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Brutalités policières - La famille Samrandine : «Zot inn fer dominer»

Les images de cette arrestation musclée ont provoqué une avalanche de réactions sur  les réseaux sociaux.

Matraques et bombes lacrymogènes étaient de sortie lorsqu’une vingtaine de policiers a débarqué chez la famille Samrandine, le mardi 24 mars, parce que certains de ses membres n’auraient pas respecté le couvre-feu et auraient endommagé un véhicule de police. L’arrestation de Billy et Ricardo, âgés de 39 ans et 49 ans, a eu lieu dans des conditions brutales et choquantes, à en croire les images de cette intervention ayant circulé sur les réseaux sociaux. Leur entourage, révolté, témoigne...

Les forces de l’ordre sont très sollicitées sur le terrain depuis que le gouvernement a imposé le confinement national. D’ailleurs, plusieurs images les montrant en action ont circulé en masse sur les réseaux sociaux durant la semaine écoulée ; pratiquement toutes filmées par les policiers eux-mêmes. Était-ce dans le but de susciter une prise de conscience chez les membres du public afin qu’ils n’enfreignent pas la loi ?

 

Quoi qu’il en soit, si les premières vidéos ont plutôt fait rire certains internautes, d’autres, en revanche, qui sont venues après, ont provoqué une avalanche de réactions et de commentaires révoltés sur la Toile. À l’instar de l’arrestation musclée des frères Billy et Ricardo Samrandine, 39 ans et 49 ans respectivement, et domiciliés à Résidence Vallijee.

 

Battus à coups de matraques par près d’une vingtaine d’officiers à leur domicile parce qu’ils n’auraient pas respecté le couvre-feu et auraient endommagé un véhicule de police, ils ont également été brutalisés et torturés - notamment avec des décharges électriques - par ces «brebis galeuses» de la force policière. Le comportement de ces policiers n’a laissé d’autre choix au commissaire de police que de prendre de sévères actions à leur encontre.

 

Le vendredi 27 mars, Martine Samrandine a eu 73 ans. Mais elle n’avait pas du tout le cœur à la fête. Il y a à peine trois semaines, elle a perdu son aîné, Gérard, dans un accident de la route. Et voilà qu’un autre drame la frappe de plein fouet en cette période de confinement. Ses deux autres fils, Billy et Ricardo, ont été arrêtés le mardi 24 mars ; une arrestation menée dans des conditions brutales et choquantes, qui ont provoqué l’indignation des internautes. Celle-ci, visiblement filmée par les officiers ayant conduit cette opération, a fait le tour des réseaux sociaux durant les heures suivantes.

 

On y voit plusieurs membres de la force régulière, aidés d’officiers de la Special Mobile Force (SMF), brutalisant les deux hommes avant de leur passer les menottes. Matraques et bombes lacrymogènes étaient de sortie au cours de cette intervention musclée qui s’est déroulée en présence des femmes et enfants de la famille. Le passage à tabac de Billy et Ricardo Samrandine ne s’est pourtant pas arrêté là car une fois appréhendés, ils ont également été brutalisés et torturés avec une torche électrique, comme le démontrent des images vidéo.

 

Sollicitée, Pascaline Samrandine, 19 ans, la fille de Billy, raconte que tout a démarré le lundi 23 mars. «Nous étions tous à l’intérieur lorsqu’un véhicule de police s’est arrêté. Nous pensions que les policiers avaient besoin d’un renseignement et ma grand-mère leur a ouvert la porte. Zot finn koumans zoure ek bat li ek mo matant kout matrak san okenn explikasion.» Toute la famille est alors sous le choc. «Mon père est intervenu pour prendre la défense de sa mère. Lorsqu’il a demandé aux policiers pourquoi ils s’en prenaient aux femmes, ces derniers l’ont également agressé.» Les policiers diront plus tard qu’ils ont voulu ramener à l’ordre les membres de cette famille car ils ne respectaient pas le couvre-feu alors que ces derniers affirment que, quand les agents ont débarqué, ils étaient tous à l’intérieur.

 

«Des enfants...»

 

Quoi qu’il en soit, les policiers auraient quitté les lieux quelques minutes plus tard pour revenir très tôt, le mardi 24 mars. «J’ai reconnu les policiers venus la veille. Cette fois, ils étaient de retour avec des collègues. Ils s’en sont à nouveau pris à nous. Se pou sa ki nou finn kraz zot transpor», confie Pascaline. La famille Samrandine n’était cependant pas au bout de ses peines vu que 15 minutes plus tard, les forces régulières sont revenues, armées et accompagnées d’agents de la SMF. «Même si mon oncle leur a avoué que c’était lui qui avait endommagé leur véhicule et dit qu’il se rendait, ils l’ont agressé. Ils ont ensuite utilisé des bombes lacrymogènes pour arrêter mon père alors que des enfants étaient présents. Lors de cette intervention, j’ai moi-même été brutalisée», déplore la jeune femme qui est enceinte. Lorsqu’elle a, par la suite, vu les images de son père et de son oncle se faisant torturer par les policiers, cela n’a fait que la perturber davantage ainsi que toute la famille. «Zot finn fer dominer. Zot pa ti bizin azir koumsa !»

 

Un policier a déjà été arrêté dans cette affaire impliquant une vingtaine de personnes – un chef inspecteur, un inspecteur, un sergent, 12 constables et quatre officiers de la SMF. L’agent arrêté fait l’objet d’une accusation provisoire de torture, nous dit une source aux Casernes centrales. Quatre autres policiers ont aussi été interrogés dans le cadre de cette enquête. Ils avancent que les deux individus ont saccagé leur véhicule et lancé des projectiles sur eux alors qu’ils tentaient de les faire rentrer chez eux. Leur interpellation est intervenue après un point de presse du commissaire de police dans la soirée du mercredi 25 mars. Mario Nobin condamne sans réserve les cas de brutalités policières révélés dans des clips diffusés sur les réseaux sociaux.

 

Il dénonce les agissements et les écarts de conduite de certains de ses éléments : «Sa video-la pe demontre violans lor sertin individi ek ousi non respe bann drwa imin. Kom CP, monn touzour pronn respe sak individi ki apartenir a Repiblik Moris. Me malerezman, ena sertin eleman ki pe fer bann ekar de kondwit. Kan mo finn pran konesans sa video-la, mo finn donn instriksion pou koumans enn lanket imediatman.»

 

Lors de son intervention, le CP Mario Nobin a aussi souligné qu’il sait déjà où a eu lieu cette descente musclée et quel est le groupe de policiers impliqué dans cette affaire. Il explique qu’il connaît également celui qui a diffusé ledit clip sur les réseaux sociaux. «Je lance un appel à la population. Nous sommes dans une situation sans précédent. Nous faisons face à un énorme défi. C’est ensemble que nous allons pouvoir relever ce défi. Ce n’est pas le moment pour des écarts de conduite.» Le service de presse de la police a également émis un communiqué de presse dans lequel le CP Nobin précise que «la police a initié une enquête pour établir les faits et la véracité de cette vidéo. La police condamne tout acte de brutalités policières et prendra les actions appropriées à la suite de ses enquêtes».

 

La famille Samrandine ne compte pas non plus en rester là. Ses membres soutiennent qu’une fois la période de confinement levée, ils s’en remettront à la Commission des Droits de l’Homme. À l’heure où nous mettions sous presse, Ricardo était toujours admis à l’hôpital alors que son frère Billy est, lui, en détention policière. Des accusations provisoires de «breach of curfew» et d’agression devraient être logées contre eux. 

 

Rama Valayden pour une suspension immédiate des agents impliqués

 

L’homme de loi se dit outré par les images démontrant plusieurs agents de police brutalisant deux individus. «Je demande la suspension immédiate des officiers ayant torturé de la sorte ces deux hommes», lance Me Rama Valayden. Il est soutenu dans sa requête par d’autres hommes de loi militant pour les droits humains et compte, avec leur aide, organiser une conférence de presse dès que la période de confinement sera levée. Il demande à la Human Rights Commission et à l’Independent Police Complaints Commission d’initier, elles aussi, des enquêtes sur ce cas. «La majorité des membres de la force policière font un travail formidable mais les brebis galeuses doivent être punies.»

 

Le CI Hector Tuyau, président de l’Union policière : «Notre syndicat condamne sans réserve les actes de torture»

 

Le port de l’uniforme de la police implique de grandes responsabilités. L’une d’elles est le respect de l’homme et de ses droits dans l’exercice de ses fonctions. Voilà pourquoi l’Union policière - un des trois syndicats de la force policière lancés en janvier 2017 -, par le biais de son président, le chef inspecteur Hector Tuyau, se range du côté du commissaire de police Mario Nobin. Il dénonce les actes de torture perpétrés contre deux suspects lors d’une opération très musclée à Cité Vallijee : «Notre syndicat condamne sans réserve les actes de torture. Je suis d’accord avec la décision du commissaire de police d’initier une enquête sur les cas de brutalités policières révélés dans des clips diffusés sur les réseaux sociaux. Notre syndicat condamne tout acte de brutalités policières et exige que les actions appropriées soient prises à la suite des enquêtes initiées.»

 

L’avocat Yahia Nazrooporte plainte 

 

Il a logé une precautionary measure en tant que citoyen mauricien. Après avoir visionné les vidéos où on voit les frères Samrandine se faire brutaliser par les forces de l’ordre, l’avocat Yahia Nazroo a consigné une déposition au poste de police de Pointe-aux-Canonniers. Qualifiant le comportement de ces membres de la force policière d’inacceptable, il demande au commissaire de police et à la Police Complaints Division de la Human Rights Commission d’initier des enquêtes.

 

Dis-Moi dénonce la politique de torture de la police

 

Erickson Mooneapillay, avocat et responsable de l’ONG Dis-Moi qui milite pour le respect des droits humains, est catégorique : bien que le pays soit dans une situation d’urgence sanitaire, «rien ne justifie la torture par les agents de l’État». Pour lui, «les auteurs de torture sont des hors-la-loi qui agissent dans la lâcheté et trouvent leur refuge dans l’impunité et la loi du silence». L’homme de loi rappelle que seul le judiciaire peut décider de la culpabilité d’une personne et que toute punition en dehors du cadre légal constitue une offense punissable par nos lois. «Il est primordial que la confiance du public soit maintenue pour le respect et la bonne marche de nos institutions. Dis-Moi demande à ce que les auteurs des actes de torture soient traduits devant une cour de justice dans les plus brefs délais afin qu’ils soient jugés pour ces actes insensés et barbares.» Un policier trouvé coupable de torture risque une amende ne dépassant pas Rs 150 000 et une peine d’emprisonnement maximum de 10 ans.

 


 

Plus de 12 500 policiers mobilisés pour maintenir le Law & Order

 

La force policière - qui comprend un effectif d’environ 13 000 membres - est actuellement en état d’alerte maximale pour maintenir le Law & Order face à la situation qui prévaut dans le pays actuellement. Le quartier général de la police a mis un plan en place juste après la décision de lockdown annoncée par le Premier ministre, le jeudi 19 mars. Tous les policiers en service - hormis ceux qui sont en sick leave - sont mobilisés sur un système de rotation pour un meilleur service à travers le pays. Les policiers affectés au Prosecution Office ont été appelés pour renforcer d’autres équipes. 

 

Il y a aussi ceux qui évoluent au sein du Police Band qui agissent comme sentinelles dans des endroits stratégiques, notamment les supermarchés et autres commerces, avec la collaboration des vigiles des compagnies de gardiennage privées. Les caméras de Safe City sont également mises à contribution pour le maintien du Law & Order. À ce jour, la police a déjà procédé à l’arrestation de 561 personnes (au matin du samedi 28 mars) pour non-respect du couvre-feu. Ces contrevenants risquent une amende de Rs 500 et une peine de prison d’au moins six mois s’ils sont trouvés coupables.

 

Dix autres personnes ont, elles, été placées en détention après trois braquages. Deux d’entre elles avaient participé à celui d’un supermarché à Vallée-des-Prêtres. D’autres suspects sont recherchés dans cette affaire. Six individus ont, pour leur part, été arrêtés après une course-poursuite qui s’est terminée au cimetière de Cité Richelieu dans la soirée du 26 mars. Cela faisait suite à un cambriolage dans une compagnie spécialisée en importation de produits à Montée S, Petite-Rivière. Cinq hommes armés de sabres s’y étaient rendus pour faire main basse sur divers produits. Les malfrats sont partis avec deux véhicules de ladite compagnie après avoir agressé et ligoté le vigile, et volé son portable. La police a pu remonter jusqu’aux braqueurs grâce à la contribution des caméras CCTV. Lors de cette opération, les policiers ont dû faire usage d’une arme à feu car les suspects refusaient d’obtempérer. L’un d’eux a ainsi dû recevoir des soins à l’hôpital après son arrestation. Ses complices, tous des récidivistes, sont actuellement en détention.

 

Un commerce spécialisé dans des produits frigorifiés à Surinam a également reçu la visite de malfrats. Plus de deux tonnes de produits ont été emportées. La casse a duré environ 45 minutes, selon les images de la vidéosurveillance. Les suspects ont utilisé un camion pour emporter du poisson, du poulet, de la viande, des crustacés ou encore des bouteilles d’huile ; le tout estimé à plus de Rs 500 000.

 

Deux suspects sont en détention dans cette affaire. La police est sur la piste de leurs complices. Lors du point de presse du vendredi 27 mars, le DCP Jhugroo a souligné que «la police va maintenir la vigilance pour le Law & Order». Sauf que deux policiers ont également été coffrés pour vol de légumes dans un champ à Vacoas, le vendredi 27 mars.

 

Textes : Elodie Dalloo et Jean Marie Gangaram