L’état du bassin des fameux nénuphars intrigue les touristes.
Des arbres coupés offrant un spectacle désolant.
Un bassin magnifique, coloré et vivant… C’était le cas il y a encore quelques mois. Désormais, ce lieu où on trouvait de merveilleux lotus a perdu de sa magie.
Son image se craquèle. Comme les ruelles isolées et éloignées de celles habituellement fréquentées et dont l’asphalte subit les affres du temps. Le beau de Pamplemousses a pris un coup de vieux, un coup de maladie, un coup de négligence (voir hors-texte). Le jardin botanique s’essouffle un peu. Néanmoins, malgré la récente détérioration de ce patrimoine mauricien, il émane de cet écrin vert une tranquillité centenaire et une beauté sans âge. Celle de la nature, tout simplement. On y respire, on y vit. Mais on y est également surpris…
Surpris en s’approchant du célèbre bassin des nénuphars. Le même qui s’étale sur les cartes postales et fait rêver les touristes. Cette oasis de fraîcheur où s’élèvent d’habitude de délicates fleurs blanches, bleues ou roses dont les pétales capturent les rayons du soleil et s’offrent, en toute beauté, à l’œil du promeneur. Désormais, c’est un promeneur déçu et attristé qui s’arrête devant ce point d’eau artificiel, sans vie, recouvert d’un film opaque dont il est difficile de définir l’origine. Quelques nénuphars abîmés vivotent à la surface de l’eau, deux lotus tentent de faire revivre la magie… En vain.
En ce début d’après-midi du mercredi 10 octobre, un groupe de touristes français suit un guide mauricien. Difficile pour ce dernier de ne pas faire une halte devant le bassin. Difficile aussi pour lui d’expliquer ce qui s’y est passé et la provenance de l’eau mousseuse et verdâtre qui s’y échappe. Il se contente de résumer les explications fournies – et disponibles sur des panneaux – par la direction du jardin Sir Seewoosagur Ramgoolam où on peut lire, d’ailleurs : «Due to adverse climatic conditions prevailing these days, visitors are hereby informed that the Nenuphar aquatic plant, which is an annual tropical plant, is not looking healthy (…)»
Aucune mention n’est faite des escargots ravageurs qui ont attaqué pendant des mois ces merveilles de la nature, sans prompte réaction de la direction. À en croire le communiqué, les nénuphars sont au top de leur forme uniquement en été. Cette explication ne convainc pas du tout un visiteur régulier du jardin et habitant de Pamplemousses : «C’est la première année que ça arrive. Bizarre, non ?» Les touristes eux, sont déçus. «Il s’agit d’un beau jardin mais pour le prix on s’attendait à être émerveillés par les nénuphars et les lotus. Il faudrait prévenir avant qu’on paye que ce ne sera pas le cas», confie une visiteuse normande.
Quelques Mauriciens discutent aussi. Ils s’occupent, non loin de là, de la mise en place des échoppes d’une foire dans le cadre du World Food Day qui se tient ce week-end au cœur du jardin. Et il suffit de suivre la conversation animée pour comprendre que l’état du bassin ne laisse pas indifférent. «Trouvé kitsoz pa normal», lance l’un deux. «Sé pa ene dilo prop», rétorque un autre. Le soleil se cache derrière un nuage gris et la luminosité du lieu s’efface l’espace d’un instant. Un corbeau croasse et rend encore plus sinistre l’instant. On le comprend vite, ce coin du jardin est en deuil.
Un peu plus loin, on découvre des sacs remplis de feuilles mortes, laissés là comme s’ils étaient un élément naturel du paysage. Mais aussi un endroit triste où des dizaines d’arbres ont été coupés, des bassins artificiels oubliés et un support de panneaux (indiquant le nom des ruelles)… sans panneau ! Mais les changements ne sont pas que négatifs au jardin. Au gré d’une balade, on peut y découvrir un nouveau pont, servant à faciliter la promenade et des golf carts, disponibles pour la location, permettant une visite motorisée du jardin.
Malgré ces «améliorations», le beau de Pamplemousses souffre… Derrière sa façade verte, belle et sereine, son image se craquèle.
Au secours
- Mauvaise gestion. Absence de prise de décisions. Manque de personnel qualifié. Ce serait les trois raisons à l’origine de la détérioration de l’état du jardin de Pamplemousses. Elles auraient également poussé le Conseil des ministres à limoger le Chief Executive Officer, Chetanand Ramgoolam, pour le remplacer par un spécialiste du ministère de l’Agro-industrie, et à mettre en place un task force afin de redonner au jardin sa splendeur.
- Si la réaction des autorités a pris un peu de temps, désormais il semblerait qu’elles prennent au sérieux la menace qui pèse sur cet écrin de verdure. D’ailleurs, des mesures ont déjà été prises pour une analyse de la situation afin que des décisions soient entérinées et des solutions trouvées. Mieux vaut tard que jamais, dit-on.
- Dans leur travail de terrain, ils pourront se baser sur les travaux du biologiste belge, Hari Verlaet, qui a soumis un rapport complet aux autorités sur le sujet. L’homme a énuméré les problèmes qui menaçaient le jardin : la pollution, la mauvaise gestion des ressources et le manque de personnel qualifié, entre autres. Néanmoins, le spécialiste qui s’est lancé dans ces recherches à titre personnel n’a encore eu aucun retour des autorités.
- Il y a quelques jours, c’est la plateforme citoyenne, le Forum des citoyens libres, menée par Georges Ah-Yan qui a manifesté devant l’entrée du SSR Botanical Garden pour réclamer la révocation du conseil d’administration du jardin. Un seul mot d’ordre : «Sov nu Jardin Pamplemousses».