certificat et je pourrai me trouver un travail si jamais j’en ai besoin.»

L’impuissance de la jeune femme face aux questions de ses enfants a été un déclic : «Mes enfants me demandaient sans cesse de les aider pour leurs devoirs d’école. Mon incapacité à le faire m’a poussée à trouver une solution.» Durant des années, cette mère de  famille a «remué ciel et terre» afin de trouver un centre qui pouvait lui permettre d’apprendre à lire et à écrire. Elle a finalement entendu parler du Centre of Learning. Grâce au cours d’alphabétisation, elle arrive maintenant à accomplir des choses simples du quotidien qu’elle ne pouvait pas auparavant. «Comme remplir mes formulaires quand je vais à la banque. Ce cours d’alphabétisation est vraiment quelque chose d’énorme dans ma vie !»

Afroz, 60 ans, femme au foyer, partage ce même sentiment. Elle a suivi ce cours il y a sept ans et depuis sa vie a bien changé. «J’ai arrêté l’école en sixième, après le décès de ma mère. Mais cela m’a toujours pesé, surtout quand je rencontrais mes amies dont certaines étaient devenues nurses et d’autres policières», confie Afroz. Voir la réussite de ses amies a éveillé en elle «le besoin de recommencer à apprendre à lire et à écrire». Elle est fière d’avoir pu réaliser ce rêve et d’avoir une vie plus facile désormais.

Comme pour ses autres camarades, son quotidien s’est beaucoup amélioré depuis qu’elle a pris des cours d’alphabétisation. Pour toutes, c’est une joie de pouvoir mieux s’intégrer dans la société à travers l’alphabétisation et de dire haut et fort : «Je sais lire !»

 



Le saviez-vous ?



Selon l’UNESCO, l’engagement de la communauté internationale de réduire de 50 % le taux d’analphabétisme mondial, d’ici à 2015, demeure beaucoup trop lent. En effet, quelque 759 millions d’adultes, dont deux tiers sont des femmes, n’arrivent toujours pas à maîtriser les aptitudes de base pour la lecture et l’écriture. D’ailleurs, on estime qu’environ 72 millions d’enfants, qui sont en âge de faire leurs études primaires, ne sont pas scolarisés. Toutefois, il est à noter que dans la plupart des pays en développement, la base formelle de l’éducation est si moyenne que le système éducatif ne fait qu’augmenter le nombre des analphabètes.  Donc, sans une action décidée, visant à activer les progrès, on comptera encore 710 millions d’adultes analphabètes d’ici à 2015.

 



Charlotte Nina, formatrice : «C’est une fantastique aventure humaine»


Charlotte Nina, 31 ans, est formatrice au Centre of Learning de Pailles. Depuis  bientôt huit ans, elle anime des cours d’alphabétisation à Caritas et comme les autres éducateurs, elle a suivi une formation dans ce domaine. L’envie de se lancer dans cette voie lui est venue quand elle a vu une annonce dans un journal : «Ça a été le déclic, je me suis inscrite et lancée à pieds joints dans cette fantastique aventure humaine.» Pendant sa formation, elle a ouvert un centre à Pailles à la Paroisse de St-Vincent car il n’y en avait pas dans cette région alors que «les gens avaient soif d’apprendre». Pendant cette période, au moins 80 personnes venant de toutes les régions de l’île se sont succédé afin de profiter des cours d’alphabétisation. Cette expérience a été tout aussi gratifiante pour les formateurs que pour les apprenants. Chez Caritas, il y a autant d’hommes que de femmes parmi les apprenants. Au départ, Charlotte nous confie que les élèves étaient «réticents. C’était dur pour eux d’admettre qu’ils avaient des difficultés pour l’écriture et la lecture». Malgré tout, ils ont vite pris goût au travail. «Les élèves sont très motivés.» Charlotte donne des cours de deux heures deux fois par semaine à des classes de 12 à 15 personnes.

 



Caritas et ses Centres of Learning  



L’alphabétisation est au cœur des priorités de Caritas depuis plus de 25 ans. L’association propose aux adultes qui ne savent pas lire et écrire un cours délivré par des formateurs eux-mêmes formés au Centre de Caritas. Le cours  d’alphabétisation a déjà accueilli plus de 600 personnes dans les 40 Centres of Learning qui existent à travers l’île. Le cours d’alphabétisation est d’une durée de 200 heures sur une période de deux ans. Selon Josian Labonté, responsable du programme d’alphabétisation fonctionnel, «le principal objectif est d’aider chaque individu à être indépendant».

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