Être père et mère, chéri et chérie, sans être mari et femme, c’est possible. Anielle Jelllin et Ludovic Boodhoo, ici avec leurs deux filles, le prouvent.
Pour certains couples, le mariage n’est pas nécessaire à leur épanouissement.
Ils vivent en concubinage depuis plusieurs années et construisent ensemble leur vie, comme ceux qui se marient !
onze ans. C’est le nombre d’années que le couple formé par Anielle Jellin et Ludovic Boodhoo a à son compteur. Onze ans de vie à deux, avec ses coups durs et ses galères, mais aussi avec ses moments de bonheur et son cheminement. Comme tous les hommes et les femmes qui ont décidé de construire une vie à deux, d’ailleurs. Pourtant les deux jeunes, tous les deux âgés de 27 ans, ne se sont jamais dit «oui», ni au bureau de l’état civil, ni devant un prêtre. Ils ont, tout simplement, choisi de vivre ensemble, sans contrat – mais pas sans responsabilités et contraintes ! – pour le meilleur, en espérant que le «pire» soit en option.
Anielle et Ludovic vivent en union libre. Et les Mauriciens sont de plus en plus nombreux à décider que le mariage n’est pas fait pour eux (ce qui ne veut pas dire qu’ils ne se mettent pas en couple ou ne font pas d’enfants !). Selon le dernier rapport de Statistics Mauritius, les mariages ont connu une baisse de 6, 5 % en un an. Signer le registre de l’état, changer son statut marital, recevoir sa famille et ses proches pour une réception après une cérémonie religieuse… Il ne s’agit plus d’étapes essentielles pour l’épanouissement d’un couple. De nombreux jeunes – et moins jeunes – décident de prendre leur envol sans tout le cérémonial.
Et c’est lorsqu’Anielle est tombée enceinte de leurs jumelles que les familles respectives des tourtereaux ont parlé mariage. «Ils nous ont conseillé de nous marier civilement, nous avons refusé. C’est la dernière fois que nous avons abordé le sujet», confie la jeune femme. Et entre Ludovic et elle, pas besoin d’un morceau de papier ou d’un serment pour s’assurer que leur engagement est durable : «Tant qu’on est ensemble, on est ensemble. C’est ça le plus important.» Pas de «pression», ils forment un couple parce qu’ils en ont «envie» : «Je n’aime pas l’idée d’être obligée d’être avec quelqu’un.»
Libre dans sa tête, mais pas dans son cœur, la jeune femme veut pouvoir s’en aller quand elle le souhaite. Tout simplement : «Avec le divorce, il faut se battre, ça coûte cher. Si j’ai envie de partir un jour, je peux le faire. Alors comme on ne connaît jamais parfaitement une personne, je ne veux pas m’engager à travers un mariage civil.» Peur de l’engagement ? Pas tout à fait. Car même sans contrat, c’est ensemble qu’Anielle et Ludovic construisent leur avenir et vivent au quotidien : «Comme tout le monde, nous avons des compromis et des concessions à faire.»
«Tellement bien…»
Cette «impression» de liberté cimente au contraire leur couple. Faire tous les jours, le choix de vivre avec quelqu’un, c’est une façon légèrement différente de voir les choses. Danny et Lutchmee le savent parfaitement. Cela va bientôt faire huit ans qu’ils vivent ensemble. Le mariage, ils y pensent. De temps en temps. «On est tellement bien ainsi. Pourquoi changer ?», se demande le jeune homme.
Bien sûr, ils l’avouent tous les deux, ils rêvaient d’un beau wedding… jusqu’au moment où leurs familles respectives ont décidé de leur faire comprendre qu’elles n’approuvaient pas leur relation. «Nous sommes de religions différentes. Alors, nous avons pris la décision de couper les ponts afin de vivre ensemble», confie Lutchmee.
Oublié le mariage grandiose et romantique, c’est dans un petit appartement qu’ils ont commencé leur vie à deux. «Nous étions heureux. Nous le sommes toujours», ajoute-t-elle. Beaucoup de choses ont changé ces dernières années : l’appart minable s’est transformé en maison, les parents ne sont plus aussi révoltés par ce couple atypique et la fougue des débuts s’est muée en une véritable complicité. L’envie d’un beau mariage s’est, elle, envolée : «Je ne sais pas pourquoi. Peut-être qu’on est un peu superstitieux, on a peur que ça casse tout entre nous.» Et ce n’est pas l’idée du beau sari à mettre, du maquillage et des bijoux qui vont lui faire changer d’avis.
Vivre ensemble, sans se dire «oui», est parfois envisagé uniquement comme une étape. Mais parfois cette situation «temporaire» devient permanente. «Faire une fête et inviter des gens qui ne croyaient pas en nous ? Je ne crois pas ! Si on doit se marier un jour, on le fera en toute discrétion», poursuit Danny. Convoler en justes noces, il n’écarte pas définitivement cette possibilité : «Peut-être quand on aura 60 ans.»
Pour l’instant, lui et sa «bonefam» vivent tout simplement à deux dans le respect de l’autre. «Vivre en union libre n’équivaut pas à être libre ! Nous sommes fidèles et nous avons pris la décision de continuer notre route ensemble», précise le jeune homme qui ne comprend pas que de nombreuses personnes estiment que le concubinage équivaut au libertinage ! Charlène balaie, elle, les commentaires qu’elle entend parfois d’un revers… d’humour : «Et ceux qui divorcent au bout d’un an de mariage ? Ou ceux qui n’arrêtent pas de tromper l’autre même s’ils ont signé un contrat ?»
À 38 ans, cette pétillante jeune femme vit avec un homme depuis cinq ans. Ils sont tous les deux divorcés et parents. «Ne me parlez plus de mariage !», lance-t-elle moitié sérieuse, moitié moqueuse. Après l’échec de leurs histoires précédentes, les deux amoureux ont décidé de construire différemment leur nouveau couple : «Et ça nous réussit pour l’instant.» Alors, ils sont prêts à apprécier, ensemble, les moments de bonheur et les coups durs… sans se dire un «oui» traditionnel.
Et la loi ?
Attention ! Le concubinage n’a pas de cadre légal comme le mariage. Le concubin/la concubine n’est pas reconnu/e comme mari/femme par la loi. Au moment de la séparation, le partage des biens achetés ensemble, la garde des enfants, entre autres, peuvent s’avérer très compliqués. Au moment du décès d’un des deux compagnons, également. Alors, il est nécessaire de toujours prévoir ces situations dans la mesure du possible. Faire les achats importants à deux (avec preuve écrite), laisser un testament, entre autres.