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8 septembre 2016 02:52
Voilà plusieurs années que ça dure. La bataille est douloureuse, éreintante, mais inévitable.Elle se sent souvent à bout de force, vidée de tout courage et de tout espoir, mais elle s’accroche car elle sait qu’elle doit avancer pour qu’elle puisse enfin retrouver son enfant et sa place de mère dans le cœur de cette petite de qui elle vit séparée depuis plusieurs années. «Aujourd’hui, quand j’ai l’occasion de la voir, je sens qu’il y a une fêlure. Elle ne m’appelle plus maman, mais par mon prénom. On lui a sûrement dit de m’appeler ainsi. Ça me fend le cœur», confie Tania (*prénom fictif).Si on lui avait dit, il y a des années, que son couple finirait en miettes et qu’elle vivrait éloignée de son seul enfant, elle n’en aurait pas cru un mot car à l’époque, Tania et l’homme qui partage sa vie nagent dans le bonheur. Comme beaucoup de jeunes filles, elle rêve de mariage et de famille. Lorsqu’elle tombe enceinte, ils sont heureux.
Mais ce bonheur est mis à rude épreuve lorsque le mariage est balayé d’un revers de la main par le père de son enfant. Alors que leur désaccord envenime la situation, la séparation est inévitable. D’un commun accord, c’est Tania qui s’occupe en permanence de sa fille. Être une maman solo n’est pas chose facile, mais elle sait qu’elle doit travailler dur pour grandir son enfant. Lorsqu’elle décide de s’envoler pour l’étranger avec sa petite afin de travailler et de gagner de l’argent pour mieux élever sa fille, le père s’y oppose formellement. Entre eux, c’est le début de la guerre ouverte et la petite se retrouve tiraillée entre ses deux parents : «J’ai demandé à ce que ma fille soit confiée à mes parents letemps de mon absence, mais on m’a dit que ce n’était pas possible et que la garde serait confiée à son père.»Face à l’impasse financière dans laquelle elle se trouve et malgré l’avertissement des autorités, Tania décide quand même de partir un an en confiant sa fille à son père.
Lorsqu’elle revient au pays, la situation entre eux est au plus mal et Tania doit alors lancer les procédures pour avoir de nouveau sa fille auprès d’elle. Un véritable parcours du combattant qui lui prend toute son énergie. Depuis plusieurs mois, en effet, la jeune femme remue ciel et terre pour récupérer la garde exclusive de son enfant. Toutefois, le chemin est long et ardu. Avec un dossier d’une centaine de pages qu’elle a elle-même préparé et qu’elle porte à bout de bras, elle va frapper à toutes les portes dans l’espoir d’avoir à nouveau sa fille auprès d’elle un jour, convaincue que celle-ci serait mieux à ses côtés. Elle enchaîne les rencontres avec les avocats, les rendez-vous au Legal Aid, au Family Support Bureau.
Outre les grosses sommes d’argent qu’elle doit trouver pour financer ses démarches légales, la jeune femme se heurte à chaque fois à la paperasse, à la lenteur bureaucratique, à l’indifférence et au manque de tact de certains officiers : «Vous devez vous armer de patience car il faut se battre très dur. Les procédures sont longues et il faut attendre plusieurs mois, par exemple, pour une variation of order. À chaque fois, vous vous retrouvez au poste de police parce que vous avez ramené votre enfant avec un peu de retard ou parce que cette fois, le père a décidé que vous ne devez pas la voir alors que vous avez un droit de visite. C’est affreux et très stressant.»
Aujourd’hui, sa priorité, dit-elle, est d’assurer le bien-être de sa fille et de faire en sorte qu’elle puisse grandir dans un environnement sain. Consciente que son ancien partenaire et elle ont fait des mauvais choix dans le passé, Tania ne désire désormais que le meilleur pour son enfant. Déterminée à la retrouver, elle se rendra bientôt en Cour pour réclamer la garde exclusive de sa fille, en espérant que le juge plaidera en sa faveur.
Rajiv (*prénom fictif), 27 ans, a tout fait pour éviter de se retrouver pris dans une bataille juridique qui ne pourrait que déchirer sa famille. Cependant, il n’a pas pu l’empêcher. Il n’a eu d’autre choix que d’avoir recours au système légal pour que la justice puisse trancher. C’est d’ailleurs au Legal Aid, qui offre une assistance légale à ceux qui en ont besoin, que nous l’avons rencontré. Père de deux enfants en bas âge, il souhaite aujourd’hui réclamer leur garde exclusive au détriment de leur mère avec qui il est en instance de divorce. Comme beaucoup de couples qui font face à l’échec de leur mariage, le jeune homme est blessé et aigri après la rupture de son couple. La séparation a un goût amer et le couple n’a cessé depuis de se déchirer sur tout et rien au détriment des enfants qui se retrouvent pris en otage au milieu de deux adultes qui se font la guerre. Conscient de cette situation, Rajiv espère redonner au plus vite à ses deux enfants une certaine sérénité.
Séparé depuis six mois après presque deux ans de mariage, il a assisté impuissant, confie-t-il, à la chute de son couple malgré ses efforts incessants pour le maintenir à flots : «Je viens moi-même d’une famille brisée. Je ne voulais pas que mes enfants connaissent la même chose, mais aujourd’hui, je n’ai plus le choix.»Il veut plus que tout avoir ses enfants auprès de lui. «Lorsqu’on s’est séparés, on était d’accord qu’elle prendrait les enfants parce qu’ils sont petits et qu’ils ont encore besoin d’elle. Mais aujourd’hui, des choses me font dire qu’ils seraient mieux avec moi.»À chaque fois qu’il a l’occasion d’avoir ses enfants avec lui le temps d’un ou de deux jours, se dire au revoir est un déchirement. Une situation difficile qu’il n’arrive plus à supporter.
Cela fait quelques mois que le jeune père a entamé les démarches et aucune action légale n’a encore été prise jusqu’à présent. Si Rajiv est bien conscient que la route sera longue, il se dit prêt à se lancer dans cette bataille juridique et compte bien s’accrocher pour qu’elle aboutisse. «À chaque fois que j’ai un jour de congé, j’arpente Port-Louis pour faire avancer mes démarches. Je vais dans les bureaux nécessaires. Il faut trouver tel ou tel papier. Je sais que ce sera difficile, mais je vais m’accrocher. Je peux compter sur le soutien de ma famille et j’espère avoir bientôt mes enfants auprès de moi», déclare le jeune homme.
Au bureau du Legal Aid situé à la Cour intermédiaire, il n’est pas rare de croiser dans la file d’attente des hommes venus chercher de l’aide pour leur permettre d’obtenir la garde de leurs enfants et même s’il est rare que le père obtienne la garde des enfants, Rajiv ne désespère pas à l’idée d’avoir un jour ses deux petits auprès de lui. Il se dit prêt à se lancer dans une guerre dans laquelle il devra prouver qu’il est le meilleur pour prendre soin de ses enfants. «Je suis prêt à m’occuper d’eux, même si je suis seul. J’ai des projets pour eux. Je vais donc me battre de toutes mes forces pour les avoir auprès de moi», assure le jeune homme qui devra s’armer de courage avant de voir, peut-être, la lumière au bout du tunnel.
Son but est d’offrir une aide financière et une assistance juridique à ceux qui n’ont pas les moyens de se payer un avocat. Le Legal Aid, une loi qui date de 1974, a été mis en place pour offrir un soutien et une assistance légale à tous les citoyens pour qu’ils puissent tous être protégés par la loi et bénéficier des mêmes droits. Cette loi a été amendée en 2012. Pour être éligible à cette loi, le seuil de revenu ne doit pas dépasser Rs 10 000 et la valeur des biens pas plus de Rs 500 000. Si cette aide est offerte dans des affaires d’ordre criminel, elle l’est aussi dans différents litiges légaux, les divorces et la garde des enfants, entre autres. Lors des derniers amendements qui ont eu lieu en 2012, il était aussi question de prévoir une évaluation préalable afin de déterminer si la personne qui dit avoir besoin de cette assistance y est effectivement éligible selon tous les critères requis.
Comment s’y prendre ? Où aller ? Qui contacter ? Lorsque des conjoints souhaitent se séparer et qu’ils ne sont pas d’accord sur la garde des enfants, c’est un juge qui doit trancher. Cependant, avant d’arriver à cette étape, il y a plusieurs procédures à respecter.«Il y a deux options. La personne peut demander le divorce avec la garde des enfants. Dans ce cas, elle doit lancer une pétition de divorce pour avoir la garde. Elle peut aussi réclamer une pension alimentaire. Celle-ci sera accordée s’il est prouvé que le demandeur a vraiment besoin de cet argent et bien évidemment si l’autre personne a les moyens de la payer», explique Jaya Mokool-Juwaheer, avoué. Le divorce peut être prononcé sur la base de plusieurs motifs tels que la faute et la rupture de vie commune, entre autres. L’autre option, c’est aussi de réclamer la garde des enfants en étant séparés et non pas divorcés. À savoir que depuis 2011, le divorce par consentement mutuel est possible à Maurice.
Lorsqu’on a affaire à des demandes de divorce et de garde, souligne une avocate, chaque cas est unique et complexe : «Si les parents arrivent à un accord sur qui va garder les enfants et qui va exercer un droit de visite et d’hébergement, il n’y a pas de problème. S’ils sont en désaccord sur ce point, ils doivent aller en Cour.»Si l’enfant est âgé de moins de 5 ans, explique notre interlocutrice, c’est normalement la mère qui obtiendra la garde exclusive. Le père bénéficiera d’un droit de visite et d’hébergement, mais il y a certaines exceptions. «Si la santé et la sécurité de l’enfant sont menacées, le père, par exemple, peut réclamer la garde exclusive de l’enfant face à une mère qui serait accro à la drogue ou qui vendrait son corps pour de l’argent, par exemple.»
Contrairement à d’autres pays, la garde alternée n’est pas possible à Maurice. Ainsi, explique Jaya Mokool-Juwaheer, si l’un des partenaires n’est pas d’accord avec un jugement de la Family Division of the Supreme Court, il peut objecter avec notamment une notice of objection ou un cross petition : «Il doit avoir en sa possession des motifs sérieux et pas que des allégations pour prouver que l’autre n’est pas apte à élever l’enfant. De toute façon, ils prêtent serment et jurent de dire la vérité. Ils peuvent aussi avoir recours à des témoins qui seront interrogés en Cour.»
Selon l’avocate, un enfant de plus de 10 ans peut être entendu en Cour si le juge trouve que c’est nécessaire. Il y a aussi dans ces affaires, souligne-t-elle, ce qu’on appelle l’Immediate Care and Control. On y fait référence lorsque, par exemple, un parent a pris un enfant sans avoir un ordre de la Cour. Cette procédure est alors enclenchée rapidement pour que l’enfant soit placé en sûreté le plus vite possible. Selon Jaya Mokool-Juwaheer, le coût d’un divorce varie entre Rs 20 000 et Rs 25 000 dépendant des cas. Il faut compter les frais de la Cour, qui sont des tarifs fixes, les frais des avoués et les honoraires des avocats.
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