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Confinement et autosuffisance alimentaire : quand le coronavirus fait raisonner l’appel de la terre

26 avril 2020

Anil, Krsna, Devina et Laurent racontent leur amour pour la terre.

Silence... Ça pousse ! Des petites tiges pointent. Les bred s’épanouissent. Les feuilles de menthe et de queues d’oignons ont réussi leur percée alors que les salades continuent de friser. Après un mois de confinement, la famille (verte) de certains Mauriciens s’agrandit. Surtout pour ceux qui ont entendu l’appel de la terre, il y a longtemps. Ils n’ont pas attendu d’être confrontés à la crise sanitaire qui secoue le monde en ce moment pour se rendre compte de l’importance d’être autosuffisant et de ne pas avoir à dépendre de l'importation pour pouvoir se nourrir.

 

Parce que la pandémie du coronavirus et les mesures de confinement qui en découlent ont suscité chez certains Mauriciens un nouvel intérêt pour l’autosuffisance, notamment quand vient le temps de se nourrir. Car pour certains, le complete lockdown qui avait provoqué la fermeture des commerces, rendant difficile l’accès aux fruits et aux légumes – période qui correspondait à un moment du mois où les salaires n’étaient pas versés et qui avait pris de court certains Mauriciens –, la peur de se rendre dans un commerce bondé et risquer une contamination, et les restrictions pour se rendre dans les supermarchés, fixées par la suite, ont occasionné bien des sources de stress, les menant à tirer une leçon de la crise actuelle : penser à l’autosuffisance alimentaire comme une alternative.

 

Si face à la situation, le ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, avait lancé un appel aux Mauriciens afin qu’ils retournent vers la terre et commencent à planter des fruits et légumes – «Il est chagrinant de constater, dans un pays tropical comme Maurice, que beaucoup de terrains sont abandonnés ou bétonnés», avait-il souligné –, des citoyens ont déjà mis la main… à la terre. «Quand j'étais au collège, j'avais l’agriculture comme sujet et c’est ainsi que j’ai acquis des connaissances et techniques à propos des plantes. Ça a toujours fait partie des choses que j’aime et aujourd’hui, j’ai un petit jardin sympathique. Au lieu d’acheter certaines herbes, je les fais pousser moi-même à la maison. J’en cueille au besoin et elles sont toujours fraîches», confie Anil Seeperson, un habitant de Résidence Kennedy, Quatre-Bornes, dont la passion est le sport, le jardinage et soigner les animaux.

 

C’est un sentiment de fierté qui l’a animé lorsqu’il a pu consommer, il y a quelques semaines, sa récolte – des gombos (lalo) et des herbes comme le romarin, la menthe, des queues d’ail, queues d’oignons et des pamplemousses : «M'occuper de mon jardin prend une partie de mon temps. J'enlève les mauvaises herbes, je plante et j’arrose mes semences. Dans un environnement, entouré de briques et d’asphalte, j’aime bien avoir mon espace vert. J’ajoute aussi un petit côté écolo à mon jardin. Vu que je suis sportif, j’utilise ainsi mes pots de protéine vides pour y cultiver mes plantes et des fleurs pour décorer l’intérieur de ma maison. Ma tante m’aide vraiment beaucoup à ce niveau car elle les entretient quand je suis au travail. On se partage la responsabilité du jardin et je lui suis très reconnaissant.»

 

Écologie

 

En sus de pouvoir compter sur ce qu’il produit et de ne pas avoir à aller loin pour avoir de quoi manger, Anil prend aussi beaucoup de plaisir à s’occuper de son petit potager : «Récemment, j'ai planté des lalo qui ont bien poussé et des pommes d’amour. J’ai aussi un pamplemoussier, des bananiers, de la canne et du noni, entre autres. Je prends beaucoup de plaisir à planter, c’est fascinant. C’est comme faire grandir un enfant. On s’en occupe au stade où ils sont de jeunes pousses et après, c’est un plaisir de voir que ça grandit et que ça rapporte des fleurs ou des légumes. Il y a aussi une satisfaction de voir la récolte après avoir mis de la patience et de l’amour pour s’occuper des plants. Ça embellit aussi et égaye mon chez-moi car les oiseaux, les abeilles et les couleurs sont souvent au rendez-vous.»

 

Krsna Bacha est un autre heureux qui a pu se servir dans son jardin dans ces moments difficiles. Devant la situation et voyant l’importance d’être autosuffisant, le jeune homme n’a pas hésité à s’investir davantage dans son potager : «Avoir mon propre potager a été la première pensée qui m'est venue à l'esprit lorsque les discussions sur le confinement ont commencé. Les raisons étaient assez simples. Nous ne connaissions pas jusqu'à peu la nécessité d'avoir à aller faire ses courses selon un ordre alphabétique et à hauteur de deux fois la semaine. Ce sont des circonstances qui nous ont amenés à rester longtemps à la maison. Cela signifie pour moi survivre avec ce dont on dispose.» Lui aussi avait déjà mesuré l’importance de cultiver ses propres légumes et fruits : «Par intérêt général pour la permaculture et l'écologie, je savais qu’il était possible de cultiver des légumes essentiels et de récolter assez rapidement. Pour commencer, je me suis lancé avec les tomates, la salade de roquette, les herbes. J’avais déjà de la papaye, des cocos et de l'atte comme fruits. Le début du confinement m’a aussi fait réaliser à quel point il est intéressant d’être autosuffisant. J’en ai profité pour me tourner vers la culture de pommes de terre, de patates douces, d’aubergines, d’épinards, de citrouilles, de piments, poivrons et christophines. Ils sont tous très faciles à cultiver et n’ont pas besoin de beaucoup d’entretien. Sur le même flux, j’ai commencé à faire pousser des légumes et des herbes et racines comme le gingembre, l’ail, les oignons, le chou et la menthe. Celles-ci sont incroyablement faciles à cultiver. Vous utilisez juste ce dont vous avez besoin et mettez le reste dans l’eau ou dans un sol humide près de la fenêtre.»

 

Aujourd’hui, il ne regrette absolument pas d’avoir fait le choix de se tourner vers la terre. «Cette expérience m'a permis de réaliser combien nous gaspillons et dépensons pour acheter constamment des articles. Cultiver ce qu'on consomme apporte tellement d’économies et, de plus, on est assurés d’avoir des aliments biologiques avec un bon goût de satisfaction.»

 

Devina Lobine est aussi une amoureuse de l’agriculture. Cette passion de la terre lui vient de sa famille. «Mon père est dans le domaine et bien évidemment, chez nous, nous avons des herbes variées mais surtout des fruits comme les papayes, les goyages de Chine, les mandarines et les pamplemousses. Avec la crise actuelle, on voit le prix élevé de certains fruits. C’est donc un plaisir de pouvoir se servir dans son jardin», nous dit la jeune femme, détentrice d'un degré en biotechnologie agricole et d'un PHD en Natural Product. Elle croit vraiment que les Mauriciens gagneront à cultiver la terre : «C'est vrai que, pour planter, il faut un jardin mais il y a aussi d’autres moyens de le faire. Je suis membre de la Jeune chambre et nous travaillons d’ailleurs sur un projet de Rooftop Farming qui pourrait convenir à beaucoup de Mauriciens.»

 

Laurent Ayady parle lui aussi de l’agriculture avec beaucoup de sérieux : «Je suis agronome, je suis détenteur d’un BSC en agriculture, c’est donc mon domaine. À mon avis, c’est vraiment un secteur qui mérite l’attention et l’investissement des Mauriciens, particulièrement des jeunes. Beaucoup pensent que planter, cultiver, c’est se salir les mains. Or, c’est un domaine qui s’est beaucoup développé et qui utilise maintenant de la technologie. On peut être agriculteur sans forcément se salir les mains», soutient le jeune homme qui a pu récolter récemment des maniocs, entre autres légumes qui font sa fierté. Lui qui a, depuis très longtemps, entendu l’appel de la terre...

 


 

Ils passent au vert

 

 

Une nouvelle aventure commence pour eux. Eux, ce sont ces Mauriciens qui, avec le confinement, ont décidé de se tourner vers la terre. Parmi, Nivesh Pagooah. «On est en confinement et à un certain moment, je me suis posé une question. J’avais une idée en tête. Certes, je suis en mode work from home et dans les moments où je ne travaille pas, je me suis dit, pourquoi ne pas mettre à profit ce temps pour faire quelque chose d’utile. J’ai parlé à ma mère et c’est ainsi que le projet de convertir une portion de terre où il y avait du gazon en un jardin», raconte le jeune homme, très enthousiaste par son projet.

 

Des heures, des jours de travail et d’investissement personnel plus tard, le voilà qui regarde avec satisfaction ses plants – des petits pois, pistaches, raves et autres – qui sortent de terre. «C’est vraiment une satisfaction de voir cela», souligne un Nivesh débordant d’autres idées en parlant de ses plants bio, tout en invitant aussi les Mauriciens, du moins ceux qui le peuvent à explorer cette voie.

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