La salle des fêtes de l’hôtel de ville de Curepipe a connu une tout autre ambiance, cette semaine.
Le ministère du Tourisme veut faire revivre l’ambiance des rencontres dansantes de nos grands-parents. Incursion dans la première édition de ce festival…
Des étoiles plein les yeux. Et le pas léger et assuré. Rosemay tournoie, en faisant voleter sa large jupe fuchsia. Les rayons de soleil qui s’invitent à travers les portes entrouvertes de la salle des fêtes semblent prisonniers des paillettes dorées de son haut d’un autre temps. Un sourire aux lèvres, la grand-mère, âgée de 80 ans, s’éclate sur la chanson It’s now or never d’Elvis Presley. Oubliés la douleur aux hanches, les chaussures orthopédiques et le début de surdité –après tout la musique est assez forte ! –, elle danse, tout simplement. Et dans sa tête se bousculent les souvenirs. Il ne suffit alors que de quelques notes pour que son cœur batte au même rythme, en diapason avec la mélodie, que celui de la jeune femme qu’elle a été.
Et c’est pour faire revivre l’ambiance particulière des bals qu’ont connus nos grands-parents que le ministère du Tourisme a lancé, ce jeudi 19 juillet, l’initiative «Bal d’antan». C’est à la salle des fêtes de la municipalité de Curepipe que la première édition de ce festival de danses s’est tenue. Environ 500 personnes, venant d’associations du troisième âge de la Ville-Lumière, étaient présentes. Bientôt, c’est à travers toute l’île que se tiendront ces rendez-vous musicaux qui font bouger les amateurs de danse sur le tango, la quadrille, la java, la valse, le séga et les chansons en bhojpuri, entre autres. La prochaine ville à accueillir cette initiative sera Beau-Bassin/Rose-Hill dans trois mois.
Dans trois mois, Rosemay ne sait pas exactement où elle sera donc, pour le moment elle profite de l’instant et s’évade dans ses souvenirs. «Je me maquillais, je mettais des bas et des talons hauts et je venais, avec mes frères, aux bals qui se tenaient ici», confie-telle, alors qu’elle prend une petite pause et un rafraîchissement.
L’homme, une denrée rare
Quelques minutes de répit avant de se laisser tenter par l’invitation d’un homme d’un certain âge, fringant dans son costume trois-pièces et son chapeau assorti. Ensemble, ils enchaînent les pas sur une musique entraînante des Shadows aussi vieille que leurs souvenirs.
À ce bal d’antan, l’homme est une denrée rare, donc très sollicité. Alors pas de minutes de repos pour Jacques qui enchaîne les duos sur la piste de danse et fait crisser ses chaussures vernies sur le parquet en bois massif de la salle des fêtes. Un peu à bout de souffle, il lance, entre deux partenaires : «Quand j’étais jeune, je n’avais pas autant de succès.» Il se rappelle être tombé amoureux d’une belle jeune femme au regard de braise qu’il avait aperçue à un bal qui avait lieu dans une petite salle en tôle, il y a de nombreuses années. «Je n’ai pas osé lui parler», explique-t-il, un peu nostalgique.
It’s now or never, Spanish eyes, Une nuit de Carnaval, Give me your heart tonight… Les tubes s’enchaînent et la piste de danse affiche complet. On danse le tango et le twist et la valse. Et c’est dans un tourbillon multicolore, grâce aux tenues très colorées de ces dames, que les femmes arpentent la grande salle aux lustres imposants. Seules ou avec une de leurs amies, un de leurs petits-enfants ou une de leurs filles, elles profitent du moment, tout simplement.
Le monde moderne, celui d’Internet, celui des jeunes, semble ne plus exister au-delà de cette salle des fêtes… Jusqu’au moment où retentit le tube Bane, suivi d’un pot-pourri, très actuel, de ségas qui datent un peu. Et là, les mamies et les papys n’échappent pas à l’appel des déhanchés endiablés, aux tentatives de «emba, emba !» et au plaisir de «lev la main la o». Et dans ce registre, Marie-Michèle Leprodoun est la star du… dancehall. «Je suis heureuse», lance-t-elle.
Et dans ses yeux qui scintillent, on peut deviner un certain bonheur. Car, la musique la transporte dans un monde magique qui renferme ses plus beaux souvenirs…