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22 novembre 2025 16:56
Acteur incontournable de la scène locale, l’APEIM œuvre depuis plus de cinq décennies pour le développement, l’intégration et l’épanouissement des enfants et adultes porteurs d'un handicap intellectuel à Maurice. En marge de son 55e anniversaire d’existence et de la Journée internationale des personnes en situation de handicap, observée le 3 décembre, l’APEIM écrit une nouvelle page de son histoire avec le lancement du Callithea Learning Centre, qui est dédié à la formation du personnel et des bénéficiaires. Jocelyne Beesoon, directrice de l’APEIM, nous en parle…
Quelle est l’histoire du Callithea Learning Centre et qu’est-ce qui a inspiré sa création ?
L’idée est partie d’un bébé de neuf mois, porteur de Trisomie-21, qui s’était vu refuser l’admission en crèche à cause de sa condition. Au-delà du fait que cela est venu renforcer le sentiment d’exclusion que vivent les personnes porteuses d'un handicap intellectuel dans différentes sphères sociétales, nous avons eu là un exemple concret de l’impact socio-économique d’une situation d’exclusion.
Dans le cas de ce bébé, la conséquence directe de sa non-admission en crèche a été l’obligation pour sa maman d’arrêter son activité professionnelle pour s’occuper de lui, ce qui les a placés, sa famille et elle, dans une situation de pauvreté dans laquelle elles n’étaient pas auparavant.
À l’APEIM, nous avons donc réfléchi à la source du problème : si les personnes étaient davantage informées sur ce qu’est le handicap intellectuel, elles adapteraient mieux leur environnement respectif et leurs réactions face au handicap. C’est ainsi que l’idée de créer un Centre de formation sur le handicap intellectuel est née.
Quelles seront les principales formations ou activités organisées au sein du centre ?
Il y a aura des formations ou ateliers visant à renforcer les compétences des équipes, parents et bénéficiaires de l’APEIM sur le handicap intellectuel et sur les normes et pratiques régionales et internationales. Nous offrirons aussi des sessions destinées à un public externe, visant à informer sur les connaissances de base autour du handicap intellectuel afin d’éliminer les fausses conceptions et changer les perceptions sur la question. Il y aura aussi des formations sur les questions clés liées au handicap intellectuel, allant des outils de base de la prise en charge aux complexités et particularités des différents types de handicap.
À qui sont destinées les activités du centre : au personnel de l’APEIM seulement ou également aux partenaires externes ?
Aux deux. L’idée étant déjà de mieux asseoir notre axe de formation continue pour renforcer la professionnalisation de nos équipes pluridisciplinaires, mais aussi de sensibiliser le public externe sur le handicap intellectuel afin qu’entreprises, institutions, ONG ou autres puissent mieux adapter leur environnement respectif aux personnes avec un handicap intellectuel et les inclure dans les différentes sphères de la société. Ce sont des citoyens comme tout autre, et ils ont leur place dans chacune de ces sphères.
En quoi ce centre contribuera-t-il concrètement à renforcer l’inclusion des personnes avec un handicap intellectuel ?
Plus les publics externes seront formés sur ce qu’est le handicap intellectuel, plus ils feront l’effort de rendre leur espaces et leurs approches accessibles. Le meilleur moyen de lutter contre toute stigmatisation et pour l’inclusion est de former et d’informer. Lorsque l’on maîtrise un sujet, non seulement on n’a pas peur de l’aborder, mais on l’intègre automatiquement dans notre manière de penser les projets et de les implémenter.
Le Callithea Learning Centre s’inscrit dans votre volet d’entrepreneuriat social. Pouvez-vous expliquer comment ce modèle aide à assurer la pérennité financière de l’APEIM ?
Au fil de 55 ans, il y a forcément une certaine expertise que l’on développe. Il y a aussi une structure interne qui se met en place pour assurer un meilleur fonctionnement. Cette structure doit, dans le contexte actuel, penser son modèle de manière pérenne en misant sur ses acquis. Nous espérons que «Callithea», qui est l’identité de tout notre axe d’entrepreneuriat social que nous commençons seulement maintenant à développer, pourra contribuer à ces deux aspects : pérennité financière et consolidation des acquis, outre son objectif premier d’employabilité des jeunes adultes en situation de handicap intellectuel.
Ce projet s’intègre à vos trois axes de plaidoyer – inclusion, droits, capacités. Comment le centre vient-il concrétiser ces valeurs sur le terrain ?
Former et informer sur la question du handicap intellectuel favorise l’inclusion des personnes concernées, et cette démarche d’inclusion implique de voir, de croire et de pousser plus loin les capacités des personnes avec un handicap intellectuel.
Quels sont vos projets à venir dans le cadre de Callithea ?
Nous avons commencé à travailler sur un modèle de Café inclusif qui s’appellera le Callithea Café – il n’est pour l’heure fonctionnel qu’en mode pilote pour les employés et visiteurs de l’APEIM, jusqu’à ce que les jeunes en situation de handicap intellectuel travaillant dans ce café soient prêts à recevoir des clients externes. Notre vision est de pouvoir annexer au volet Callithea le service de buanderie qui existe déjà, ainsi que celui de production de bougies et d’autres produits d’artisanat.

Inclusion, droits et développement des capacités
Franchir un nouveau cap et aller encore plus loin dans son engagement pour l’inclusion, la formation et l’autonomie des personnes avec un handicap intellectuel. Fort de ses 55 ans d’existence, célébrés cette année, l’APEIM oriente désormais sa stratégie vers le renforcement des programmes de formation sur le handicap intellectuel, le plaidoyer pour l’inclusion, les droits et les capacités des bénéficiaires, ainsi que le développement de son service d’entrepreneuriat social «Callithea», destiné à promouvoir l’emploi et l’autonomie de ses bénéficiaires.
Outre le lancement du Callithea Learning Centre, l’ONG a récemment accueilli deux représentantes de l’organisation réunionnaise ADAPEI à Maurice, une visite qui s’inscrit dans un contexte d’échanges de pratiques éducatives et paramédicales sur le handicap intellectuel. Ainsi, du 11 au 20 novembre, Élodie Ferrère, psychologue clinicienne, et Isabelle Ethève, coordinatrice-psychomotricienne, ont donné une série de formations théoriques et pratiques à l’intention des éducateurs de l’APEIM ainsi que des équipes médico-paramédicales.
Lors des discussions préliminaires entre les deux organisations, l’APEIM a exprimé le souhait de développer son savoir-faire et ses méthodes en psychomotricité, en stimulation sensorielle et dans l’accompagnement des personnes autistes, afin de renforcer l’expertise de ses équipes pluridisciplinaires regroupant aides-soignants, ergothérapeutes, assistants sociaux et éducateurs. Cette mission d’une dizaine de jours de l’ADAPEI à Maurice a de ce fait permis un partage de compétences qui aura sans aucun doute un impact positif sur les actions de l’APEIM.
Le plaidoyer et l’entrepreneuriat social viendront renforcer les principaux services offerts jusqu’ici par l’APEIM, à savoir l’intervention précoce, le service médico-paramédical, le psychosocial et les ateliers protégés. Fort des progrès réalisés et des perspectives d’avenir, le Dr Julien Quenette, directeur adjoint de l’APEIM, estime que plus les professionnels seront formés et sensibilisés, plus les enfants pourront être pris en charge tôt, favorisant ainsi leur développement et leur inclusion future dans la société. «Notre service médical et paramédical réalise chaque année en moyenne entre 150 et 180 évaluations d’enfants et d’adultes. Parmi celles-ci, 75 % concernent des enfants de moins de 5 ans. Parmi eux, 85 % ont été évalués à l’âge de 3 ou 4 ans comme étant sur le spectre de l’autisme et/ou présentant une déficience intellectuelle. Or, ce diagnostic peut être posé dès l’âge de 2 ans. Je veux être optimiste aujourd’hui en disant que plus nous formerons et sensibiliserons, plus nous aurons d’enfants référés à nos services dès l’âge de 2 ans. Un diagnostic précoce permet une intervention précoce, laquelle a un impact direct sur le développement futur de l’enfant et sur sa prise en charge.»
Par ailleurs, plus les idées reçues et les méconnaissances sur le handicap, le handicap intellectuel et l’autisme disparaîtront, plus les chances d’inclusion augmenteront, que ce soit à l’école, dans le monde du travail ou dans la société en général.
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