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Bhavish Rosun tué par balles alors qu’il agressait sa femme et ses deux enfants | Sheena : «La police a tiré sur mon mari pour sauver nos vies»

La jeune femme tenant dans ses bras ses deux fils. Ils ont été sauvés de justesse par la police.

La nuit du 2 janvier a viré au drame pour cette famille d’Henrietta. Bhavish Rosun s’en est pris à son épouse et à ses deux enfants en bas âge avec un sabre. Il s’apprêtait à donner un deuxième coup à son cadet avec l’arme quand un policier arrivé sur place avec des collègues lui a tiré dessus trois fois. Il n’a pas survécu. Sa femme Sheena, terriblement bouleversée, revient sur cette tragédie et salue le policier pour son geste qui les a sauvés, ses enfants et elle.

Une pluie fine arrose l’hôpital Victoria, à Candos, en ce matin du samedi 4 janvier. Assise sur un lit, en face du Nurses’ Post, dans la salle où est admis son plus jeune fils, Sheena Rosun attend impatiemment l’heure des visites matinales. Tourmentée et perdue, la jeune femme de 24 ans, vêtue d’un churidar blanc, a l’air de quelqu’un qui vient de vivre un lourd traumatisme. Pour cause, quelques jours plus tôt, dans la nuit du 2 janvier, ses deux fils, âgés d’un an et de 2 ans, et elle ont été agressés violemment par son mari Bhavish Rosun, 22 ans. Et en leur portant secours, un policier s’est vu obligé de tirer sur l’époux incontrôlable qui n’a pas survécu.

 

Depuis, le fils cadet du couple, qui a reçu un coup de sabre sur la tête, est admis à l’hôpital de Candos où il a subi deux interventions chirurgicales et se remet doucement. Sa mère est restée à ses côtés. Et ce matin-là, elle attend la visite de son fils aîné. À 6h30 tapante, sa mère Vima débarque avec, dans ses bras, le petit de 2 ans et Sheena esquisse un large sourire. Enfin un peu de baume sur son cœur en souffrance. La nuit passée au chevet de son fils d’un an n’a pas été de tout repos. «Bann miss-la inn bizin refer so bandaz. Linn ras sa depi lor so latet. Li azite parski li pa pe kapav marse. Li kouma enn ti prisonie deryer sa baryer ki ena enn kote so lili-la», lâche Sheena en regardant son enfant, assis sur son petit lit, avec tendresse mais aussi beaucoup de tristesse quand elle repense à tout ce qu’il a vécu ces derniers jours.

 

La veille, c’est avec regret que la jeune femme a dû laisser son fils blessé quelques instants avec une cousine pour assister aux funérailles de son époux Bhavish, abattu par balles par la police dans la soirée du 2 janvier. Une horrible soirée qui restera à jamais gravée dans sa mémoire car ses deux fils et elle ont vu la mort en face. Sheena est persuadée qu’ils seraient morts sous les coups de son mari si la police n’était pas intervenue pour leur porter secours. «Li ti pou fini touy mwa ek mo bann zanfan kout sab si lapolis pa ti tir lor li kout bal. La police a tiré sur mon mari pour sauver nos vies», confie la jeune femme d’une voix cassée.

 

À l’origine de ce terrible drame : une énième dispute conjugale qui a dégénéré lors d’une soirée arrosée. Sheena raconte qu’elle avait passé la journée du 3 janvier chez ses parents à Glen-Park, avant de rentrer chez elle, à Bord-Cascades, Henrietta, vers 18 heures. Son père Sunil et sa mère, ainsi que d’autres proches, l’avaient raccompagnée en voiture. «Bhavish était dans la rue lorsque nous sommes arrivés. Il est venu saluer mon père avant de retourner au salon pour continuer à boire avec son frère. Mon beau-père et ma belle-mère étaient aussi présents. Tous faisaient la fête. Je suis allée dans ma chambre et peu après, ma belle-mère est venue me voir pour me parler.» Bhavish, de son côté, a invité son beau-père et le frère de ce dernier à prendre un verre mais les deux ont refusé pour des raisons de santé.

 

Une grande colère

 

Peu après, les proches de Sheena sont partis et après leur avoir dit au revoir, elle a continué à converser avec sa belle-mère. «J’en ai profité pour lui montrer les cadeaux que mes proches avaient achetés pour mes enfants et moi. Mais à un moment, mon époux s’est mis dans une grande colère après avoir mal interprété un de mes propos. Il est alors allé prendre un sabre qu’il garde toujours derrière notre armoire. Il a menacé sa maman avec, avant de se diriger vers moi. Sa mère en a profité pour prendre la fuite. Mon beau-père s’en est allé également car ils savaient tous que Bhavish devenait incontrôlable lorsqu’il était saoul et consommait de la drogue synthétique. Le seul qui est resté sur place est mon beau-frère Antish mais il n’a pas bougé le petit doigt pour nous venir en aide. Il avait bu lui aussi», raconte Sheena.

 

Les coups ont commencé à pleuvoir sur la jeune femme et ses enfants. Sheena a vraiment cru qu’ils vivaient leurs derniers instants. Elle ne savait pas que quelqu’un dans son voisinage avait alerté la police en entendant les cris des enfants. Et quand des policiers, un sergent et deux constables affectés à l’ERS de la Central Division, ont débarqué chez elle vers 19h50, elle a poussé un énorme soupir de soulagement. Toutefois, elle n’était pas au bout de ses peines car Bhavish les avaient enfermés, ses enfants et elle, dans une pièce et continuaient à s’acharner sur eux. Les policiers ont brisé les vitres d’une fenêtre pour essayer de les faire sortir, en vain. Ils ont réussi à entrer dans la maison de force mais le jeune homme n’a pas obtempéré à leurs sommations de se rendre et a fait de la résistance, se montrant très agressif envers eux également, aidé de son frère Antish – ce dernier a été arrêté par la suite pour non-assistance à personne en danger.

 

L’un des policiers a alors utilisé une bombe lacrymogène pour tenter de calmer Bhavish mais cela n’a fait que le rendre encore plus violent et incontrôlable. Il a assené un coup de sabre sur la tête de son fils d’un an, que sa femme tenait dans les bras, et s’apprêtait à récidiver quand l’un des policiers présents lui a tiré dessus à trois reprises pour stopper son geste. Il a été touché à l’abdomen, à la poitrine et au cou. L’autopsie indique que c’est la balle qui l’a touché à l’abdomen qui l’a tué. Une équipe de la District Supporting Unit s’est ensuite rendue sur place pour sécuriser les lieux.

 

Pendant ce temps, Sheena et ses fils ont été transportés à l’hôpital de Candos. Sheena et son fils aîné ont été autorisés à quitter l’hôpital peu après avoir reçu des soins mais la jeune maman a dû rester au chevet de son cadet qui avait subi un traumatisme crânien. Après ses deux délicates interventions chirurgicales à la tête, il se porte mieux et son état est stable. «Son état n’inspire aucune inquiétude pour le moment. Les médecins ont fait un travail formidable», précise Sheena. Elle attend maintenant que son fils sorte de l’hôpital pour retourner définitivement chez ses parents.

 

Traumatisme

 

Son père Sunil ne peut qu’approuver cette décision. Il ne souhaite qu’une chose, avec son épouse : prendre soin de Sheena et de ses deux enfants, et les aider à surmonter leur lourd traumatisme. Il explique que sa fille subissait régulièrement la violence de son époux. Bhavish était d’ailleurs en liberté provisoire pour breach of protection order. Il est également fiché pour délits de drogue. «So lavi pa bon ditou. Akoz samem nou fami pa ti kontan ditou kan mo tifi inn koumans frekant li.» Mais Sunil et sa femme n’ont eu d’autre choix que de l’accepter comme gendre quand leur fille s’est mariée après être tombée enceinte, il y a deux ans et demi. «Mo ti profite pou koz ek garson-la. Li ti dir nou li pou sanze. Vremem li ti sanze pou enn ti moman, apre linn repran so bann move labitid. Linn rekoumans bwar ek fim sintetik. Lerla mem li batt mo tifi. Li osi batt so mama ek so papa. Sak fwa li bate pou gagn kas pou al bwar ek fime. Li vey mo tifi sak fwa li vinn kot nou pou li kokin kas dan so sak. Linn aret vinn kot mwa depi ki li ti kokin mo lalians. Mo sagrin mo pann fer case lapolis pou sa selman», regrette Sunil.

 

Il n’est un secret pour personne que Sheena se faisait régulièrement tabasser. Elle faisait aussi souvent le va-et-vient chez ses parents qui subvenaient d’ailleurs aux besoins de ses fils. «Mes parents et d’autres proches m’aidaient pour les couches et le lait. Mon époux est planteur mais il ne travaillait que très rarement. Il passait son temps à boire, fumer et nous frapper. Notre fils aîné avait seulement huit mois lorsqu’il l’a violemment frappé à la main pour la première fois. J’ai tenu le coup durant tout ce temps car je l’aimais vraiment. J’ai toujours cru qu’il allait se ressaisir et changer. Je ne sais pas ce qu’on serait devenus si la police n’était pas intervenue pour nous secourir. Je remercie le voisin qui a alerté la police. Mon époux m’aurait peut-être déjà tuée si la police ne l’avait pas abattu», confie Sheena.

 

Les funérailles de Bhavish ont eu lieu à son domicile, à 15 heures, le vendredi 3 janvier 2020. Plusieurs proches et amis du jeune homme n’ont pas hésité à braver le mauvais temps pour venir rendre un dernier hommage au jeune homme. Et tous disaient ne pas comprendre pourquoi la police a tiré trois fois sur lui. «Nou dakor Bhavish inn mari fane linn tir sab ek linn tap so zanfan ek so madam, me eski lapolis ti oblize tir trwa kout ek touy li ?» s’interroge un proche très remonté. Joe Rosun, le père de Bhavish, ne croit toujours pas que son fils n’est plus de ce monde. «C’est incroyable ce qui s’est passé. C’est bien triste et dur de perdre un fils de cet âge», dit-il, sans vouloir commenter davantage ce tragique événement. Si pénible pour les proches du jeune homme comme pour Sheena, ses enfants et toute sa famille…

 


 

La MCIT enquête

 

L’enquête policière initiée après le décès de Bhavish Rosun est menée par la Major Crime Investigation Team (MCIT). Des enquêteurs de cette unité ont déjà entendu Sheena Rosun et les trois policiers de l’ERS qui sont intervenus au domicile du couple à Henrietta. Les limiers de la MCIT ont également organisé une reconstitution des faits avec l’épouse du jeune homme ainsi que leurs collègues de la Central Division. La jeune femme en a profité pour expliquer avec moult détails les circonstances du drame. Le policier qui a tiré martèle, pour sa part, qu’il l’a fait uniquement pour protéger la jeune femme et ses enfants. Une version qui tient la route pour le moment car elle correspond au protocole (Standing Orders) de la police sur l’utilisation d’une arme à feu par un policier en service.  Ce protocole stipule qu’un policier peut faire usage de son arme en cas de danger lorsque la personne en face fait fi des sommations. Cette décision doit être prise vite lorsqu’il y a une ou des vies en danger. Dans le cas présent, Bhavish a ignoré le trois sommations de la police et s’est montré encore plus violent. Son frère Antish, 24 ans, arrêté pour non-assistance à personne en danger, est, pour sa part, maintenu en cellule policière. Il était également en liberté conditionnelle après avoir été arrêté, il y a un mois, pour l’agression d’une jeune femme au cutter.