Jean Claude de l’Estrac en compagnie du capitaine de frégate Mamy Rakotomanga.
Ce patrouilleur va sillonner les eaux territoriales de Maurice, des Comores, de La Réunion et des Seychelles pour s’assurer que rien d’illégal ne s’y passe jusqu’au 20 décembre. Le temps d’une escale, nous y avons fait un tour…
La mer est calme. Pour le marin. Mais pour les habitués du plancher des vaches, elle s’apparente à une masse d’eau bleu foncé en furie. Pourtant, de loin, à Bois-des-Amourettes, avant d’avoir pris le Zodiac pour rejoindre l’Atsantsa, il n’avait pas l’air si effrayant cet océan qui se mêle, à l’horizon, au bleu pâle de cette matinée d’été. Mais, alors que le canot pneumatique se lance dans une danse endiablée (un tango, même) avec les vagues, à une quinzaine de minutes en speed boat de la côte, il semble difficile d’attraper une échelle et de grimper à bord de ce patrouilleur qui sillonne les mers de l’océan Indien afin de traquer les pêcheurs illégaux dans le cadre des programmes de la Commission de l’océan Indien (COI), le plan régional de surveillance des pêches dans le sud-ouest de l’océan Indien et le Smartfish Programme.
Mais, si monter sur l’Atsantsa est périlleux, ce n’est pas impossible, bien évidemment. D’ailleurs, le plus dur, au final, n’est pas d’y monter. Mais d’y rester. Ah ! Mal de mer, quand tu nous tiens ! Néanmoins, les membres du personnel à bord, eux, sont à l’aise... comme des poissons dans l’eau. Que le bateau tangue, encore et encore, ça ne les dérange absolument pas ! En ce jeudi 12 décembre, ça fait déjà quelques jours que l’équipage – composé principalement de Malgaches – est en mission. Objectif : s’assurer que les eaux territoriales de Maurice, des Comores, de La Réunion, des Seychelles sont sécurisées.
Pas de pêche illégale, pas de pollution, pas de piraterie… Ils vont sillonner les mers jusqu’au 20 décembre et traquer les «méchants» (ils sont armés pour les missions difficiles, notamment face aux pirates somaliens). Ensuite une autre équipe prendra la relève. «Ou alors elle s’apprêtera à prendre la mer», confie Xavier Nicolas, le coordonateur technique pour le plan régional de surveillance des pêches dans le sud-ouest de l’océan Indien, financé par l’Union européenne. Depuis le lancement de cette coopération de sécurité maritime entre les îles, il y a toujours un bateau sur l’océan (la COI peut compter sur des navires militaires et quatre patrouilleurs dont l’Atsantsa qui a été construit en 2007 à Maurice).
Il faut monter deux séries de marches raides pour accéder à la cabine de commandement. C’est là, avec une vue panoramique sur le sud-est de l’île, que les décisions se prennent et que les manœuvres sont enclenchées : «Les radars permettent de faire la chasse aux contrevenants et d’établir une route de chasse. Il faut toujours prévoir la trajectoire du bateau que l’on souhaite appréhender afin de pouvoir le rejoindre à un point donné. Le travail se fait sur une échelle de quatre à cinq heures.»
Eh oui ! Sur l’eau, il faut du temps avant de pouvoir s’approcher d’un navire qui serait en train de commettre une offense. Il est, donc, nécessaire d’avoir du flair afin d’anticiper : «C’est pour cela que, sur ces bateaux, il y a des marins mais aussi des civils qui ont de l’expérience et peuvent donner des conseils.» Une fois que l’embarcation, qui serait en faute, est en vue, les inspecteurs y font des fouilles et dressent un procès-verbal, si c’est nécessaire. Ou alors, si l’infraction est plus importante, ils font appel aux services maritimes du pays où ils naviguent. Et tout se fait en coordination avec la COI. Une coopération entre les îles qui a fait ses preuves selon les responsables de ce programme. Une coopération nécessaire car la pêche est une ressource importante pour les pays membres de la COI.
Entre les missions, la vie est bien rôdée sur l’Atsantsa. Alors que le bateau se dirige vers l’Île des Deux Cocos. C’est dans le carré – le restaurant du patrouilleur – qu’une partie de l’équipage en poste en cette fin de matinée prend son repas. Comme dessert : des letchis de Madagascar ! D’autres se reposent dans des petites cabines, alors que certains sont sur le pont, où le soleil tape très fort, ou au travail dans la salle des machines où une forte odeur de fioul est presque intolérable. Pour atteindre les différents niveaux, il faut pouvoir s’accrocher. Les escaliers sont comme des échelles et même si on ne voit plus le roulement des vagues, on le ressent très bien !
Plus d’une heure sur ce patrouilleur, qui a repris aussitôt sa route après notre départ, et le bonheur de retrouver la mer calme du lagon, puis la terre ferme, sont indescriptibles. Le pied marin n’est pas donné à tous !
Le secrétaire général de la COI à bord
Il s’est dit très attentif à ce projet. Jean Claude de l’Estrac, secrétaire général de la COI, a embarqué en fin de matinée afin de découvrir le patrouilleur. Il a déclaré dans son discours que de nombreux pays de la région dépendaient de la pêche et qu’il approuvait, donc, la mutualisation des ressources dans l’intérêt de tous. Il a estimé qu’il s’agissait d’une mission importante même si elle passe parfois inaperçue car elle se déroule en mer.
Soodesh Caussy Profession : inspecteur de pêches
Le Mauricien à bord, c’est lui. Et il fait partie du groupe d’inspecteurs de pêches – qui viennent des Seychelles et des Comores – qui se rendent sur les bateaux afin d’y faire des inspections. «Je suis attaché au ministère de la Pêche et je suis appelé à être un inspecteur mais aussi un observateur», confie l’homme qui habite Morcellement Saint André et qui officie, quand il est à terre, au centre de recherche d’Albion, dans le secteur de la conservation marine.
Son métier, il en parle avec passion. Les départs en mer, aussi. Il se sent bien sur un bateau. Et en mission, malgré les dangers : «En mer, les choses sont plus difficiles. Mais à mon avis, il faut agir avec respect et efficacité afin d’éviter les situations de crise.» La première fois qu’il a pris part à une mission de la COI, c’était en 2009. Depuis, il n’a pas arrêté : «Il faut avoir un mental d’acier et surtout éviter de tomber malade.»
Il sera de retour à Maurice le 22 décembre et aura tout juste le temps de mettre la main aux derniers préparatifs pour Noël et pour les festivités du Nouvel An : «Mo madam pe atann moi.»
Le «Regional Vessel Monitoring» pour bientôt
Une plateforme pour le partage d’informations géographiques maritimes pour les pays de la région ? Ce sera bientôt une réalité. «Tous ces pays ont des données, il suffit de les mettre en commun et de les communiquer pour une meilleure action sur le terrain», confie Xavier Nicolas.
Vous avez dit «Smart fish Programme» ?
Il s’agit d’une initiative de la COI en collaboration avec le COMESA et la East African Community. Au programme: promouvoir la pêche, la réglementer, former les pêcheurs et s’assurer que les populations concernées se tournent vers la consommation de poisson. Pour ce faire, plusieurs axes d’action sont mis en place notamment le développement de stratégies afin de diminuer les coûts et augmenter la productivité, tout en assurant des emplois et en préservant l’environnement, l’harmonisation des standards régionaux et la mise en commun des savoirs et des ressources, entre autres.