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Reade Boodhoo, 74 ans, tué par son neveu toxicomane sur fond de vol

Son entourage : «Boukou krim pe arive akoz ladrog, li inakseptab»

18 mai 2025

Naadir s'en est pris à son oncle pour l'empêcher de le dénoncer pour vol.

Il est rentré au pays le dimanche 11 mai après un séjour d’un mois en France à l’occasion du mariage de son fils, mais le lendemain matin, Reade Boodhoo, 74 ans, a été retrouvé mort à son domicile, à Plaine-Verte, un meurtre maquillé en mort naturelle. L’auteur de ce crime, qui a pour toile de fond une histoire de vol, n’est nul autre que son neveu Naadir, 21 ans, accro à la drogue. Choqués, consternés et bouleversés, des membres de son entourage témoignent.

Il y a encore quelque temps, il était un jeune homme brillant, ambitieux, promis à un bel avenir. Un écart, une mauvaise décision et c’est toute sa vie qui a pris un autre tournant, le plongeant dans les abysses de l’addiction à une vitesse effrayante, jusqu’à ce qu’il touche complètement le fond. Engouffré dans l’enfer de la drogue, Naadir, 21 ans, aura fini par commettre l’irréparable et se retrouve aujourd’hui derrière les barreaux pour le meurtre de son oncle Reade Boodhoo, 74 ans. Ce dernier, apprend-on, aurait voulu le dénoncer à la police après un vol d’argent. Une vive altercation aurait éclaté entre les deux, et le jeune homme l’aurait étouffé et tenté de maquiller le crime en mort naturelle. Une autopsie aura cependant écarté cette thèse et confirmé l’acte criminel.

Le septuagénaire, avancent ses proches, était rentré au pays vers 15 heures, le dimanche 11 mai, après un séjour d’un mois en France à l’occasion du mariage de son fils. Après avoir récupéré les clés de sa maison chez sa sœur, cet habitant de Plaine-Verte, un commissaire-priseur très connu dans sa localité, est rentré chez lui, à la rue la Paix, pour y déposer ses valises. C’est le lendemain matin que la triste découverte a été faite. Tôt dans la matinée, ce lundi 12 mai, des membres de son entourage sont allés lui rendre visite et l’ont retrouvé inerte, allongé sur le dos sur son canapé, les pieds posés sur une chaise. «Kan nounn trouv li lor sofa, nou ti krwar li pe dormi. Nou pa ti remark okenn tras lor so lekor», avance un membre de la famille. Sans compter qu’un tensiomètre et des médicaments étaient posés à côté de lui. Ils étaient donc convaincus qu’il avait succombé à la maladie et qu’il avait poussé son dernier soupir durant son sommeil, comme tel fut le cas pour d’autres membres de sa famille. Sollicité, c’est un médecin privé qui est venu confirmer son décès.

La famille Boodhoo s’apprêtait déjà à organiser les funérailles de leur proche, mais ils ont finalement choisi de s’en remettre aux autorités après une conversation téléphonique avec le fils de la victime. «Il refusait de croire à une mort naturelle. Li ti pe dir li pa kapav inn mor koumsa. Il disait que son père était en bonne santé et qu’il faudrait qu’on alerte la police», indique notre interlocuteur. Le corps a ainsi été transféré à la morgue de l’hôpital Dr A. G. Jeetoo et le même jour, une autopsie a été pratiquée par la Dr Shaila Prasad-Jankee, médecin légiste de la police. L’exercice a révélé que les soupçons du fils de la victime se sont avérés justes. Le décès de Reade Boodhoo ayant été attribué à une asphyxia by smothering, la thèse de l’acte criminel a été confirmée. Des traces de blessures ont également été décelées sur certaines parties de son corps.

Possession de drogue

L’enquête, menée par les limiers de la Major Crime Investigation Team (MCIT), s’est vite orientée vers la thèse d’un vol ayant mal tourné. Pour cause, une grosse somme d’argent en euros aurait disparu de chez le défunt. Les soupçons des limiers se sont donc portés sur son neveu Naadir, un toxicomane ayant eu des démêlés avec la justice le mois précédent après avoir été trouvé en possession de drogue. Le fait que ses proches soient restés sans nouvelles de lui après l’annonce du décès du septuagénaire l’a rendu d’autant plus suspect. Après que les enquêteurs ont découvert la sacoche du septuagénaire chez le jeune homme, celui-ci a été appréhendé. Il a comparu devant le tribunal sous une accusation provisoire de meurtre avant d’être placé en détention policière. Soumis à un feu roulant de questions, Naadir aura, dans un premier temps, nié toute implication avant de faire valoir son droit au silence. Il a cependant fini par cracher le morceau et a avancé qu’il s’en était pris à la victime parce que celle-ci comptait le dénoncer à la police pour vol. Il a été reconduit sur la scène de crime sous forte escorte policière ce vendredi 16 mai pour un exercice de reconstitution des faits.

Sur les réseaux sociaux, tous ceux qui connaissent Naadir n’en reviennent pas que le jeune homme, qui vient pourtant de «such a sweet family», ait pu commettre un acte si odieux. «Ti enn kamarad kolez sa. Bien bon garson ek gran leker ousi. Get kot ladrog inn amenn li», peut-on lire. «Gagn pa krwar ar sa news-la. Bann seki konn li pa pou krwar linn fer enn zafer koumsa. Ladrog-la pa fasil sa», ont commenté ses connaissances, visiblement consternés. D’autres avancent que «dernieman li ti marye tou, li ti korek, li ti sanz so lavi, enn sel kout so lespri inn revire». Doublement bouleversés, les membres de la famille Boodhoo se disent «sous le choc. Nous ne comprenons pas ce qui a pu se passer». Le septuagénaire, qui était veuf, «était toujours très prudent, fermait ses portes à clé». Ses enfants sont rentrés de l’étranger ce mardi 13 mai pour les funérailles, qui se sont tenues dans la soirée. Son entourage a souhaité lancer un appel aux autorités : «Boukou zenes, dan tou landrwa, pe tom dan ladrog sintetik. Boukou krim pe arive akoz ladrog, li inakseptab. Pa kapav perdi enn fami koumsa. Finn ariv ler pou pran bann sanksion sever kont zot.»

Parmi ceux que cette tragédie afflige, il y a également l’activiste Raouf Khodabaccus, qui connaissait très bien la victime. Dans une vidéo live, partagée sur sa page Facebook, il lâche, ému : «Se mo vwazin pros, enn kamarad ki frekant mwa preske toulezour. (…) Li ti enn arkanter, li dernie viktim ladrog. Li pa possib ki nou kontinie rest trankil. Azordi fami inn brize, partou koumsa dan Moris. Ladrog pe detrir bann relasion familial. Linsekirite akoz ladrog finn prevalwar dan sa pei-la». Il relate qu’il y a quelques mois, Reade Boodhoo aurait été victime d’un vol. «Li ti dir mwa de laptop inn perdi. Mo ti dir li, bhai Reade, lot kou kan voler pou rant kot ou zot pou touy ou.» Il s’interroge : «Eski zordi nou bizin pran nou prekosion par nou mem? Eski bann lotorite pe kapav asir nou sekirite dan nou lakaz ?» Il avance que «tou gouvernman kinn vini zot dir zot pe konbat ladrog, me azordi sitiasion ladrog pe anpire. Ladrog pe touye, bann droge pe touye (…)». Il lance un appel au gouvernement pour amender la Constitution et souhaite «qu’un signal fort soit donné. Il est temps de décréter l’état d’urgence sur la drogue à Maurice».

La ministre Arianne Navarre-Marie : «L’urgence d’agir, de protéger et d’accompagner…»

Cette semaine, les autorités ont enregistré deux cas où des consommateurs de drogue ont ôté la vie à un membre de leur famille. Pour la ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille, Arianne Navarre-Marie, «c’est triste et malheureux que ce fléau entraîne de telles situations. Ces drames nous rappellent avec violence l’urgence d’agir, l’urgence de protéger, l’urgence d’accompagner». Elle nous explique que c’est la raison pour laquelle son ministère a mis sur pied un plan d’action reposant sur trois axes fondamentaux. La première implique la prévention et la sensibilisation. «Nous renforcerons les programmes d’éducation et de prévention afin que chaque jeune, chaque parent, chaque citoyen soit conscient des ravages de la drogue et des solutions qui existent. Nos centres sociaux et communautaires seront réactivés, proposant des ateliers, des espaces de parole et des rencontres avec des experts pour informer et sensibiliser.» La seconde concerne la prise en charge et l’accompagnement. «Nous devons accueillir et soutenir ceux qui souffrent. C’est pourquoi une nouvelle agence dédiée à la lutte contre la drogue verra le jour, avec une approche globale intégrant le suivi médical, psychologique et social. Les familles qui traversent ces épreuves pourront trouver des repères, des conseils, une aide concrète.» Enfin, la troisième vise la restauration du lien familial et social. «La drogue isole, détruit les relations, brise les familles. Notre mission est de reconstruire ces liens en offrant des espaces de réconciliation, des programmes de soutien familial et des activités qui permettent aux familles de retrouver le plaisir d’être ensemble. Maurice ne peut se résigner à voir ses familles souffrir. Nous avons un devoir de protection, un devoir d’action, un devoir de donner de l’espoir.» En parallèle, elle invite tous ceux qui se sentent en détresse à composer le 139, le service d’assistance de la Family Welfare and Protection Unit.

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