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Nouveau roman de l’auteure mauricienne en lice pour le Prix Goncourt 2025

«La Nuit au Coeur» de Nathacha Appanah : des Mauriciennes bouleversées

7 septembre 2025

Encore une fois, notre compatriote interpelle. Le 21 août dernier, Nathacha Appanah a sorti son nouveau roman en marge de la rentrée littéraire en France. La Nuit au Cœur couvre le sujet brûlant des féminicides et, cerise sur le gâteau, son auteure est en lice pour le prestigieux Prix Goncourt de cette année. Entre-temps, plusieurs Mauriciennes qui ont parcouru le livre en sont ressorties bien remuées. Elles nous livrent leurs impressions.

Des voix réduites au silence, un livre nécessaire, poignant. Bref, nos lectrices se remettent difficilement de La Nuit au Cœur. Le nouveau livre de Nathacha Appanah, auteure mauricienne qui nous avait déjà bien bouleversés avec le multirécompensé Tropique de la Violence et plus anciennement avec Le Dernier Frère, La Noce d’Anna ou encore Rien ne T’appartient, aborde ici le sujet de la violence faite aux femmes. Il y a trois histoires de femmes, l’une morte en France, l’autre à Maurice et… l’auteure elle-même. Depuis sa sortie, le roman n’arrête pas de recevoir des critiques dithyrambiques, pendant que Nathacha Appanah enchaîne lecture et interviews ; elle est juste partout. Une fierté qui est, en plus, doublée puisque l’écrivaine est également en lice pour le Prix Goncourt 2025. Le prix sera décerné le 4 novembre après une deuxième sélection qui révélera les noms des quatre finalistes le 28 octobre. Nathacha Appanah avait déjà été nommée pour le Goncourt des lycéens en 2016 et en 2019.

Julie Commarmond, une Mauricienne qui vit à Vancouver depuis un moment, anime des ateliers pour la promotion des relations saines auprès des jeunes. Elle a pu mettre la main sur le livre et ne tarit pas d’éloges sur celui-ci. «C’est un texte incandescent qui prend aux tripes. L’auteure entremêle son propre passé à celui de deux femmes assassinées par leur mari, Emma et Chahinez. Elle raconte l’emprise, l’isolement, la peur et la banalité insoutenable de la violence conjugale. Et c’est fait avec une justesse glaçante. Au-delà de secouer, c’est un livre qui donne voix à celles qui ont été réduites au silence. C’est une histoire qui éclaire ce que l’on préfère souvent taire. Ce sont des faits qui datent, pourtant dans nos journaux au quotidien, ils sont encore frais. Car la violence, elle, ne vieillit pas. Il est nécessaire de lire ce livre pour se rappeler qu’on ne peut pas parler d’amour quand la noirceur du cœur pousse au crime.»

«Dur, brutal, sensible aussi…»

Reshmee Bheemuck, PR Specialist, est aussi secouée : «C’est son livre qui m’a le plus bouleversée. Impossible de le lire d’une seule traite. J’ai souvent dû m’arrêter, souffler, puis reprendre. C’était une lecture lente. Je suis passée par toutes les émotions : colère, peine, peur, parfois même du dégoût (…). Ce roman ouvre les yeux. Il rappelle que certaines choses ne doivent jamais être acceptées. Que chaque femme mérite le respect. Il montre aussi comment certaines relations grignotent peu à peu ce qu’il y a de plus beau en nous. Mais ne nous effacent pas complètement. Une part de nous résiste toujours. Et quand on referme le livre, on pense à Maurice. Aux féminicides qui se répètent. Aux histoires qui se ressemblent trop. (…) Ce livre résonne comme un cri.»

Sa collègue Magali Kinzonzi, PR Manager, abonde dans ce sens : «Lire ce livre est une expérience bouleversante ; il nous entraîne dans l’intimité des trois femmes battues, en tissant leurs destins avec une justesse remarquable. L’un des récits est d’ailleurs inspiré de l’histoire de l’auteure, ce qui donne au livre une force encore plus saisissante. Ce qui m’a frappée, c’est la manière dont Nathacha Appanah parvient à donner une voix à celles que l’on réduit souvent au silence. Elle ne décrit pas seulement la violence, mais aussi la résilience, les failles et la dignité de ces femmes. Le récit est dur, parfois brutal, mais écrit avec une sensibilité qui le rend universel. On sent que derrière ces héroïnes se trouvent des réalités vécues par tant de femmes dans le monde (…). C’est un roman nécessaire, à la fois douloureux et lumineux, qui mérite sa place parmi les grandes œuvres contemporaines.»

Caroline, Julie, Reshmee et Magali ont eu une lecture mouvementée avec ce livre...

Plus tempérée, Caroline Allijean, PR and Content Executive dans une autre boîte, parle d’un livre qui «secoue quand même un peu (…)». «Les pages vont vite et frappent fort. On lit, on serre les dents, on pense à nos sœurs, nos amies, et à nous-mêmes par moment. C’est un livre utile qui montre ce qu’est l’emprise et comment la violence se cache derrière des gestes au départ banals. Nathacha Appanah nomme les choses. Elle explique le grooming, les signaux d’alerte, elle donne même des repères concrets. On peut trouver ça trop pédagogique (un peu trop), presque scolaire, et c’est vrai que parfois ça enlève un peu de souffle. Mais je peux comprendre que pour beaucoup de lectrices, ces mots sont un déclic, du moins, on l’espère ! Ce qui m’a manqué par contre, c’est la nuance. Les hommes sont présentés comme des monstres, les femmes comme des symboles. J’aurais voulu plus de zones grises. Mais même avec cette limite, le choc est réel. Et au final, c’est peut-être ça le but. Réveiller et non nuancer (…).»

On attend donc la suite avec le prix Goncourt 2025. Entre-temps, une autre auteure d’ici, l’incontournable Ananda Devi, a reçu le Prix Gide du Contemporain Capital le 4 septembre pour son œuvre littéraire. Le jury de ce prix littéraire dira qu’il a récompensé «une oeuvre dense et polyphonique, issue de l’île Maurice mais ouverte aux problèmes du monde (racisme, antisémitisme, questionnements identitaires, condition des femmes), donnant la parole aux invisibles et aux oubliés, écrite dans une langue poétique, mais où la beauté n’efface jamais ni la rage ni l’émerveillement».

Bref, la littérature mauricienne et féminine se porte très, très bien…

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