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Football : les dessous des transferts

15 août 2020

Emmanuel Vincent (en rouge) intéresserait GRSE Wanderers mais coûterait Rs 240,000.

De Rs 25 000 à Rs 75 000. Voilà ce que peut coûter un footballeur mauricien lorsqu’il change de club sur notre sol. Un chiffre qui n’a rien à voir avec les millions d’euros qu’on a l’habitude d’entendre dans les médias aux sujets de la valeur des stars du ballon rond sur le marché des transferts. Celui-ci est ouvert chez nous depuis le 1er août pour prendre fin le 30 septembre, et on note quelques spéculations ci et là, et aussi quelques signatures (voir plus loin).

 

La réalité mauricienne étant ce qu’elle est avec le sport roi qui est au fond du gouffre avec une absence de résultat et un désintérêt de la population qui trouve son plaisir ailleurs. Le football mauricien ne fait pas recette depuis des décennies, et on est très loin des agitations médiatiques du vieux continent. Cependant, l’argent reste un des facteurs clés dans les négociations lors des transferts des joueurs, comme pour Damien Balisson (voir plus loin), même si le sujet reste tabou.

 

De bouche à oreille nous avons pu comprendre comme cela se passe à Maurice pour recruter un footballeur mauricien. Les indemnités de transfert sont plus modestes, contrairement à celles en Europe mais elles sont élevées voire exagérées pour la réalité mauricienne. Normalement, ce sont les clubs qui discutent de cette somme si l’un d’eux est intéressé à recruter un joueur. Mais dans la pratique, il y a beaucoup de joueurs qui font le premier pas pour entamer par eux-mêmes les négociations avec les clubs qui désirent les recruter. Cela s’explique par le fait que notre pays est petit et que tout le monde connaît tout le monde.

 

«Les joueurs mauriciens n’ont pas besoin d’agent pour négocier pour eux. Certains sont très malins en faisant monter les enchères en faisant croire qu’ils sont courtisés par d’autres clubs afin de pouvoir bénéficier d’une révision de salaire. Bien souvent, ils nous informent qu’ils veulent jouer pour nous ou évoluer ailleurs. On essaie de trouver un terrain d’entente à travers des négociations avec l’autre club. Une fois qu’on tombe d’accord sur le montant de l’indemnité on procède avec les démarches administratives», nous explique le responsable d’une équipe bien en vue de la Super League.

 

Ce dernier explique qu’un footballeur mauricien peut coûter entre Rs 25 000 et Rs 75 000 et faute d’information, c’est difficile de dire le transfert le plus coûteux de Maurice. «Ces jours-ci des sommes plus conséquentes sont balancées pour décourager toute négociation, quand on sait que le budget d’un club de Super League tourne autour de Rs 3 millions. Ce sont évidemment les internationaux mauriciens qui coûtent le plus cher, parce qu’ils figurent parmi les meilleurs du pays. Ensuite, il faut voir ce qu’ils peuvent amener de plus au sein d’une équipe. Plus on est ambitieux pour remporter des titres plus on doit recruter les meilleurs», avance notre interlocuteur.

 

Un autre dirigeant nous révèle que les négociations peuvent devenir compliquées lorsque les clubs n’ont pas les mêmes affinités. Pour bien comprendre ses propos il faut savoir que ce sont les clubs nationaux qui composent le comité exécutif de la Mauritius Football Association (MFA), et cela pèse pour dessiner le paysage du football mauricien. «Actuellement une douzaine de clubs siège au sein de l’exécutif de la MFA et a développé des affinités entre eux. Forcément, les négociations seront plus faciles entre eux qu’avec des clubs qui sont en dehors de l’exécutif. Ces derniers voient toujours leurs meilleurs éléments être courtisés par ceux qui sont au pouvoir, en leur promettant une place avec le Club M et des voyages. Les ruses ne manquent pas pour affaiblir les équipes qui sont dans l’opposition», confie ce dirigeant qui a vu ses joueurs cadres filer vers d’autres cieux ou disparaître dans la nature à la veille de matchs importants.

 

Lors des négociations, le footballeur doit être assuré d’avoir un meilleur salaire (sans oublier d’autres primes à la discrétion des clubs) et parfois un emploi. Plusieurs footballeurs mauriciens, qui ont changé de clubs, reconnaissent que l’argent est un des facteurs qui influencent leurs destinations bien avant le challenge sportif. Mais remporter des coupes et pouvoir représenter leurs clubs en Coupe d’Afrique et un tremplin pour le Club M sont aussi considérés dans leurs choix.

 

«Le sport mauricien ne nous nourrit pas et ne peut pas nous garantir une retraite aisée. Le football n’est pas professionnel et on est forcé de se tourner vers des clubs qui peuvent nous payer bien. C’est aussi la loi du marché du travail où chaque employé recherche un meilleur salaire pour s’épanouir dans sa vie familiale. On a une famille à s’occuper et des enfants à faire grandir. Beaucoup d’entre nous doivent travailler en journée pour ensuite s’entraîner les après-midis, et la carrière d’un footballeur de haut niveau va jusqu’à environ 35 ans», explique un international mauricien qui a souhaité rester anonyme sous le sujet.

 

L’argent dans le football joue un rôle déterminant au-delà de la gloire et des voyages. Une fois les négociations terminées et un terrain d’entente trouvé entre les clubs concernés au sujet d’un transfert de joueur, c’est ensuite l’étape administrative. Une étape qui est régie désormais par la FIFA à travers le Transfert Market System (TMS) tant pour les transferts domestiques (DTMS) que pour la venue des footballeurs étrangers (ITMS).

 


 

Les premiers gros coups

 

Pas de temps à perdre. GRSE Wanderers a frappé fort durant la semaine en s’attachant les services de deux internationaux mauriciens, Adrien François et Marco Dorza, en provenance respectivement de Petite-Rivière-Noire FC et Cercle de Joachim. Deux renforts qui traduisent l’ambition de cette équipe à jouer une nouvelle fois les premiers rôles lors de la nouvelle saison, qui devrait démarrer en novembre. Lors de la précédente saison les choses ont pris fin prématurément à cause de la pandémie du Covid-19 privant GRSE Wanderers (leader au classement avant l'arrêt des compétitions en mars dernier) de l’occasion de pouvoir remporter  le titre de champion de Maurice.

 

C’est ainsi que ce club, qui évoluait en D1 lors de la saison 2018/19, s’arme à tous les niveaux pour éviter une nouvelle déception. Après Giano Li Tien Kee, les «Rastas» accueillent Adrien François et Marco Dorza, et sont loin d’avoir terminé leurs emplettes. Ce dernier, qui a passé trois saisons avec le Cercle de Joachim, après avoir porté les couleurs de l’ASPL 2000 avec lequel il a remporté un titre de champion de Maurice et une MFA Cup, et fait un passage chez l’AS Quatre-Bornes, vise un nouveau challenge sportif.

 

Il dit avoir été séduit par le projet du GRSE Wanderers. «D’abord je dois préciser que je n’ai rien contre le Cercle de Joachim, mais il me fallait un nouveau challenge, et je veux toujours relever des défis. GRSE Wanderers est une équipe qui a de l’ambition, et, comme je suis devenu papa tout récemment, il fallait pour moi regarder plus loin. En signant pour les «Rasta» je veux aider cette équipe à écrire son Histoire avec un palmarès», nous dit le défenseur du Club M.

 

Son futur coéquipier de club, Adrien François, est lui aussi très emballé par les ambitions de GRSE Wanderers et avoue avoir pris une décision difficile. «Depuis l'âge de 16 ans je joue pour Petite-Rivière-Noire FC avec laquelle j’ai beaucoup appris. Ce n’est pas facile de quitter un club après quatre années, mais il est temps pour moi de grandir encore. Petite-Rivière-Noire FC restera toujours dans mon cœur, et une nouvelle étape de ma carrière démarre avec les Rastas», dira l’attaquant du Club M. Celui-ci ajoute que son nouveau club est très ambitieux. «Il a démontré des belles choses, la saison dernière, avec un joli groupe. C’est une offre que je ne pouvais pas refuser, lorsque ce club m’a approché pour atteindre des nouveaux objectifs. L'équipe a aussi un bon entraîneur», souligne Adrien François.

 

Si GRSE Wanderers domine le mercato mauricien, ses adversaires ne sont pas en reste. L’AS Vacoas/Phoenix, qui était troisième au classement avant l'arrêt de la saison 2019/20, mise sur la jeunesse pour pouvoir améliorer son rang. Cette équipe a été renforcée par deux talents à forts potentiels, Dawson Sophie et Neelesh Gukoola, en provenance du Cercle de Joachim. Ils comptent plusieurs sélections avec le Baby Club M U20.

 

Le marché des transferts version mauricienne prendra fin le 30 septembre, et, d’ici là, d’autres mouvements de joueurs auront certainement lieu.

 


 

L’affaire Damien Balisson

 

L'international mauricien reste à Maurice. Damien Balisson, qui a déjà connu le championnat réunionnais de R1 en 2018, était sur la bonne voie pour s'engager avec la Tamponnaise, mais voilà le Cercle de Joachim a décidé de bloquer ce transfert. Les deux clubs n'ont pu trouver un accord sur l'indemnité, et selon nos renseignements, la partie mauricienne aurait réclamé Rs 400 000. Le marché des transferts à l'île Soeur s'est refermé le 31 juillet.

 

Damien Balisson est très en colère et l'a clairement exprimé sur sa page Facebook. Il n'entend plus rejouer pour le Cercle de Joachim et espère rejoindre GRSE Wanderers, qui le courtise depuis quelque temps, tout comme le prometteur Dawson Sophie. Là aussi les négociations butent sur l'indemnité car le club curepipien réclame Rs 400 000 pour les deux joueurs.

 

«Voilà pourquoi le football mauricien ne va pas progresser car on bloque les talents. Pourquoi on nous ne laisse pas montrer notre potentiel à l'étranger. Certains ne regardent que leurs propres intérêts. J'ai le cœur gros car j'ai raté une chance», écrit le défenseur mauricien sur les réseaux sociaux.

 

Il nous revient qu’un club des Plaines-Wilhems de division inférieure serait intéressé à avoir le latéral international mauricien dans son effectif. Pour cela il faudrait débourser Rs 100 000. Pour rappel, Damien Balisson a été cueilli par le Cercle de Joachim en 2015 après avoir été formé à l'école de football d'Attlee avant de rejoindre le Centre Technique Régional (CTR) de Curepipe puis le Centre Technique National François Blaquart. Ce qui lui a permis de défendre les couleurs du Baby Club M et ensuite du Club M.

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