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28 mars 2016 03:36
«Jesuis à travailler avec mes avocats», nous a déclaré, hier matin, l’ancien ministre de l’Environnement Raj Dayal, lorsque nous l’avons sollicité. Depuis mardi, lorsqu’il s’est retrouvé au cœur d’une affaire de pot-de-vin allégué à la suite de laquelle il a dû démissionner de son poste mercredi (le PM lui a demandé de step down), l’ex-commissaire de police est motivé que par une seule chose : «Laver (son) honneur» et démontrer qu’il est «victime d’un complot».
C’est suite à la plainte de l’homme d’affaires Patrick Soobhany, un promoteur immobilier, que Raj Dayal s’est retrouvé en mauvaise posture. Mardi après-midi, l’affaire éclate lorsque le dénonciateur se rend à la commission anti-corruption pour y déposer un enregistrement sur lequel son interlocuteur lui demanderait de financer des activités politiques. Cela, après qu’il lui ait dit que son projet immobilier est bloqué depuis trois ans faute de permis EIA. La bande sonore, selon Patrick Soobhany, contiendrait donc une conversation d’une dizaine de minutes entre lui et une autre personne qui serait, selon lui, Raj Dayal.
Après le premier interrogatoire de l’ex-ministre, vendredi dernier, plusieurs autres personnes pourraient être interrogées dans les jours à venir, en tant que témoins dans cette affaire. C’est donc après ces interrogatoires, une fois le dossier ficelé et envoyé au bureau du Directeur des poursuites publiques, que ce dernier décidera de la marche à suivre. Un prochain interrogatoire under warningdu principal concerné dans cette affaire ne serait pas à écarter. Cela dépendra des versions des témoins.
Raj Dayal et son entourage, principalement sa famille, n’ont qu’un mot à la bouche : «Complot.»C’est ensemble qu’ils affrontent cette tempête. Keshwaree, son épouse depuis 41 ans et mère de ses quatre enfants (une fille, Poojita, et trois fils : Rikesh, cardiologue, Mahesh, ingénieur en Écosse, et Avinesh, avocat), a déjà vécu des situations semblables dans le passé. En 2004, par exemple, elle s’était retrouvée sous le feu des projecteurs quand Antoine Chetty, à l’origine de l’affaire Deelchand, avait balancé le nom de son mari et que ce dernier avait organisé une conférence de presse dans sa demeure à Dayal Lane, Carreau Laliane.
L’ex-commissaire de police (1er septembre 94 - 23 novembre 97) a ainsi plusieurs fois fait les gros titres de la presse. Entre autres : accident d’hélicoptère, inauguration de son temple par SAJ, l’épisode des soldats bâtisseurs, allégations de Gorah Alladee dans l’affaire Kala Niketan, l’arrestation de deux journalistes du magazine Le Magen octobre 1994 alors qu’il était commissaire de police ou encore suite à sa révocation, le 23 novembre 1997, comme commissaire de police à la suite du rapport Sik Yuen qui, à la suite d’un tribunal spécial, l’épingle sous 11 des 15 chefs d’accusations de misbehaviour.
Depuis qu’il a pris le portefeuille du ministère de l’Environnement, il y a 15 mois, Raj Dayal, également grand-père de deux petits-enfants, n’a cessé d’être critiqué. Pour certains, celui que d’aucuns décrivent comme «un personnage folklorique, un phénomène» en a trop fait (comme quand il a enfilé ses bottes en caoutchouc pour descendre sur le terrain) et tout récemment certaines voix se sont élevées suite à son utilisation de l’hélicoptère de la police pour aller faire un constat de la situation suite à des intempéries.
Mais loin d’être dans la tourmente, Keshwaree Dayal, qui parle aussi de «complot»,dit être sereine. «Tou dan lame bondie»,nous dit-elle lorsque nous l’interrogeons sur cette nouvelle affaire dans laquelle son époux est incriminé. Croit-elle en son innocence ? Comment voit-elle l’issue de cette histoire qui ébranle une nouvelle fois sa famille ? «Mon époux sortira la tête haute de cette affaire»,soutient-elle.
Mahesh, 38 ans, un des trois fils de l’ex-ministre, confirme également que toute la famille est derrière son père : «Il a le moral et il est sûr de lui. Mon père a une formation militaire, a toujours été un fin stratège et a des aptitudes en management. C’est pour dire qu’il gère très bien la situation.»Mahesh est confiant que son père saura s’en sortir : «Dans le passé, il a eu à faire face à d’autres scandales, mais il y a toujours fait face avec calme. Toute la famille est avec lui et est solidaire.»
Lui aussi met en avant la théorie du «complot» : «It’s a character assassination.La population jugera d’elle-même à l’issue de l’enquête.»Pour Mahesh, c’est «triste»que son «père ne puisse pas poursuivre le bon travail qu’il a entamé au sein de son ministère pour l’avancement du pays». Selon lui, son père, qui est aussi connu pour son amour de la terre et des plantes – il a plusieurs plantations –, est déterminé, croit en la justice et n’a rien changé à ses habitudes : «Il reste fidèle à lui-même, proche et disponible pour ses collaborateurs, sauf qu’il ne va pas au bureau.» Comme à son habitude, Raj Dayal se réfugiera, dit-il, dans la prière : «Sa foi le guidera.»
Satish Dayal, le frère de l’ex-commissaire de police, assure aussi une présence de tous les instants auprès de son aîné. «La justice tranchera.»Il ne se fait aucun souci pour son frère : «Comme d’habitude, ce sera la bataille de toute la famille. On a toujours tout affronté ensemble et ce sera à nouveau le cas.»Pour Satish Dayal, son frère a démontré qu’il est «un homme compétent» qui n’a pas peur du travail.Cette affaire, dit-il, ne signe en rien la fin de la carrière politique de son frère, même si beaucoup trouvent qu’il sera difficile pour l’ex-ministre de se sortir de ce pétrin : «Il y a deux jours, il était dans sa circonscription et beaucoup lui faisaient part de leur soutien.»
Son destin est désormais entre les mains des enquêteurs.
«Mon client reste sur sa position. Il a reçu beaucoup de menaces d’intimidation de personnes anonymes pour qu’il retire sa plainte, mais Patrick Soobhany reste fort et tient bon», nous a confié Me Yousuf Mohamed, par rapport à l’état d’esprit de son client.
Raj Dayal rejoint la force policière le 10 février 1971. Il a alors 22 ans, est affecté à la défunte Riot Unit et sera promu cinq mois plus tard au grade de Cadet Inspector. Muté à la Special Mobile Force (SMF), il s’inscrit à une formation militaire en Grande-Bretagne. À son retour au pays en 1972, il est promu lieutenant. Il sera nommé, en juillet 1986, commandant de la SMF, devient assistant commissaire de police pour être promu, le 19 septembre 1989, au poste de no 2 de la force policière. Il accède au poste de commissaire de police le 1er septembre 1994, fonction qu’il assume jusqu’au 23 novembre 1997, lorsqu’il est destitué de ses fonctions dans le sillage du rapport Sik Yuen. Sur le plan politique, Raj Dayal avait fait sensation aux législatives de septembre 2000 en tant que leader du MDN dans la circonscription no10 (Montagne-Blanche/GRSE). Il prend la quatrième place avec 13 038 voix, derrière Racheed Daureeawoo, le troisième élu de l’alliance MSM-MMM.
Sir Anerood Jugnauth, Premier ministre : «Je n’approuverai aucune action qui mettrait en péril la réputation du pays. Il n’y aura aucun cover-up comme cela a été le cas sous l’ancien gouvernement.» C’est lors du President’s Dinner, organisé par la Chambre de commerce chinoise, jeudi soir, que le PM a abordé l’affaire Dayal.
Paul Bérenger, leader de l’opposition : «L’affaire Dayal a choqué la population.» C’est hier matin, lors de sa conférence de presse, que le leader du MMM a commenté à nouveau l’affaire Dayal.
Navin Ramgoolam, leader du PTr : «Que l’enquête de l’Independent Commission against Corruption sur l’ex-ministre Raj Dayal soit faite véritablement sans cover-up.» Tels sont les propos émis par Navin Ramgoolam vendredi soir, lors du congrès du PTr à Rivière-du-Rempart.
C’est le ministre de la Fonction publique et des réformes administratives, Alain Wong, qui assure la suppléance de Raj Dayal au ministère de l’Environnement. Raj Dayal a dû démissionner de son poste en attendant les conclusions de l’enquête de l’Independent Commission against Corruption. «Je suis triste de ce qui est arrivé. Pour ma part, je vais continuer le travail», nous dit-il.
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