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Par Michaëlla Seblin
17 décembre 2018 12:19
Faut-il s’étonner de l’échec du vote, plutôt attendu, sur la réforme électorale ? Faut-il exprimer sa surprise alors que le projet de loi rejoint les tiroirs et sombrera bientôt dans l’oubli, avant d’être éventuellement sauvé par une hypothétique alliance orange-mauve, ou enterré à jamais ? Pourtant, à écouter les leaders, tous se montrent, depuis de longues années, en faveur d’une réforme électorale. Du reste, dans combien de manifestes électoraux ne nous l’a-t-on pas promise ?
À combien de discussions, de rapports, d’échanges, n’a-t-on pas assisté autour de cette thématique ? Pour que finalement, l’exercice de 2018 – après avoir provoqué, certes, des débats passionnants venant non seulement des politiques mais aussi des citoyens engagés qui, souvent, avaient un meilleur discernement – ne se résume qu’à un acte manqué. Face à cette défaite, deux lectures s’imposent. (i) Que le gouvernement savait pertinemment qu’il n’allait pas obtenir le nombre de trois quarts des voix mais qu’il a persisté dans sa démarche pour se donner bonne figure devant les Nations unies, eu égard à la plainte de Rezistans ek Alternativ. (ii) Que le MSM croyait, à tort, pouvoir convaincre le MMM, seul parti qui aurait pu fléchir sa posture si le gouvernement avait revu certaines propositions. Mais il n’en fut rien.
Au final, donc, le résultat reste inchangé. Et nous voilà, 50 ans après l’Indépendance, back to square one, avec notre actuel système qui continuera à ne pas refléter l’image réelle des votes. Vive les injustices que nous ne cesserons de nourrir ! Et dire qu’il y avait là une occasion pour Pravind Jugnauth, s’il voulait se singulariser d’autres leaders, d’anciens Premiers ministres et de précédents gouvernements. Pas en imposant une réforme portant uniquement le sceau orange comme il l’envisageait, quitte à foncer tête baissée dans le mur de ses incohérences.
Non, le moment était opportun pour le Premier ministre, s’il voulait faire preuve de hauteur, d’ouverture d’esprit et s’il avait compris que la réforme électorale doit être placée au-dessus des considérations politiques. C’est le leader du MMM qui, à la fin de son discours mardi dernier, exprimait son souhait de voir un prochain gouvernement instituer un select committee sur la réforme électorale, réunissant membres de la majorité et de l’opposition. Un commentaire qui signe l’acte de décès de la réforme électorale, morte sans avoir vu le jour mauricien. C’est dire à quel point une table ronde en amont, avec des représentants de partis politiques, tous bords confondus, aurait contribué à ce débat.
Certes, le gouvernement dira qu’il avait lancé un appel, qu’il avait demandé des propositions concrètes et bla-bla-bla… Sauf que cet appel a été fait après la présentation de son projet, alors que c’est un débat lors du texte préparatoire qui aurait été enrichissant, sinon pertinent. Une mise en commun aurait contribué à dégager un consensus, à écouter les différents courants et opinions, à rassurer les indécis. Une intelligence collective aurait aidé à corriger certaines contradictions de ce projet de loi, qui, s’il avait été revu, aurait peut-être séduit une majorité de citoyens avant de faire son chemin à l’Assemblée nationale.
Doit-on une nouvelle fois souligner l’évidence et rappeler qu’il y a de ces questions d’intérêt national qui méritent d’être placées au-dessus de tout, pour favoriser des discussions entre politiques, indépendamment de leur couleur ? Faut-il rappeler que nous tous, gouvernement, opposition, groupes de personnes, esprits indépendants, citoyens engagés, caressons parfois juste un objectif commun, celui de faire avancer notre pays ? Y avait-il meilleure démonstration qu’un dialogue citoyen pour une démocratie participative autour de la réforme électorale ? Cette incapacité à quitter le manteau partisan respectif, cette impossibilité des parlementaires à discuter ensemble sur un sujet aussi vital que notre système électoral, cette continuité de chaque équipe du gouvernement du jour d’imposer sa vision des choses, donnent l’image d’un pays encore et toujours emprisonné par la petitesse d’esprit des politiques incapables de s’élever.
Et encore un rendez-vous raté, allongeant la liste de nos actes manqués !
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