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12 septembre 2022 15:28
Jusqu’au bout, elle a été fidèle au poste. Inébranlable malgré la vieillesse. Souriante malgré des soucis de santé. Digne dans son rôle de reine. Comme dans cette dernière photo d’elle, ce mardi 6 septembre – deux jours avant qu’elle ne rende l’âme le jeudi 8 septembre –, dans laquelle elle apparaît fébrile mais debout pour recevoir Liz Truss, la toute nouvelle Première ministre britannique, pour sa nomination officielle. Et c’est de par son courage à toute épreuve, malgré tout ce qu’elle a traversé au cours de ses sept décennies de règne – la Seconde Guerre mondiale, la dissolution de l’Empire britannique, l’élection de 15 Premiers ministres, sans oublier de nombreuses crises familiales –, qu’Elizabeth II, âgée de 96 ans et ayant fêté ses 70 ans de règne en juin, forçait l’admiration. Contre vents et marées, pour celle qui était auréolée d’une immense popularité à travers le monde et qui incarnait la stabilité, ça a toujours été le sens du devoir avant tout...
Et c’est le charisme de ce petit bout de femme et sa grande force de caractère qui ont marqué tous ceux et celles qui ont eu l’occasion de croiser son chemin. Yaaseen Edoo, 35 ans, activiste pour les droits des personnes en situation de handicap, qui avait reçu le Queen’s Young Leaders Award pour son engagement en 2015, se rappelle d’une dame très attentive qui avait su le mettre à l’aise lors de leur rencontre. Cet habitant de Terre-Rouge n’est pas près d’oublier ce qu’il qualifie de grand moment dans sa vie. «Je suis extrêmement peiné et attristé d’apprendre le décès de Sa Majesté la reine. En juin 2015, j’ai eu le privilège, l’honneur et la chance de la rencontrer au palais de Buckingham en recevant de ses mains le prestigieux prix du Queen’s Young Leaders Award», nous confie le jeune homme qui, depuis jeudi, suit avec attention toute l’actualité autour de cette triste disparition qui émeut le monde entier, bien que la monarchie soit loin de faire l’unanimité.
Yaaseen chérira à jamais cette rencontre et cette poignée de main qu’il a eues avec Elizabeth II. «Je garderai pour toujours les souvenirs de cette grande dame avec une personnalité forte, gentille, d’une simplicité et humilité extraordinaires, une vraie leader qui était aussi une inspiration pour toutes les femmes et tout le monde en général», poursuit le jeune homme qui se rappelle aussi une anecdote autour de sa rencontre avec la défunte souveraine : «Après la partie protocolaire de la remise de prix, pendant la collation, la reine était en train de marcher et de parler avec quelques invités. Elle s’était approchée de moi et m’avait demandé avec un sourire :
“Où est ton prix ?” Je lui ai répondu que je l’avais gardé. Je ne vais jamais oublier ce moment-là...»
Des moments comme cela, d’autres Mauriciens privilégiés les ont aussi vécus. Paule et son fils Gino se souviennent de la fierté de Pierre Ramtohul (aujourd’hui décédé) lorsqu’il racontait comment, avec toute une équipe mauricienne du chantier naval de Taylor Smith, il avait travaillé sur la transformation d’une Jaguar XJ6 – voiture officielle de sir Gaëtan Duval, à l’époque ministre et maire de Port-Louis – en décapotable pour véhiculer la reine Elizabeth II et son époux le prince Philip sur les routes de la capitale, lors de leur visite officielle dans l’île en mars 1972. «Forcément, c’est un travail qui avait marqué mon époux Pierre. Ce n’était pas quelque chose de facile à faire mais toute l’équipe avait pu relever le défi et ils étaient tous très contents. Mon époux se disait heureux d’avoir participé à sa manière à ce petit moment de l’Histoire. Il gardait d’ailleurs précieusement la photo qu’il avait avec la reine», nous raconte Paule en revenant sur ce souvenir heureux qui fait partie de l’histoire de sa famille.
Ce déplacement de Sa Majesté la reine chez nous a marqué bien des esprits. Ceux qui connaissent Ramchurn Gowry en savent quelque chose. Il y a un an, lors du décès de l’époux d’Elizabeth II, Kamini Tulwa nous racontait son bonheur de savoir que son père avait pu rencontrer la reine Elizabeth II avec qui il avait échangé quelques mots. Kamini Tulwa (décédée cette année) connaissait très bien l’histoire de la visite royale à Maurice en 1972 car c’est son père Ramchurn qui avait, ce jour-là, conduit la voiture du couple royal. «À chaque fois que je revois ces images, je replonge dans les souvenirs et je me dis que mon père a eu l’honneur de les voir et de les rencontrer. Mon papa m’a raconté une histoire que peu de personnes connaissent. À l’époque, c’était confidentiel. Ce jour-là, la voiture officielle avec le couple royal à bord a failli avoir un accident. Une dame s’était approchée trop près de la voiture, sans doute pour voir la reine et le prince. Mais mon père a pu éviter l’accident. Il croyait que la reine ne s’en était pas rendu compte mais en fait, elle avait bien compris. Le même soir, alors qu’il y avait une garden party au Château du Réduit, la reine a envoyé une voiture chez nous pour récupérer mon père et c’est pendant l’événement qu’elle a décoré mon papa d’une Royal Victorian Medal. Elle lui a aussi parlé. C’est une fierté pour notre famille», nous confiait alors Kamini Tulwa, émue.
Sa fille Nisha, que nous avons contactée, a bien évidemment été bercée par ce récit. «C’est en effet une histoire qui est associée à mon grand-père et à ma famille», témoigne-t-elle au moment où le monde rend hommage à une reine bien aimée et qui reflétait l’image d’une mère et d’une grand-mère qui a touché bien des gens du monde entier.
L’homme de loi Sanjay Bhuckory se souvient aussi avoir été impressionné par Elizabeth II lors de son passage chez nous. «J’avais 12 ans à l’époque. Et la reine symbolisait ce qu’elle symbolisait. À un moment, Elizabeth II était aussi ma reine. Et lors de son voyage chez nous, en 1972, je venais d’intégrer le collège Royal de Port-Louis. C’était un peu les années de braise à l’époque mais la venue de la reine, je m’en souviens, avait fait souffler un vent de fraîcheur sur le pays», raconte Sanjay Bhuckory. Pour lui, cette visite était un événement : «Quand elle était là, c’était comme si le temps s’était arrêté. J’étais un jeune collégien. À ce moment-là, je découvrais un peu la politique et tout ce qui se passait dans l'île.. Il y avait aussi un côté sociopolitique qu’on ne pouvait pas négliger mais avec cette visite, le temps avait suspendu son vol et cela nous avait permis de rêver un peu. La royauté, qu’on le veuille ou pas, qu’on aime ou pas, fait rêver. En tant que jeune, je découvrais tout le débat sociopolitiaue et tout le débat contre la royauté également. N’oublions pas que le pays était fraîchement indépendant et qu’on avait une certaine image de la reine. Encore plus pour moi, jeune étudiant. Et ce jour-là, à la mairie de Port-Louis, on accueillait cette invitée de marque. Sir Gaëtan Duval était le lord-maire et mon père Somdath Bhuckory était secrétaire de la ville. En me remémorant cette visite, je me souviens d’une personne rayonnante de fraîcheur malgré tout le pouvoir qu’elle avait. Elle dégageait aussi une vraie joie de vivre. Je n’arrivais pas à croire que je me trouvais à quelques mètres de la reine, cette personne qui était pour moi inaccessible. On la voyait souvent en photo et là, elle était réelle. Je me souviens donc surtout de ce moment suspendu... Elizabeth II a été la reine de mon pays. Elle a été le chef d’État de mon pays. On lui doit du respect... On lui doit un devoir de mémoire.»
Sa soeur Sadhna Bhuckory avait eu un joli rôle à jouer ce jour-là. «J’avais 8 ans à l’époque et j’étais chargée de lui remettre un bouquet. Pour l’époque, la reine, c’était la reine. Ça faisait son effet de la voir, de la rencontrer, d’être en face d’elle. Je me souviens d’une dame très simple, très gracieuse, attentive, avec une petite voix douce. Elle s’était montrée très gentille avec moi. Elle avait pris le temps de me parler. Ce sont ces souvenirs que je garde de ce moment», conclut-elle, contente d’avoir pu un jour croiser le chemin d’Elizabeth II, cette reine qui marque à jamais l’Histoire...
Elizabeth II est née le 21 avril 1926. Son père George VI était devenu roi après que son oncle Edouard VII avait renoncé à ses droits pour épouser une femme divorcée. Elizabeth est alors devenue première dans l’ordre de succession. Elle a accédé au trône en 1952. Son couronnement a eu lieu le 2 juin 1953 et a été retransmis à la télévision. Une première mondiale. Elizabeth II était alors déjà mariée à Philip Mountbatten depuis 1947 et, ensemble, ils ont eu quatre enfants : Charles, Anne, Andrew et Edward. Après plusieurs décennies de mariage, la reine a perdu l’amour de sa vie lorsque le prince Philip est mort le 9 avril 2021, à l’âge de 99 ans. Bien que sa santé était vacillante, la reine a assisté à plusieurs événements ces derniers temps, dont le défilé militaire Trooping The Colour pour marquer les célébrations de son Jubilé de Platine, le 2 juin 2022, depuis le balcon de Buckingham Palace. C’est ce 8 septembre 2022, vers 21h40 (heure de Maurice), que la BBC a annoncé le décès de la reine Elizabeth II.
◗ Eddy Boissezon, président de la République (par intérim) : «La reine avait comme mission de servir son peuple et elle l’a très bien fait. Pour moi, elle a été l’élément unificateur du Royaume-Uni et du Commonwealth. Elle savait gagner son peuple. N’oublions pas qu’à l’époque où nous étions une colonie britannique, il y avait une photo de la reine dans presque toutes les maisons. Après l’Indépendance du pays, elle a aussi été notre cheffe d’État jusqu’en 1991. J’ai une pensée spéciale pour le roi Charles III et la population de Grande-Bretagne...»
◗ Pravind Jugnauth, Premier ministre : «J’ai appris le décès de la reine Elizabeth II avec beaucoup de tristesse. Elle a régné d’une façon exemplaire.»
◗ Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition : «La reine Elizabeth II s’est engagée à servir toute sa vie et restera dans les mémoires comme la plus ancienne monarque britannique de l’histoire.»
◗ Navin Ramgoolam, leader du PTr : «Le monde pleure une vie extraordinaire de dévotion et de service.»
◗ Arvin Boolell, chef de file du PTr : «Elle était le pilier du Commonwealth et l’architecte de l’unité dans la diversité.»
◗ Reza Uteem, président du MMM : «C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de la reine. Elle était la cheffe du Commonwealth dont fait partie Maurice. Il ne faut pas oublier les liens historiques entre Maurice et l’Angleterre.»
◗ Roshi Bhadain, leader du Reform Party : «Ce fut une journée inoubliable lorsque j’ai rencontré la reine Elizabeth II. Quand je lui ai dit que ce serait formidable si elle pouvait revenir à Maurice, elle m’a dit qu’elle était venue en 1972 et qu’elle laisserait maintenant cela à ses petits-enfants...»
Depuis ce triste jeudi 8 septembre, quand la nouvelle du décès de la reine a été annoncée, de nombreux Mauriciens, jeunes, moins jeunes et même les enfants, suivent de près cette actualité. Certains ont aussi exprimé leur chagrin sur les réseaux sociaux, notamment. Le Conseil des ministres a aussi décidé qu’un jour de deuil national sera observé dans l’île le jour des obsèques de la défunte souveraine. Et un livre des condoléances a été ouvert au haut commissariat britannique à Maurice.
Mridula Chooromoney, qui a toujours eu un profond respect pour la défunte souveraine, tient à lui rendre hommage. «Je me souviendrai toujours du jour où j’ai vu la reine à quelques mètres de moi, à la chapelle royale, à Windsor. Ce moment restera à jamais gravé en moi et l’idée de mon livre, The Soul Prayer, émane de cette messe à laquelle j’ai assisté en présence de la reine», nous raconte la jeune femme qui avait fait parvenir une copie de son livre à Elizabeth II. «Je suis comblée d’avoir pu lui faire parvenir mes sentiments les plus profonds à travers une lettre, avec une copie de mon livre, et j’ai eu la belle surprise de recevoir une réponse où elle me remercie pour la copie du livre et me dit qu’elle était ravie de mon séjour au Cumberland Lodge, entre autres», ajoute Mridula Chooromoney.
Selwyn Kaumaya suit aussi attentivement cette triste actualité et partage la douleur des Britanniques. «La reine Elizabeth II est une icône et une inspiration de sagesse. Elle a été fidèle à ses engagements, contre vents et marées, vis-à-vis de son peuple», souligne-t-il.
Loin des yeux, près du coeur, ceux qui ont quitté le Royaume-Uni pour s’installer dans notre île ne peuvent pas ne pas être partie prenante de l’émotion planétaire. C’est le cas de Gareth Leahy. «De toute ma vie, je n'ai connu que la reine Elizabeth II. Je sens que tout va changer maintenant. Regarder les images de la vie de la reine aux actualités est un excellent aperçu de la façon dont le Royaume-Uni a changé pendant son règne. Je pense que son influence sur la Grande-Bretagne ne sera jamais égalée», témoigne celui qui est actuellement en communion avec le Royaume-Uni...
Pleurs, vives émotions, coups de canon, drapeaux en berne, cloches et fleurs par milliers... Le temps s’est comme arrêté au Royaume-Uni depuis que la triste nouvelle du décès de la reine est tombée ce jeudi 8 septembre. Très vite après la diffusion du communiqué officiel, une importante foule s’est réunie devant Buckingham Palace à Londres, certains choisissant même de veiller toute la nuit. Depuis, des chants d’hommages sont entonnés et des bouquets de fleurs s’entassent devant les grilles du château.
Car même si la monarchie, avec son train de vie, est souvent critiquée, elle reste populaire et une majorité de Britanniques reste attachée au symbole d’unité et au rôle de représentation de la reine et de sa famille. Un symbole et un rôle également reconnus dans le monde entier, notamment par les dirigeants. D’ailleurs, de Joe Biden aux États-Unis à Emmanuel Macron en France, en passant par Xi Jinping, en Chine, les messages de sympathies suivant l’annonce du décès ont afflué.
En attendant les funérailles, le Royaume-Uni, actuellement en période de deuil national, fonctionnera au ralenti pendant plusieurs jours avec certaines activités et certains événements qui sont suspendus. Nos compatriotes installés en Angleterre vivent eux aussi au rythme de ce deuil national. Ricky Davedass partage avec nous ce moment difficile. «C’est un énorme choc pour notre nation et pour le peuple de Grande-Bretagne. Il y avait un silence stupéfait autour du palais de Buckingham et de Trafalgar Square, ma ligne de bus habituelle pour rentrer chez moi. Pendant la majeure partie de cet après-midi, la pluie a arrosé le centre de Londres. J’ai lu les nouvelles peu de temps après l’annonce. Il y a même eu un arc-en-ciel qui est apparu autour du palais. Et les gens l’ont filmé», nous confie le jeune homme.
Pour lui, Elizabeth II est une souveraine inoubliable : «Elle laisse derrière elle un héritage vraiment extraordinaire qui se retrouve dans presque tous les coins de notre vie nationale, ainsi que dans la vie de tant de nations à travers le monde, en particulier dans les pays du Commonwealth.»
Jean France Lanappe, son épouse Sarah et leurs deux fils Jean Fabio et Shawn, qui ont fait de l’Angleterre leur pays d’adoption, sont aussi plongés dans cette atmosphère qui règne au Royaume-Uni. «On a toujours respecté et apprécié la reine comme une reine d’abord mais aussi comme une maman et une grand-mère», conclut Jean France Lanappe qui se retrouve, comme beaucoup de personnes, au coeur d’un triste événement planétaire.
Enter le roi Charles III... Quel genre de souverain sera celui qui succède à Elizabeth II ? Une question que se pose le monde entier avec les yeux tournés vers la couronne d’Angleterre. Ameenah Gurib-Fakim, ancienne présidente de la République, se souvient parfaitement de sa rencontre avec le nouveau monarque du Royaume-Uni. «Quand j’ai rencontré le prince de Galles, maintenant le roi Charles III, c’était quelqu’un qui était, comme on dit, ahead of his time. Il croyait déjà dans la protection de l’environnement, de la nature, et il prônait beaucoup l’agriculture régénérative, c’est-à-dire qui vise à protéger le sol car si on ne protège pas le sol, on n’a pas de plantations et pas de plantes. J’ai trouvé que c’était quelqu’un d'assez avant-gardiste. Il avait décidé de prêter main-forte à l’organisation à laquelle j’étais associée qui était la Food Forever Initiative. Il nous avait invités à la Clarence House pour une demi-journée de réflexion. J’ai pu y prendre la parole et expliquer un peu notre initiative. Je ne pense pas que quelqu’un qui a cru dans cette démarche pendant aussi longtemps va renier sa vision et son ambition à aider la cause», nous confie Ameenah Gurib-Fakim qui considère le nouveau roi comme un allié pour les causes écologiques.
En effet, à 73 ans, Charles III (le plus vieux monarque britannique à accéder au trône), grand militant en faveur de l’écologie, une cause qu’il défend depuis sa jeunesse et qui lui tient particulièrement à coeur, devra marquer son règne de sa propre empreinte, lui qui n’a pas attendu que le sujet de la cause environnementale soit à la mode pour y être sensible.
Lors de son arrivée en tant que roi au palais de Buckingham, ce vendredi 9 septembre, en compagnie de son épouse Camilla, la reine consort, Charles III a reçu un accueil chaleureux de la foule, lui qui est considéré comme étant bien moins populaire que sa mère. Le nouveau roi, qui prend la couronne dans un contexte économique très difficile avec une population très affectée par la situation, s’est exprimé vendredi soir lors d’un premier discours télévisé. Il a rendu hommage à sa mère, la reine, et a promis de servir les Britanniques toute sa vie. Il a été proclamé officiellement roi ce samedi 10 septembre.
Dans les jours qui vont suivre, un long protocole bien ficelé sera déployé. Le cercueil de la reine doit revenir à Londres pour être déposé dans la salle du trône, à Buckingham Palace, où ses proches pourront veiller. Une procession du cercueil et un hommage public sont aussi prévus, entre autres cérémonies.
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