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Par Yvonne Stephen
28 juillet 2024 22:23
Ce qu’on dit, ce qu’on tait. Ce qu’on laisse deviner… Les mots en politique, surtout quand une échéance électorale se profile, ont toute leur importance. Surtout quand on peut jouer avec eux afin de faire naître le brouillard pour cacher une route qui pourrait mener au soleil (ou pas). Xavier-Luc Duval, en conférence de presse ce samedi 27 juillet, a lancé, encore une fois : «Il n’y pas eu et il n’y a pas de négociations avec le MSM», évitant, encore une fois, de conjuguer ses paroles au futur. Le leader du PMSD a rappelé que la nomination d’Adrien Duval au poste de Speaker «pann vinn avek okenn kondision». Que «sepa li ki anvi vinn Premye minis» et qu’il est «toujours dans l’opposition» : «Je dis ce qu’il y a à dire au Parlement, je ne suis pas au Conseil des ministres.»
Il a évoqué des conditions que le PMSD, sans les nommer, estime nécessaire pour que les Mauriciens puissent «repran plezir avek zot pei». Mais il a refusé de répondre à une question lui demandant ce qui se passerait si les conditions parlaient au MSM : «Un politicien ne répond pas à une question hypothétique. Quand il y a un "si", jamais je ne réponds.» Néanmoins, une interrogation plus tard, le chef de file des Bleus se fendra d’un «nou pann ne kouyon ni deklar kouyon. Il y a deux grands blocs politiques, si nous voyons qu’il y a des conditions acceptables ici, ce sera ici. Si pena, pena». Le «ici» laisse la place à l’interprétation, mais pas beaucoup (au vu des attaques du leader des Bleus envers ses anciens alliés).
Et parce que depuis des semaines, les rumeurs d’une alliance entre le MSM et le PMSD – alimentées par les propos de Pravind Jugnauth concernant le leader des Bleus et l’abstention de Xavier-Luc Duval lors du vote du Constitution Bill et du Political Financing Bill, entre autres – ne s’éteignent pas. Bien au contraire. Et les flammèches brûlent encore plus fort depuis l’accession d’Adrien Duval au poste de Speaker ; différents observateurs politiques estimant qu’il s’agit d’une stratégie politique de rapprochement. Pour l’alliance de l’opposition parlementaire, PTr-MMM-ND, il n’y a pas de doute, l’union est déjà scellée. Néanmoins, même si tout est possible en politique, la question de l’image serait au cœur des interrogations chez les Joes.
S’allier à un adversaire d’hier qu’on a si lourdement critiqué et le faire accepter, ça demande plus qu’un peu de poudre de perlimpinpin, estime un ancien membre du PMSD, qui s’est retiré de la politique active : «Xavier-Luc Duval tient à son image. D’ailleurs, il la cultive. Propre sur lui, dans la modération, dans la rationalité en comparaison avec Navin Ramgoolam et, surtout, Paul Bérenger. Il se veut gentleman. Mais comment un gentleman peut faire avaler cette couleuvre ?» Notre interlocuteur est d’avis qu’il le fera quand il n’aura plus vraiment le choix : «Il va faire avaler la pilule de force, à la dernière minute et sans possibilité de révolte de la part de ses membres. En attendant, il y met les formes.»
De conférence de presse en conférence de presse, le leader du PMSD parle d’idéal pour Maurice, de pays où il fera de nouveau «bon vivre», de vision, de projet de société, de rezilta lor rezilta, poursuit l’homme : «Il faut comprendre le message : avec qui le PMSD va en alliance n’est pas important, il faut se concentrer sur ce que le parti peut apporter au prochain gouvernement. C’est une façon de gommer l’image négative du MSM qui peut rejaillir sur le parti. De dire : qu’importe la façon d’y arriver, le plus important c’est d’y arriver, seuls les résultats comptent.» Une habile communication qui, à force d’être martelée, peut s’insinuer dans esprits et laisser entendre que la situation est possible et même enviable, affirme-t-il. Une stratégie réussie ? Difficile à dire. Chez les Joes, un maître-mot : ne pas parler de la possibilité d’une alliance avec le MSM. «Nous suivons Xavier, ce qu’il décidera se fera. Il est totalement conscient de ce qui est bon pour le pays qu’il aime profondément», confie un membre de la famille bleue. Comme lui, ceux que nous avons contactés tiennent le même discours, à quelques variations près. Pour l’instant, il est question d’attendre voir. De communiquer le moins possible hors des canaux officiels. L’enjeu est, semble-t-il, important : «On verra bien ce qui se passe. J’ai exprimé mes sentiments à de mon leader concernant l’avenir du parti et je ne souhaite en parler avec personne d’autre. Il est à l’écoute, il sait ce que plusieurs d’entre nous pensent, c’est le plus important», partage un autre Joe.
La récente scission, avec les démissions suite à la rupture du PMSD avec le PTr et le MMM, a refroidi les plus loquaces. Néanmoins la crainte d’une nouvelle vague de départs à l’annonce d’un rapprochement avec le MSM n’est pas à écarter laissent entendre certaines voix qui craignent de fortes secousses à venir pour le parti qui est à un tournant important. Car si des happy fews connaissent les ambitions, intentions et projets de Xavier-Luc Duval pour le PMSD, tous ne sont pas dans la confidence.
Un point de presse largement consacré à Adrien Duval. Ce samedi 27 juillet, le rendez-vous du PMSD a pris les allures d’une opération de communication pour le tout nouveau Speaker. Xavier-Luc Duval a tenu à «féliciter Adrien pour sa prestation de première classe» : «Il se démarque clairement. C’est une vision extraordinaire pour l’avenir et l’élargissement du Parlement qui mènera à une île Maurice plus juste et plus équitable. Et c’est la vision du PMSD.»
Dans le même souffle, le leader du PMSD a abordé «les fausses informations» qui circulent sur la pension que devrait toucher Adrien Duval et s’en est pris à ceux qui attaquent Adrien Duval dans une approche philosophique qui peut soulever de nombreuses interrogations : «Ce sont des lâches ceux qui attaquent un Speaker qui n’a pas le droit de répondre. Me, personn pa pou perdi letan pou atak enn dimounn ki pena linportans, pli ou fer ou travay bien pli ou fer fas a bann atak.» Xavier-Luc Duval n’a pas mâché ses mots envers Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, les traitant de «kapon» : «Kifer zot pa atak Pravind Jugnauth? Parski zot ena enn freyer.»
Il est revenu sur leurs demandes concernant le seating arrangement – «ils sont dans une alliance, ils n’ont qu’à changer de siège entre eux» – et la demande d’annulation de la suspension d’Eshan Juman, de Joanna Bérenger et de Rajesh Bhagwan : «Ce n’est pas le Speaker qui suspend ; c’est une autre bourde !»
Dans un autre registre, le leader des Bleus a rappelé qu’il est à l’origine de deux PNQ concernant l’affaire du terrain de la communauté tamoule et a dit être là pour rencontrer ceux qui le souhaitent afin d’aider pour un règlement «dans l’amitié et la négociation». Il a aussi évoqué l’organisation d’un congrès national en août.
Des changements. Adrien Duval a décidé de renverser deux décisions de l’ancien Speaker Phokeer. Il s’est assuré de réautoriser les questions sur les collectivités locales et de permettre de nouveau aux députés suspendus d’avoir accès à l’Assemblée nationale, les jours où le Parlement ne siège pas. Néanmoins, il n’est pas revenu sur la question des seating arrangements et sur celle concernant la suspension de trois députés de l’opposition.
L’opposition proteste. Mais elle sera de retour au Parlement après l’absence de mardi dernier pour contester le seating arrangement et le maintien de la suspension d’Eshan Juman, de Rajesh Bhagwan et de Joanna Bérenger. Elle n’était pas présente, non plus, cette semaine au tirage au sort pour les questions parlementaires – dont elle critique la méthode – malgré les réassurances du nouveau Speaker ; Adrien Duval avait exprimé son intention d’être présent lors de cette procédure pour s’assurer que tout se fasse dans la transparence.
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