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Deux dénonciateurs et plusieurs arrestations suivant les «Moustass Leaks» : la liberté sur parole accordée aux cinq suspects après un long délibéré

3 novembre 2024

Sherry Singh, Kaviraj Ramjhuria, Jameer Yeadally, Nadeem Varsally et Leevy Frivet sont provisoirement accusés de «misuse of fake profile» et de «prohibition of acts of terrorism».

Ils sont soupçonnés d’être à l’origine des Moustass Leaks qui continuent de captiver l’attention de la population jour après jour. Dans la nuit du jeudi 31 octobre au vendredi 1er novembre, Nadeem Varsally, Jameer Yeadally, Leevy Frivet et Kaviraj Ramjhuria, ainsi que l’ancien Chief Executive Officer de Mauritius Telecom et fondateur de One Moris, Sherry Singh, ont été appréhendés par la Special Striking Team (SST) pour «conspiracy to do an illegal act» et «cyber terrorism sous la Prevention of Terrorism Act (PoTA)». Leur arrestation est survenue suite à la déposition de Yassin Bhuglow, un Financial Consultant ayant anciennement adhéré au parti de Sherry Singh, qui soutient avoir été présent au moment où les montages des vidéos et bandes sonores se faisaient dans les locaux de One Moris. Il déclare avoir reconnu les voix de Mes Raouf Gulbul et Shamila Sonah-Ori dans l’un des enregistrements. L’ancien homme de confiance de Navin Ramgoolam, Rakesh Gooljaury, a aussi consigné une déposition contre Sherry Singh, alléguant que ce dernier lui aurait déjà fait écouter ces enregistrements pour lui faire du chantage. Il soutient que le fondateur de One Moris aurait menacé de publier des bandes sonores pour nuire à ceux impliqués s’il ne l’aidait pas à regagner les faveurs de ceux proches du pouvoir. D’autres suspects seraient dans le viseur des enquêteurs.

 

Ce n’est que vers 16 heures, le vendredi 1er novembre, que les suspects ont été autorisés à s’entretenir avec leur homme de loi après avoir passé la majeure partie de la journée incommunicado. Lors de leur interrogatoire par les enquêteurs de la Cybercrime Unit, les suspects Nadeem Varsally, Jameer Yeadally, Leevy Frivet et Kaviraj Ramjhuria ont nié toute implication dans le partage des bandes sonores «scandaleuses» publiées sur divers réseaux sociaux sous le nom d’utilisateur Missie Moustass. Leurs domiciles respectifs ont été perquisitionnés et leurs cellulaires et ordinateurs portables ont été saisis pour les besoins de l’enquête. Quant à Sherry Singh, soupçonné d’être le principal protagoniste dans l’affaire, il a été confronté aux allégations de Rakesh Gooljaury jusqu’à fort tard.

 

Après avoir passé la nuit en détention policière, les cinq suspects ont comparu devant la Bail & Remand Court (BRC) le lendemain, soit ce samedi 2 novembre, où des accusations provisoires de «misuse of fake profile» et de «prohibition of acts of terrorism» ont été logées contre eux. Plusieurs points ont été avancés par le Police Prosecutor pour s’opposer à leur remise en liberté, à savoir le risque d’interférer avec des témoins, de manipuler les preuves ou de quitter le pays. Leurs avocats respectifs ont, néanmoins, présenté une motion pour que la liberté conditionnelle leur soit accordée.

 

Preuves insuffisantes

 

Un représentant du State Law Office, Me Nataraj Muneesamy, a dû être sollicité pour faire connaître sa position quant au sort des cinq suspects dans cette affaire. C’est finalement peu avant 20 heures qu’il a fait part de sa décision à l’audience et a accepté que les suspects soient libérés sur parole, en soutenant que la police ne disposait pas de suffisamment de preuves pour ce dont ils sont accusés. Ceux-ci devront, toutefois, se présenter au poste de police le plus proche de chez eux entre 6 heures et 8 heures le dimanche 3 et le lundi 4 octobre, ils doivent avoir une adresse fixe, ils ne sont pas autorisés à quitter leur domicile entre 21 heures et 6 heures et n’ont pas le droit de communiquer entre eux. Ce lundi, les cinq suspects devront aussi payer deux cautions de Rs 80 000 et signer une reconnaissance de dettes de Rs 800 000.

 

Le suspect Nadeem Vardally, précisons-le, n’est pas un inconnu de la scène locale. Cet habitant d’Albion âgé de 43 ans est le fondateur de Crazy TV, une émission 100 % humour qui comprend le doublage de films en créole ou encore des fausses pubs. Il a retenu les services de Me Lovena Sowkhee. Dans une déclaration à la presse, l’avocate a avancé que son client est «prestataire en éclairage et cadrage pour diverses entreprises. Il a même déjà offert ses services au Premier ministre une vingtaine de fois. Ses services ont également été retenus par One Moris en ce sens». Elle a tenu à préciser que le whistleblower Yassin Bhuglow s’est rendu dans les locaux de la Special Striking Team à 3 heures du matin pour faire une déclaration et s’interroge :  «Kifer enn dimoun ki ena enn problem vinn devan laport kasern trwa zer di matin pou fer enn statement olie li al dan station so lokalite ? Nou bizin kone kinn arive avan pou ki linn retrouv li laba sa ler la.» Après que le tribunal a rendu son verdict, Nadeem verdally a déclaré : «Finn met enn fos akizasion kont mwa, pass 24-er dan prizon. Tousala inn koz enn troma. Mo garson ek mo madam pann dormi ditou. Mo espere ki la polis fer so travay. Mo ena enn lespwar ki nou demokrasi ankor lamem.»

 

Jameer Yeadally, pour sa part, est défendu par Me Shameer Hossenbocus. Cet habitant de Terre-Rouge âgé de 38 ans, un ex-journaliste, a été l’attaché de presse du vice-Premier ministre et ministre des Collectivités locales, le Dr Anwar Husnoo. Il a démissionné de son poste après s’être retrouvé au cœur des incidents à La Citadelle en novembre 2023. Après qu’il a retrouvé la liberté la liberté sur parole, son avocat a avancé : «Erezman biro DPP inn pran desizion ki bizin. Enn minit ki pe ferm enn inosan, se enn minit de tro.» Comme son client, Leevy Frivet, âgé de 43 ans et domicilié à Terre-Rouge, est également un ancien journaliste. Il a aussi été l’attaché de presse du ministre du Travail Soodesh Callichurn, avant de donner sa démission en 2019. Il avait rejoint le Reform Party lors des dernières élections générales, n’ayant pas eu d’investiture sous la bannière MSM. Il est défendu par Me Jean Claude Bibi. Lorsque l’avocat s’est adressé à la presse après qu’il a obtenu la liberté sur parole, il s’est dit «confiant que nos institutions publiques fonctionnent vraiment».

 

Le suspect Kaviraj Ramjhuria, âgé de 52 ans et domicilié à Terre-Rouge, est, quant à lui, un Graphic Designer marié à l’ex-Chief Human Ressource Officer de Mauritius Telecom qui avait été licenciée de la boîte après la démission de Sherry Singh. Il est défendu par Me Satyajit Boolell, ex-DPP. Pour l’homme de loi, «se la prev ki nou demokrasi fonksione. La zistis fer so travay. Anou gard nou latet lor nou zepol. Nou swete ki sakenn amenn so rol dan le respe de la demokrasi».

 

«Agressivité»

 

Par ailleurs, l’ex-CEO de Mauritius Telecom, Sherry Singh, a retenu les services de Me Urmila Boolell. Dans une déclaration à la presse, elle a expliqué que Rakesh Gooljaury a associé l’individu derrière Missie Moustass à son client. Elle explique que c’est la quatrième fois que Sherry Singh a été arrêté, mais que «c’est la première fois que les membres de la SST ont fait preuve d’une telle agressivité. Zot inn montre enn warrant ki personn pann kapav trouve. La MCIT a ensuite repris l’enquête». Elle insiste sur le fait que «pena oken evidans lor mo klian. Lakour pe baz li lor deklarasion Gooljaury, ki pa enn personn indepandan». Sherry Singh a aussi pu compter sur le soutien de Me Rouben Mooroongapillai.

 

Dans une déclaration faite à la presse après que son client a été libéré sur parole, l’avocat s’est adressé à la presse, satisfait :  «Bizin respekte bann institision ek biro DPP. Azordi, nou finn trouve ki le DPP so pouvwar ki prime.» Précisons aussi qu’au moment où les cinq suspects étaient en détention policière, de nouvelles bandes sonores ont été partagées sur la page YouTube de Missie Moutass. L’enquête suit son cours.

 

Elodie Dalloo & Jean Marie Gangaram

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