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Détournement de fonds allégué, honoraires qui font jaser…

Les scandales de la semaine sous la loupe des observateurs

4 août 2025

L’ACP Dunraz Gungadin, l’avouée Shamila Sonah-Ori et l’ancien Senior Relationship Manager de la Silver Bank, Rajiv Ramcharitar, étaient au coeur de l’actualité cette semaine avec des affaires dont les chiffres donnent le fournis.

De l’argent qui aurait été distribué, détourné, accaparé, ici, là-bas, partout. Cette semaine, on a eu droit à des comparutions pour détournements de fonds, pendant qu’au Parlement, des chiffres qui donnent le tournis ont été révélés concernant des personnalités qui étaient proches de l’ancien gouvernement. Deux observateurs de la société nous donnent leur point de vue sur toutes ces affaires qui ont fait jaser durant la semaine.

On ne sait plus trop où se mettre la tête quand on y pense. On pourrait presque dire que les semaines se suivent et se ressemblent avec toujours les même mots-clés : arrestation, comparution, Financial Crimes Commission (FCC), triangle du Réduit, et souvent des gros chiffres impliqués qui donnent le tournis, quand il n’y a pas des révélations faites au Parlement qui font tout autant avoir des vertiges et des sueurs froides.

Et cette semaine, c’était le jackpot aussi ! On a tout d’abord eu la suite du feuilleton Reward Money avec une nouvelle comparution de l’assistant surintendant de police (ACP) Dunraz Gungadin, dans le cadre de cette enquête pour détournement de fonds destinés à des informateurs de la police ; près de Rs 160 millions auraient transité sur son compte bancaire entre janvier 2023 et novembre 2024. D’autres policiers ont aussi été arrêtés et inculpés concernant cette histoire de détournement de fonds.Autre affaire qui a fait l'actualité cette semaine, celle de la Silver Bank, avec encore une allégation de détournement de fonds. L’ancien Relationship Manager de la banque, Rajiv Ramcharitar, a été arrêté à son retour au pays le 31 juillet ; il est soupçonné d’avoir comploté avec sept sociétés pour un détournement total de plus d’un milliard de roupies (voir texte ci-contre).

En tout cas, du côté de la FCC, le ton était très ferme durant la semaine. Sanjay Dawoodarry, directeur par intérim de l'organisme, a pris la parole le jeudi 31 juillet à Le Chaland, lors d’un atelier de travail organisé en collaboration avec la Southern African Development Community sur la direction des Conseils d’administration et de gouvernance dans la lutte contre les crimes financiers. Il a justement évoqué toutes les enquêtes que mène la FCC en ce moment : «Nous avons les yeux grands ouverts et nous n’allons laisser aucune roche unturned pour porter les coupables devant la justice.» Il a aussi déclaré que la réforme du système de reward money, actuellement à l’étude, est l’une des priorités de la FCC. «Nous allons revoir tout ce processus pour créer un système infaillible pour éviter les abus.» Sanjay Dawoodarry a, par ailleurs, souligné que toutes ces enquêtes demandent beaucoup d’attention et de temps vu que des milliards de roupies sont en jeu et qu'on doit prendre en compte la confidentialité et le respect des droits des suspects.  

Jocelyn Chan Low et Saffiyah Edoo jettent un regard sur tous ces dossiers qui font jaser.

Et c'est pas fini ! Les chiffres qui donnent le mal de crâne étaient aussi au Parlement cette fois. Lors du Prime Minister’s Question Time du 29 juillet, le Premier ministre Navin Ramgoolam a révélé que l’État avait versé à Me Shamila Sonah-Ori, avouée proche du clan Jugnauth, un total de Rs 84,7 millions entre 2015 et 2024. Un chiffre qui laisse les Mauriciens bouche bée. Une dernière pour la route ? Suivant une question parlementaire du député Ludovic Caserne sur les véhicules de l’ancien commissaire de police Anil Kumar Dip durant son mandat, la population a appris avec effarement que celui-ci avait fait l’acquisition d’une Porsche Macan, issue du parc automobile de la police, pour la modique somme de Rs 415 140 – alors que le prix normal de ce véhicule démarre à Rs 6 millions et que même seconde main, il vaut plusieurs millions. Le Premier ministre a d’ailleurs déclaré qu’une enquête est actuellement en cours à ce sujet.

Des cas et des chiffres qui font jaser, frustrent, indignent, deviennent des mèmes sur les réseaux sociaux... Et qui interpellent la citoyenne engagée Saffiyah Edoo, qui a suivi de près tout ce qui s’est passé durant la semaine écoulée. «Je salue le fait que toutes ces histoires sortent au grand jour, avec souvent des chiffres et des situations qui interpellent énormément, pour ne pas dire qui choquent. Mais je me pose la question : que fait-on de ces personnes contre qui pèsent ces accusations ? Il y a comme une impression qu’après, il n’y a pas d’incarcération ; on paie sa caution (souvent énorme) et on s’en va. Et je peux aussi comprendre la frustration du public, à qui l’on demande de se serrer la ceinture, quand il voit les sommes impliquées dans ces enquêtes. Je pense que le gouvernement et la FCC doivent envoyer un signal fort, faire des exemples de ces enquêtes, en initier d’autres vigoureuses et ne pas donner que des chiffres au Parlement, et aussi faire ce qu’il faut si les personnes sont trouvées coupables par la suite, avec une grande fermeté. Surtout qu’en ce moment, le gouvernement n’est pas très populaire avec des prix qui grimpent ou même la fameuse mesure de la pension universelle à 65 ans. En étant ferme sur ces enquêtes, un signal fort peut donc être envoyé à la population, disant que oui, we mean business.»

Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique, nous donne une autre approche de tous ces cas, où il parle de vigilance, d’intégrité, tout en disant aux Mauriciens qu’il faut voir les choses en profondeur et se poser les bonnes questions. «C’est clair que toutes ces histoires de la semaine font jaser et après tout ça, c’est normal que le public demande des comptes, mais je pense qu’il faut aussi se poser les bonnes questions. Prenons par exemple toute cette affaire autour du reward money. C’est une enquête complexe, qui implique énormément d’aspects autour du secret. C’est pour cela que pour y voir clair, il faut des enquêteurs intègres et conscients des enjeux. Et pour ces histoires de Porsche du commissaire de police et d'honoraires de l’avouée, il faut aussi aller au fond des choses. Est-ce qu’il y a eu un respect des procédures pour la vente de la voiture ? Et pour l’avouée, mis à part l’argent de Rs 82 millions, il faut se demander comment se faitqu’elle se soit occupée de tous ces dossiers ? Est-ce qu’il y a eu un appel d’offres ? D’autant que c’est l’argent public qui est en jeu car elle a représenté plusieurs institutions publiques. Donc, au-delà de l’indignation et/ou le buzz que peuvent susciter ces affaires, ce sont des questions pertinentes qu’il faudrait se poser.»

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