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Madagascar

Les jours après la révolte du 25 septembre

11 octobre 2025

«Pour moi, cette manifestation de la Gen Z est très utile si elle garde sa véritable raison d’être : la vie sociale, la corruption», nous confie le journaliste Manjato Razafy, en parlant de la crise qui secoue son pays.

Plusieurs jours après le renvoi de son gouvernement pour tenter de calmer la contestation ayant embrasé cette île particulièrement pauvre de l’océan Indien, le chef d’État a désigné comme Premier ministre un général de l’armée de terre, Ruphin Fortunat Dimbisoa Zafisambo.

Les tirs de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes résonnent toujours. L’atmosphère est toujours pesante et l’ambiance morose. Pourtant, deux semaines se sont écoulées depuis la révolte du 25 septembre à Madagascar. Le temps passe, défile, mais le malaise persiste dans la Grande Île.

Pour rappel, les manifestations à Antananarivo et aussi dans d’autres régions ont été déclenchées par des coupures fréquentes d’eau et d’électricité, principalement dans la capitale. Les jeunes du mouvement Gen Z Madagascar se sont mobilisés pour réclamer non seulement la fin de ces délestages, mais aussi des réformes plus larges, notamment la démission du président Andry Rajoelina, accusé de mauvaise gouvernance et de dérive autoritaire. Si la démarche se voulait pacifique, les choses ont vite pris une tournure violente, avec des affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre.

Selon les rapports, au moins 22 personnes ont perdu la vie et plus d’une centaine ont été blessées. Les forces de sécurité ont utilisé du gaz lacrymogène et des tirs à balles réelles pour disperser les manifestants. Face à la crise, le président Rajoelina a dissous son gouvernement et a promis de mettre en place un nouveau gouvernement qui travaillera pour le peuple. Cependant, plusieurs jours après les premiers heurts, les manifestants continuent de réclamer sa démission, estimant qu’il n’a pas pris suffisamment de mesures pour répondre à leurs revendications.

Les réactions internationales se sont vite succédé, appelant à la retenue et au dialogue, notamment de la part de la Communauté de développement d’Afrique australe et de l’Union africaine. Ce lundi 6 octobre, le président malgache a nommé un militaire Premier ministre dans le but de calmer les esprits et d’éteindre une crise politique qui dure, alors que les forces de sécurité continuent de disperser le millier de manifestants à Antananarivo, où les protestataires ne décolèrent pas, causant au moins un blessé.

Ce même lundi, des centaines d’étudiants malgaches ont participé à une nouvelle manifestation, rejoignant plusieurs autres rassemblements contestataires qui rythment l’île ces derniers temps et qui, d’une même voix, s’élèvent pour réclamer la démission du président Andry Rajoelina. Lors d’une allocution prononcée en direct sur Facebook, quelques jours plus tôt, soit le vendredi 3 octobre, le président Rajoelina a pointé du doigt «des pays ou des agences» qu’il accuse d’être à l’origine d’une cyberattaque ayant conduit «à une manipulation de masse de jeunes Malgaches dans le but de semer le chaos et de perpétrer un coup d’État».

«La répression»

Des manifestations ont continué à Antananarivo durant cette semaine.

Selon lui, l'objectif serait de s’approprier les richesses minières, «comme cela se passe déjà en Afrique». «Ce sont des robots et les forces des ténèbres qui nous dictent tout cela», a-t-il ajouté. Il a aussi invité au dialogue les jeunes de la Gen Z. Le mouvement, qui brandit l’argument d’une grève générale comme menace, a fait savoir durant la semaine écoulée, via un communiqué posté sur les réseaux sociaux, qu’il refusait l’invitation du président «tant que la répression continue (...). Nous refusons ce simulacre de dialogue. Nous refusons l’invitation du président à discuter. Nous ne dialoguerons pas avec un pouvoir qui réprime, violente et humilie la jeunesse dans les rues». Ainsi, durant la semaine écoulée, Andry Rajoelina, ignoré donc par la Gen Z, a reçu les doléances d'une partie de la population invitée au Palais d'État. À l'heure où nous mettions sous presse, il était sous le coup d'un ultimatum lancé par le mouvement des jeunes lui demandant notamment de démissionner.

Ce qui se passe à Madagascar, qui entrait, le lundi 6 octobre, dans son 12e jour de contestation, a plongé le pays dans une instabilité qui fait écho à d'autres manifestations du même genre ayant secoué des pays comme le Népal et les Philippines, où des jeunes connectés ont fait souffler des vents de révolte contre les inégalités pour réclamer des jours meilleurs dans leur pays.

Manjato Razafy, journaliste dans la Grande Île et ami de l'île Maurice, suit bien évidemment de très près cette chaude actualité qui secoue son pays. «Je suis profondément convaincu qu’il faut se battre pour améliorer la situation du pays. Coupures d’eau et d’électricité, routes en mauvais état, corruption généralisée, absence de politique environnementale, etc… Le gouvernement ne connaît pas les priorités d’un peuple déjà affamé, tandis que le président et ses partisans essaient de faire croire que tout va bien à travers des discours et des inaugurations d’infrastructures peu utiles. La colère des citoyens privés d’électricité pendant près de 18 heures par jour est tout à fait compréhensible», nous confie le journaliste, qui dit aspirer au changement.«Mais je suis contre l’idée que le président démissionne immédiatement. Il faut attendre qu’il termine son mandat dans trois ans, sinon cela pourrait provoquer une explosion sociale et une crise majeure. Je pense aussi que notre président subit des pressions de la part d’autres politiciens. C’est difficile de se débarrasser d’un Premier ministre en poste depuis sept ans, mais il l’a fait, et c’est déjà une grande victoire pour la Gen Z d’après moi. Pour moi, cette manifestation est très utile si elle garde sa véritable raison d’être : la vie sociale, la corruption. Mais ensuite, elle est devenue politique. C’est devenu une manifestation entachée. Si j’étais à la place de la Gen Z, j’opterais pour une pression constante sur l’État pour qu’il change de stratégie et réponde aux revendications du peuple le plus vite possible. Je pense que nous ne méritons pas une nouvelle crise, mais plutôt un véritable changement, qui demande du temps et de la patience.»

En attendant, les tirs de grenades assourdissantes et de gaz lacrymogènes ont continué à résonner ces derniers jours…

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