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Bernard Maigrot aux Assises après 23 ans pour le meurtre de sa maîtresse - L’entourage de Vanessa Lagesse : «Est-ce que la police a refait une enquête ou se contente-t-elle des éléments déjà connus?»

27 mai 2024

L’homme d’affaires est poursuivi une seconde fois aux Assises pour le meurtre allégué de sa maîtresse, 23 ans après les faits.

L’attente est plus dure à supporter que le feu. Un proverbe arabe qui sied bien à la situation des proches de Vanessa Lagesse. Pour cause, ils attendent toujours, 23 ans plus tard, que le meurtre de celle-ci soit enfin résolu. La styliste a été sauvagement battue et tuée dans son bungalow à Grand-Baie dans la nuit du 9 au 10 mars 2001. Le principal suspect dans cette affaire est Bernard Maigrot, l’amant de la jeune femme, qui fait face à un deuxième procès aux Assises depuis quelques jours. À l’appel du procès, l’homme d’affaires a plaidé, une fois de plus, non-coupable. C’est le juge Luchmyparasd Aujayeb qui préside les travaux cette fois. Gavin Glover, Senior Counsel, assure la défense de l’accusé. L’audition des 53 témoins de la poursuite débutera ce mardi 28 mai.

 

L’entourage de la victime reste cependant sceptique quant à un dénouement favorable. «Est-ce que la police a refait une enquête ou se contente-t-elle des éléments déjà connus ? Qu’est-ce que la police a fait de nouveau après l’arrestation de Maurice et de Josianne Tosté, soit la mère et le beau-père de Vanessa, en 2021? La police avance qu’elle a retrouvé deux autres ADN sur les lieux du drame. Sait-on à qui ils appartiennent ? Plusieurs enquêteurs ont travaillé sur cette affaire. Plusieurs d’entre eux sont déjà morts. Il y a le sergent René, le chef inspecteur Clency Meeterjoye et le SP Prem Raddhoa. Il y a également Daniel Monvoisin qui a déjà pris sa retraite de la police», s’interroge une personne qui est proche à la fois des familles Lagesse et Maigrot.

 

Comment faire l’impasse également, se demande notre interlocuteur, sur le fait qu’Oozageer Suneechara, ancien patron du Central Criminal Investigation Department et de la Major Crime Investigation Team à l’époque, a été poursuivi et condamné à trois mois de prison pour corruption ? La police explique qu’elle a retrouvé l’ADN de Bernard Maigrot chez Vanessa Lagesse. Le nouveau procès aux Assises repose d’ailleurs sur les preuves scientifiques. «C’est un peu normal qu’on ait retrouvé son ADN chez elle car ils étaient amants. Mettez-vous à la place de Bernard Maigrot. Votre maîtresse est une belle  et riche héritière. Pour quelle raison l’assassiner ? Je pense que s’il fallait choisir, il aurait tué son épouse au lieu de sa maîtresse. La police a toujours été sur une mauvaise piste. Bernard Maigrot n’est qu’un bouc- émissaire», souligne ce proche des deux familles.

 

Aveux sous la torture

 

Bernard Maigrot, âgé de 39 ans à l’époque, avait été arrêté quelque temps après le drame, soit le 23 avril 2001, par l’équipe de l’inspecteur Radhoa. Le lendemain, lors de sa première comparution au tribunal de Mapou devant le magistrat Indiren Sivaramen qui avait duré des heures, il avait expliqué avoir fait des aveux sous la torture et avait nié les faits qui lui étaient reprochés. C’est en larmes que l’homme d’affaires avait fait état des actes barbares qu’il disait avoir subis au poste de police de Midlands qui était encore en construction à l’époque. Son leading Counsel était Ivan Collendavelloo. La police avait alors objecté à sa remise en liberté sous caution. Mais il avait fini par retrouver la liberté conditionnelle le 6 juillet 2001. L’affaire a connu un premier rebondissement le 7 mai 2003 lorsque le Directeur des poursuites publiques (DPP) a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire devant le tribunal de Mapou. Bernard Maigrot est alors poursuivi sous une accusation provisoire de manslaughter. L’affaire a connu un deuxième rebondissement le 28 novembre 2007 lorsque le magistrat Azam Neerooa a décidé de déférer Maigrot aux Assises après quatre ans de travaux de l’enquête préliminaire. Quelques mois plus tard, soit le 2 juin 2008, Gérard Angoh, le DPP de l’époque, a déposé une «discontinuance of proceedings», soit un arrêt de toutes les procédures légales entamées contre l’homme d’affaires.

 

Contre toute attente, l’enquête policière sur le meurtre de Vanessa Lagesse a été relancée le 28 décembre 2010 lorsque la police est venue de l’avant avec de nouvelles preuves scientifiques. Maigrot a à nouveau été arrêté quelques mois plus tard, soit le 23 mai 2011, et a continué de rejeter les accusations portées contre lui. Il a retrouvé la liberté conditionnelle 10 jours plus tard. Le 18 mai 2012, la police a logé une nouvelle accusation formelle de manslaughter contre lui aux Assises. Le procès devait être présidé par le juge Prithviraj Fekna mais il n’a jamais pu démarrer celui-ci en raison de plusieurs motions soulevées par la suite.

 

Le 5 septembre 2019, le procès de Maigrot a redémarré à zéro aux Assises suite au décès du juge Fekna. C’est le juge Benjamin Marie Joseph qui avait hérité du dossier. Toutefois, l’affaire n’a finalement jamais pu être entendue aux Assises. Le 9 février 2022, elle a connu un autre rebondissement lorsque le DPP d’alors a déposé une «discontinuance of proceedings». Quelques jours plus tard, soit le 22 février, le DPP a institué un nouveau procès aux Assises contre l’homme d’affaires en se basant sur les nouvelles preuves scientifiques de la police. Le 23 octobre 2023, Maigrot a une fois de plus plaidé non-coupable. On lui a alors fait comprendre que la Cour d’assises allait écouter l’affaire du 20 mai au 28 juin 2024. «Il n’y a pas de direct evidence contre mon client», a déclaré Gavin Glover dans son opening speech. L’entourage de l’accusé semble être du même avis. «C’est un procès de la honte où la police a obtenu des aveux sous la torture», martèle notre interlocuteur.

 

Dans le présent procès aux Assises, la poursuite, représentée par Me Darshana Gayan, Senior Assistant au bureau du DPP, confirme que l’ADN de l’homme d’affaires a été retrouvé sur les lieux du drame. «La famille est dégoûtée. Bernard Maigrot fait régulièrement le va-et-vient entre Maurice et la France où son épouse Isabelle est en soin pour un cancer depuis quelque temps. Elle est pratiquement handicapée à cause de sa maladie. À chaque fois, Bernard Maigrot doit demander la permission du judiciaire pour pouvoir quitter le pays et aller rendre visite à son épouse. Il a toujours respecté ses engagements. Il rentre au pays à la date indiquée. N’est-ce pas là une belle preuve de son innocence alors qu’il aurait bien pu prendre la fuite à chaque fois pour échapper à la justice ?» précise ce proche des Lagesse et des Maigrot qui dit ne vouloir qu’une chose : que justice soit faite dans cette affaire.

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