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Nando Bodha quitte son poste de ministre et le MSM : les dessous d’une démission

Pravind Jugnauth a, pendant un temps, écouté ses conseils.

Un monument du MSM claque la porte de son parti. Il estime que la situation du pays est «devenue extrêmement grave». Que s’est-il passé ?

Chemise blanche, ouverte sur le torse. Deux ou trois boutons lâchés pour jouer la carte de la décontraction. Sourire éclatant. Nando Bodha s’affiche détendu en rassemblant ses affaires pour quitter son bureau de la Newton Tower, à Port-Louis, en ce samedi 6 février. Il est venu saluer ses anciens collaborateurs et organiser le handing over. Il accepte les photos mais refuse de répondre aux questions des journalistes. Quelques heures plus tôt, il a soumis sa démission de son poste de ministre des Affaires étrangères – fauteuil qui est désormais occupé par Alan Ganoo – et de toutes les instances du MSM, et s’est exprimé à travers un communiqué : «La culture du pouvoir et le fonctionnement du MSM ne correspondent plus aux valeurs et principes qui ont toujours marqué mon parcours politique», écrit-il. Nando Bodha estime que la «situation dans le pays est devenue extrêmement grave».

 

Il dit ne plus se reconnaître dans l’équipe dirigeante : «Les idéaux et principes fondamentaux qui m’ont guidé depuis mon engagement avec sir Anerood Jugnauth ne sont plus là. À ma grande déception.» Désormais, il parle d’une nouvelle bataille : «Aujourd’hui, je souhaite que mon combat politique prenne une nouvelle orientation. Il s’agira d’un nouveau projet de société qui correspondrait aux aspirations des Mauriciens.» Face à cette décision, les réactions ont été nombreuses. La plus attendue ? Celle de Pravind Jugnauth qui, selon des observateurs, a préféré Yogida Sawmynaden à Nando Bodha. Il s’est exprimé lors du comité central élargi du MSM au Sun Trust, le samedi 6 février (voir texte ci-contre). Paul Bérenger, presque au même moment, a, suite à une question de la presse, assuré qu’il serait prêt à accueillir Nando Bodha au sein du MMM. Est-ce cet appel du pied des Mauves qui a convaincu l’ancien secrétaire général du MSM ? Se sentirait-il premierministrable ?

 

C’est ce que laisse entendre le Premier ministre qui préfère minimiser ce départ (alors qu’il choquerait le cœur du MSM) : «Depi kelketan, Bérenger pe lastik Nando Bodha.» Et même Joe Lesjongard, premier à prendre la parole lors du comité central élargi : «Ki Bérenger inn propoz Nando Bodha ? Toultan li met dezord dan MSM.» Jusqu’au dernier moment, le MSM croyait en la possibilité de retenir Nando Bodha. Dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 février, d’intenses tractations ont eu lieu pour convaincre l’ancien ministre des Affaires étrangères. Mais pas de revenir sur sa décision : la bande à Pravind Jugnauth n’aurait pas été  au courant that it was in the immediate making. Il était question de le motiver à se rendre à la grande réunion de la famille orange au Sun Trust. Son absence au lancement des festivités du Nouvel An chinois ayant fait souffler une première brise forte avant même l’annonce du cyclone de sa démission. 

 

«Je suis fidèle»

 

Même Maneesh Gobin affirmait avec aplomb sur Radio Plus, le vendredi 5 février, que Nando Bodha ne démissionnerait pas. Il s’est expliqué sur ses propos lors du Comité central : «Nous lui avons posé la question de son départ. Il nous a dit trois choses : je suis né dans le MSM, je suis fidèle à mon parti, j’ai mobilisé des gens pour le Comité central. Que s’est-il passé entre-temps ?»  Pourtant, la rumeur était là depuis plusieurs jours. Depuis qu’au meeting des «Avengers», Rama Vayden a fait un appel à Nando Bodha. Ce dernier était-il au courant que son nom allait être cité ? A-t-il été pris de court ? Pas de réponse pour l’heure.

 

Même un de ses bons amis, ancien du MSM, pensait jusqu’à récemment qu’une telle démission aurait été «impensable» : «Il avait rencontré Bruneau Laurette et je pense que c’est ce dernier qui a été le facilitateur involontaire de certains rapprochements. Mais je ne sais pas si sa décision était prise avant le meeting ou si le fait que Rama Valayden et Arvin Boolell parlent de lui l’a mis dans une situation intolérable au sein du gouvernement…» Le vendredi 5 février, Pravind Jugnauth lui aurait demandé de faire taire les rumeurs de son départ, qui se faisaient de plus en plus fortes, dans une allocution lors du Comité central élargi. Un discours positif, rassembleur. Ç’aurait été au-delà des forces du démissionnaire…

 

Pour notre interlocuteur, Nando Bodha n’a pas pris sa décision du jour au lendemain. Les récentes révélations lors de l’enquête judiciaire concernant l’affaire Kistnen ont élargi le sillon qui s’était déjà creusé : «Il est quelqu’un de droit. Il a des principes. Il est un vrai gentleman ; il y a des choses qu’il ne pouvait plus tolérer.» Que le bureau du Premier ministre soit impliqué dans toute cette affaire a été le «détail» de trop, estime Roshi Bhadain. Pour lui, Nando Bodha faisait partie du MSM old school, celui qui avait juré allégeance au bonom : «Il était le dernier de l'ancienne garde de SAJ.» Une ancienne garde écartée petit à petit au profit des nouveaux préférés de Pravind Jugnauth. Une nouvelle façon de fonctionner qui laissait perplexe Nando Bodha, estime son proche ami : «À un moment, il a été proche de Pravind Jugnauth, lui aussi. Ce dernier le sollicitait régulièrement et avait confiance en son expérience et sa sagesse, et puis les choses ont changé.»

 

Début 2019, Nando Bodha évoquait avec son entourage proche son envie de raccrocher et de se consacrer à sa passion : l’écriture. De vivre une vie de spiritualité et d’érudition. Il pensait même ne pas se porter candidat lors des élections générales ; mais c’est le Premier ministre qui lui aurait demandé son aide. Néanmoins, quand il s’est retrouvé aux Affaires étrangères, à la place du Transport et du Metro Express, il se serait senti lésé. Les graines de la frustration auraient été semées à ce moment-là.

 

Avec cette démission, l’échiquier politique est en pleine ébullition. Le prochain stop de Nando Bodha se trouvera-t-il au MMM ou au PTr ? Et/ou avec les «Avengers» ? Dans les coulisses, ça discute fortement ! Surtout que le rapport de forces gouvernement/opposition risque de changer si d’autres démissions au sein de l’équipe dirigeante viennent grossir les rangs de l’opposition : c’est le vœu pieu de l’opposition (et les rumeurs s’enchaînent). Aujourd’hui, Nando Bodha est le joker, le tant convoité. Et il le sait et s’affiche, chemise blanche, ouverte sur le torse.

 

Yvonne Stephen

 


 

Parcours d’un «homme réfléchi»

 

Nandcoomar Bodha, plus connu comme Nando Bodha, né le 3 février 1954, a fêté ses 67 ans au cours de la semaine écoulée. Et trois jours plus tard, le samedi 6 février, celui qui occupait le fauteuil de ministre des Affaires étrangères, de l’intégration régionale et du commerce international depuis le 12 novembre 2019 a démissionné de ce poste et également de toutes les instances du MSM. Une décision qui choque certains et qui surprend à peine d’autres. Mais que beaucoup préfèrent ne pas trop commenter. À l’instar de sa belle-fille Jeena Bodha qui, sollicitée pour une réaction, nous a déclaré : «Je ne peux rien vous dire par rapport à cette actualité. C’est lui-même qui est le mieux placé pour commenter sa décision. Mais mon beau-père est quelqu’un de réfléchi et il a vraiment dû peser le pour et le contre avant de prendre une telle décision.»

 

Quoi qu’il en soit, c’est une longue carrière au MSM qui prend fin pour Nando Bodha, considéré comme un fidèle du parti et très proche de sir Anerood Jugnauth. L’ancien secrétaire général du parti Soleil a été élu plusieurs fois député de la circonscription no 16 (Vacoas-Floréal) : en 2000, 2005, 2010, 2014 et 2019. Il a également occupé divers postes ministériels (ainsi que celui de leader de l’opposition de 2006 à 2007). De septembre 2000 à 2003, il a été ministre du Tourisme, de 2003 à 2005, ministre de l’Agriculture, de 2010 à 2011, ministre du Tourisme, de 2014 à 2019, ministre des Infrastructures publiques et du transport routier, et depuis novembre 2019, il occupait le fauteuil de ministre des Affaires étrangères. Avant de choisir, dit-il, d’explorer d’autres horizons. «Aujourd’hui, je souhaite que mon combat politique prenne une nouvelle orientation», affirme Nando Bodha dans un communiqué à la presse émis le samedi 6 février.

 

Né d’une famille modeste à Terre-Rouge, cet habitant de Solferino no 2 à Vacoas, marié à Chaya et père de trois enfants, a aussi derrière lui un riche parcours scolaire, universitaire et professionnel. Après des études brillantes au primaire, c’est sur les bancs du collège Royal de Port-Louis, où il a été élève de 1966 à 1973, que Nando Bodha continue à se construire. Puis, direction le Centre universitaire de l’île de La Réunion où il fait un DEUG en Sciences humaines de 1974 à 1976. De 1977 à 1981, il poursuit avec une licence de géographie et d’aménagement et une maîtrise de géographie et d’aménagement de territoire. Son CV est aussi riche de plusieurs autres diplômes : diplôme de communication de l’UNRTNA (1985) ; diplôme de communication de l’IAAP, Paris (1986) ; Cranfield School of Management (U.K) (1991) ;  LLB UK (1997) ; et Bar Council (1999).

 

Celui qui commence sa carrière en 1977 au Service technique  de l’urbanisme à Rennes jusqu’en 1981 s’est toujours présenté comme un «humaniste». Il a été par la suite professeur au Lycée Labourdonnais, journaliste à la Mauritius Broadcasting Corporation de 1982-1985, conseiller de presse au bureau du Premier ministre de 1985 à 1990,  directeur général adjoint de la MBC de 1990 à 1991, directeur général de la MBC de 1991 à 1995, avant de devenir avocat au barreau en 2000. Homme à plusieurs facettes, il a aussi écrit les livres Beaux songes en 1999 et L’Archipel du Sagrin en 2018.

 

Christophe Karghoo

 


 

Réactions

 

Le départ de Nando Bodha du gouvernement et des instances du MSM a suscité son lot de réactions au sein de la classe politique qui bouillonne face à ce nouveau développement.

 

Sir Anerood Jugnauth : «Il a agi comme un traître»

 

«Je ne m’attendais pas à ça de sa part. Je considérais Nando Bodha comme un frère. Je savais qu’il avait l’ambition de devenir Premier ministre. Apparemment, il s’est laissé tenter par la proposition de Paul Bérenger. Il a agi comme un traître.»

 

Paul Bérenger, leader du MMM : «Bravo»

 

«Je dis bravo à Nando Bodha. Mon bravo veut tout dire. Je ne vais rien dire de plus. C’est le commencement de la fin pour le gouvernement et le MSM. Les choses vont évoluer positivement pour l’île Maurice.»

 

Navin Ramgoolam, leader du PTr : «Le commencement de la fin»

 

«Nando Bodha a réalisé que le MSM est un parti qui est en train de couler. Il part à temps. C’est le commencement de la fin pour le MSM. Le gouvernement va à la dérive avec un tel gouvernement mafieux. Vous devez tous rejoindre les rangs de l’opposition.»

 

Avinash Teeluck, ministre de la Culture : «Nous sommes solides»

«À chacun ses choix. De notre côté, le travail continue. Il prendra ses responsabilités vis-à-vis de l’Histoire. Nous travaillons dans l’intérêt du pays et de la population. Le parti n’est pas constitué d’une personne mais d’une équipe. Nous sommes encore là. Nous sommes solides.»

 

Roshi Bhadain, leader du Reform Party : «Il a beaucoup subi»

 

«Nando Bodha a raison de partir. Il a beaucoup subi. S’il aime son pays et veut un vrai changement, il viendra nous donner un coup de main. Il a sa place parmi l’entente de l’opposition.»

 

Arvin Boolell, leader de l’opposition : «Une cheville ouvrière du MSM»

 

«J’avais des renseignements selon lesquels Nando Bodha s’apprêtait à démissionner. Il a été une cheville ouvrière du MSM. Avec son départ, ce n’est pas l’arbre qui est secoué mais la racine. Pravind Jugnauth paie le prix de sa décision de soutenir un ministre qui a de nombreuses accusations contre lui.»

 

Adrien Duval, porte-parole de l’aile jeune du PMSD : «Il a un rôle important à jouer»

 

«Nous saluons la décision de Nando Bodha. Il s’agit d’un membre important du MSM et du gouvernement qui claque la porte. Il a un rôle important à jouer dans le combat que nous menons. Il peut venir jeter la lumière sur les zones obscures où se trouve le pays aujourd’hui.»

 

Amy Kamanah-Murday

 


 

Premier comité central du MSM

 

Pravind Jugnauth : «Paul Bérenger lui a promis de faire de lui le prochain PM»

 

L’objectif a été, dès le départ, d’envoyer un signal fort à ses partisans, aussi bien qu’à ses opposants. Lors du premier Comité central de 2021 du MSM, qui s’est tenu au Sun Trust Building ce samedi 6 février, le Premier ministre a rameuté ses troupes pour démontrer au public que «rien ne détournera (mon) attention du travail que (mon) équipe et (moi)-même avons à accomplir» et que son parti ne se laissera nullement fragiliser par les récents événements.

 

Il faisait plus particulièrement référence à la décision soudaine de son secrétaire général de claquer la porte du MSM ; une décision qui l’a pris de court. Loin de cacher sa déception, le leader du MSM s’est dit attristé par cette surprenante décision de Nando Bodha. «J’ai reçu sa lettre de démission ce matin. J’attendais de lui, au moins, qu’il vienne vers moi ou me l’annonce au téléphone mais il n’a même pas eu le courage de m’affronter.»

 

Si cela faisait une semaine que les rumeurs sur la démission de Nando Bodha devenaient de plus en plus persistantes, les autres membres du parti Soleil étaient loin de s’imaginer que celles-ci se confirmeraient. D’ailleurs, la veille du Comité central du MSM, Maneesh Gobin réagissait même sur une radio privée pour les démentir. Lors de son allocution ce samedi, il est revenu dessus : «Nous lui avions posé la question hier (NdlR : le vendredi 5 février). Divan nou tou li finn dir “monn ne dan MSM, mo fidel ar MSM, nou mobiliz dimounn pou komite santral samdi ek mo pou koz divan tou bann delege”. Mo ti pe dir avek konviksion ki pena sime li pou kite.» Pravind Jugnauth a, d’ailleurs, lancé un appel à Nando Bodha pour qu’il réagisse sur ces propos.

 

Qu’est-ce qui aurait motivé ce revirement de situation ? «Depi inpe letan, Paul Bérenger pe lastik Nando Bodha. Il lui a promis de faire de lui le prochain Premier ministre, tout comme il l’avait fait avec Alan Ganoo et Ashok Jugnauth […] Le temps dira quel sort sera réservé à chacun», a avancé Pravind Jugnauth, ironique. L’ancien secrétaire général du MSM rejoindra-t-il bientôt les Mauves ou s’agit-il de simples rumeurs ? L’avenir le dira.

 

Le leader du MSM a aussi abordé d’autres sujets brûlants de l’actualité, à l’instar des morts suspectes auxquelles des membres de son parti seraient associés. «Je suis triste à chaque fois qu’un décès survient, plus spécialement lorsqu’il n’est pas de cause naturelle. Mais depuis quelque temps, à chaque fois que cela se produit, certains cherchent à faire croire que le gouvernement a monté un escadron de la mort. Apel sa fer politik lor lamor dimounn.» Il a fait mention du cas de Soopramanien Kistnen, alias Kaya, qu’il a décrit comme «enn kamarad ki ti siport le MSM, sirtou depi mo finn poz kandida dan no 8. Lanket pe fer. Nou invit tou dimounn ki konn kitsoz lor la al vers lapolis avek bann prev konkret».

 

Il a également fait mention des décès tragiques de Manan Fakoo et de Marcelin Humbert, pour lesquels «lopozision pe dir ki finn planifie zot lamor. Zordi ena MMM, PTr, PMSD, Bruneau Laurette, Reform Party et Mouvement Rama Valayden, enn lekip de bandi, ki pe kras zot venin avek mem lobjektif : dir bann foste».

 

Il se veut tout de même rassurant et promet à ses partisans que «zot pou trouve dan sa 4 an, nou pou transform sa pei-la». «J’ai connu beaucoup de moments difficiles, j’en connais encore. Me mo kone kot mo pe ale.»

 

Elodie Dalloo