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Arassen Goinsamy passe aux aveux pour complicité de meurtre et vol avec violence | La descente aux enfers d’un jeune policier «à l’avenir prometteur»

25 mars 2019

Keshav Sewtohul avait succombé à une fracture du crâne.

Il désirait ardemment rejoindre les forces de l’ordre. Bon élève et grand sportif, il a tout fait pour que son rêve devienne réalité. Mais après sept ans dans la police, Arassen Goinsamy, 26 ans, devenu toxicomane fréquentant un trafiquant de drogue, se retrouve dans le camp des malfaiteurs, avec deux accusations provisoires sur le dos : celles de vol avec violence et de complicité de meurtre. Il est passé aux aveux dans les deux cas.

 

Sa première arrestation, qui entraînera dans son sillage la deuxième, date du 6 mars. Ce jour-là, le jeune constable, affecté au poste de police de Piton, fait irruption dans la boutique de sa voisine, située à quelques mètres de sa maison. Portant un morceau de tissu sur son visage pour masquer ses traits, il menace la boutiquière de 57 ans en lui plaçant un couteau sous la gorge et fait main basse sur l’argent qu’il y a dans la caisse.

 

La quinquagénaire, bien qu’elle soit paralysée par la peur, arrive néanmoins à crier «voler, voler». Alors que le policier prend la fuite, plusieurs habitants du voisinage, alertés par les cris, essaient de l’arrêter. «So granmer ki ti pe balie sime sa ler-la inn rod aret li san kone ki li sa», se souvient un voisin. Arassen Goinsamy est finalement appréhendé par le beau-frère et le petit-fils de la boutiquière dans une ruelle, à quelques mètres du commerce. Quand ils lui enlèvent sa «cagoule», c’est la surprise. «J’ai eu le choc de ma vie lorsque j’ai reconnu mon voisin. Ce qu’il a fait me laisse toujours perplexe. Et dire que je l’ai vu grandir», confie la boutiquière encore bouleversée par ce qu’elle a vécu. Elle a même dû consulter un psychologue pour surmonter ce traumatisme.

 

La famille du policier est également dans tous ses états depuis cette affaire. Son père Kesaven, notamment, ne sait plus quoi penser des agissements de son fils. «Je n’arrive toujours pas à comprendre comment mon fils a pu gâcher la carrière de ses rêves alors qu’il était promis à un avenir prometteur», lance-t-il, visiblement préoccupé.

 

Le mardi 19 mars, soit après deux semaines en détention, Arassen Goinsamy obtient la liberté conditionnelle contre une caution de Rs 10 000. Mais sa liberté est de très courte durée. Tout de suite après, les policiers l’arrêtent à nouveau sous une accusation de complicité de meurtre. Car lors de son interrogatoire pour l’histoire de vol avec violence, il a avoué son implication dans un autre délit : le meurtre de son ami Keshav Sewtohul.

 


Ce dernier a succombé à une fracture du crâne en novembre 2018 après un règlement de comptes. Il avait été grièvement blessé après avoir été «contraint» de sauter d’un 4x4 en marche, le 3 novembre, et c’est Arassen Goinsamy qui l’avait ensuite conduit à l’hôpital. À l’époque, le policier avait déclaré qu’il passait par-là quand il avait retrouvé son ami dans un caniveau en bordure de route. Tout laissait penser à un accident.

 

Révélations

 

Keshav Sewtohul, 32 ans, un habitant de 7e Mille, à Triolet, tout comme Arassen Goinsamy, avait été admis à l’unité des soins intensifs de l’hôpital SSRN, le 3 novembre. Il est décédé le 17 novembre. Toutefois, peu après son admission, celui qui exerçait comme Computer Support Officer avait eu le temps de faire des révélations aux enquêteurs. «Mo ti dan enn 4x4. Monn bizin sote pou mo pa mor», avait-il déclaré. Mais il n’a pu en dire plus car il a sombré dans le coma, le lendemain.

 

Toutefois, les enquêteurs savaient d’ores et déjà qu’il ne s’agissait pas d’un accident mais probablement d’un règlement de comptes ayant mal tourné. D’ailleurs, le rapport d’autopsie a indiqué, par la suite, que Keshav Sewtohul a succombé à une fracture du crâne. Il avait d’autres blessures troublantes sur le corps, qui ne correspondent pas à un accident.

 

Arassen Goinsamy avait été interrogé par les enquêteurs à l’époque mais sa version ne les avait pas convaincus. Il leur avait raconté qu’il était avec Keshav Sewtohul la veille du drame et qu’ils avaient assisté à une fête dans leur localité dans le cadre de Divali. Les deux amis seraient ensuite allés prendre l’air ailleurs. En route, ils ont rencontré une prostituée avec qui Keshav Sewtohul aurait décidé de «kas enn poz». Toutefois, après cela, comme il n’avait pas d’argent sur lui pour la payer, il a appelé son père Abhivrat, un ancien policier, en présence d’Arassen Goinsamy, pour que celui-ci lui ramène de l’argent. Après la mort de Keshav Seetohul, la prostituée de 26 ans avait été arrêtée car elle lui avait envoyé des messages menaçants au lendemain de leur rencontre disant, notamment, «to kontan zwe ek dife. To pou kone ki mwa». La jeune femme n’a pas démenti avoir envoyé ces messages mais a nié toute responsabilité dans la mort du Computer Support Officer. Elle est actuellement en liberté conditionnelle.

 

Arassen Goinsamy, de son côté, a pu continuer sa vie normalement car les enquêteurs n’avaient rien de concret contre lui malgré leurs soupçons. Jusqu’à son arrestation pour vol avec violence. Et lors de sa détention, ses collègues de la Criminal Investigation Division ont réussi à lui faire avouer son implication dans le meurtre de Keshav Sewtohul également.

 

Dans sa déposition, il confirme que son ami a été victime d’un règlement de comptes pour une histoire d’argent. Il avoue avoir «donn enn koudme» pour séquestrer son ami et que ce dernier a été roué de coups par plusieurs personnes. Il explique qu’il suivait le 4x4 sur lequel se trouvaient Keshav Sewtohul et d’autres personnes. C’est comme cela qu’il a pu emmener celui-ci à l’hôpital après qu’il ait sauté du véhicule.

 

Arassen Goinsamy a également balancé le nom du présumé commanditaire : un certain Enrico Etienne, 49 ans, un habitant de Roche-Bois à qui Keshav Sewtohul devait, dit-il, de l’argent à la suite d’une transaction de drogue. L’homme a été arrêté et fait l’objet d’une accusation provisoire d’assassinat. Il nie tous les faits qui lui sont reprochés.

 

Après le décès suspect de Keshav Sewtohul, son père Abhivrat nous avait déclaré qu’il savait que son fils «ti pe fim kitsoz» quelques fois, sans vouloir en dire plus. Kesaven Goinsamy reconnaît lui aussi que son fils policier est toxicomane depuis quelque temps. «Arassen a été victime de ses mauvaises fréquentations, tout comme son ami Keshav», souligne-t-il.

 

«Excellent athlète»

 

Le teint pâle, le visage marqué par la fatigue et le stress, ce père revient sur la descente aux enfers de son fils aîné, plus connu comme Kenny. «Il n’est plus le même homme. Il a complètement changé depuis deux ans», lâche-t-il. Pourtant, poursuit-il, les choses allaient plutôt bien pour lui auparavant. Après des études secondaires plutôt brillantes au collège d’État Adolphe de Plévitz, à Grand-Baie, jusqu’à la Form 5, et au DAV College, à Morcellement St André, pour son Higher School Certificate, il ne tarde pas à postuler pour entrer dans la police.

 

Quand sa candidature est acceptée, il est aux anges. «Il était tout heureux d’avoir pu intégrer les forces de l’ordre, son rêve était devenu réalité. Lors de son training après son recrutement, il a été classé troisième meilleure recrue de son groupe», souligne son père. Son côté sportif y est pour beaucoup. Car à l’époque, Arassen est un «excellent athlète» qui collectionne les médailles. Il est également un bon footballeur et buteur. Il est même retenu pour évoluer lors des matchs inter-division, précise Kesaven qui était lui aussi footballeur dans sa jeunesse. «Une fois, il avait reçu le titre de meilleur buteur lors du tournoi inter-division de la police et à la suite de cela, il avait été pris à l’essai dans une équipe de Roche-Bois qui évolue en première division.»

 

Cependant, il ne peut continuer à jouer au sein de cette équipe car il est envoyé en mission à Agaléga pour six mois. Par la suite, il rempile pour une autre mission de six mois. Mais cette fois, il rentre au bercail après seulement trois mois, en raison d’une blessure à la jambe qu’il s’est faite en jouant au foot. Il est alors affecté au poste de police de Terre-Rouge. C’est là que tout aurait basculé pour lui. Sur place, il aurait fait la connaissance d’un présumé trafiquant de drogue et se serait rapproché de lui.

 

«Autres vices»

 

Le présumé trafiquant en question devait se présenter tous les jours au poste de Terre-Rouge, c’était l’une des conditions de sa liberté conditionnelle dans une affaire de drogue où il avait été arrêté et inculpé. Le jeune policier et lui se seraient très vite liés d’amitié. «Auparavant, Arassen était très pieux. Il faisait le Cavadee chaque année. Mais après sa rencontre avec ce présumé trafiquant de drogue, il n’a plus été le même. Il a fini par abandonner le sport et a commencé à consommer de la drogue, entre autres vices. On lui a parlé à plusieurs reprises mais il n’écoutait pas. Et il nous mentait sans arrêt», témoigne un de ses proches.

 

À un moment, la famille d’Arassen Goinsamy entame des démarches pour l’envoyer en cure de désintoxication dans un centre spécialisé mais il trouve divers prétextes pour ne pas y aller. Lorsqu’il se marie en juillet 2018 avec la femme qu’il fréquente depuis quelque temps, ses proches s’accrochent à l’espoir qu’il va enfin se ranger. Effectivement, pendant un moment, il semble s’être assagi. Mais très vite, il replonge. «So madam ti vinn signal nou sa trwa mwa apre zot mariaz», soutient notre interlocuteur.

 

Cette fois, le jeune policier a fini par atteindre un point de non-retour en se retrouvant impliqué dans un vol avec violence et un meurtre. Son avenir, qui semblait tellement prometteur, semble aujourd’hui compromis.

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