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12 mai 2024 15:38
Un rappel
En novembre dernier, l’ICTA annonce en grande pompe un exercice de réenregistrement de cartes SIM auprès des opérateurs de téléphonie mobile, avec comme date limite le 30 avril 2024. Le but serait de garantir un meilleur contrôle des cartes SIM dans le pays, comme préconisé par le rapport Lam Shang Leen sur la drogue, qui évoque la découverte d’un grand nombre de portables dans les prisons ou lors de saisies.
En novembre 2023, Me Rama Valayden et l’activiste politique Ivor Tan Yan déposent une plainte constitutionnelle en Cour suprême contre ces nouvelles réglementations de l’ICTA. Peu de temps après, c’est l’avoué Pazhany Rangasamy qui conteste la constitutionnalité de celles-ci. La mobilisation citoyenne ne s’est pas faite attendre non plus, avec la constitution du collectif Pas tous nou sim card, qui a manifesté dans les rues de la capitale, le 23 mars, pour dire non à cet exercice de réenregistrement, parlant d’atteinte à la vie privée, notamment concernant le fait de devoir fournir des selfies à l'opérateur mobile lors de l’exercice.
Le 15 avril, la cheffe juge de la Cour suprême, Bibi Rehana Mungly-Gulbul, ordonne un statu quo concernant la contestation autour de l’exercice du réenregistrement des cartes SIM, qui restera en vigueur jusqu’au 13 mai 2024, date fixée pour entendre l’affaire en profondeur. Ce statu quo, faisant suite à la plainte constitutionnelle de l’avoué Pazhany Rangasamy, met ainsi l’exercice de réenregistrement en pause jusqu’au 13 mai.
Du côté de l’ICTA : un nouveau chiffre
Des derniers chiffres révélateurs. L’ICTA, via son Officer-in-Charge Jérôme Louis, a fait un update autour de l’exercice de réenregistrement des cartes SIM, disant que sur les 2,3 millions en circulation, seules 1,3 million ont déjà été enregistrées à ce jour. Jérôme Louis intervenait lors de la cérémonie d’ouverture d’un sommet sur l’intelligence artificielle à l’hôtel Le Méridien, mercredi dernier. Par contre, nos nombreuses sollicitations (email, appels) pour avoir des précisions sur une éventuelle nouvelle date butoir sont restées vaines, laissant planer un suspense sur ce qu’il faudra faire si le verdict de la cour est en faveur de l’ICTA ou pas. L’ICTA qui a poursuivi l’exercice de réenregistrement malgré le statu quo de la Cour.
Du côté du collectif Pas tous nou sim card : «Un réenregistrement sans prise de photo est acceptable»
Ils n’en démordent pas. Bien sûr, le collectif Pa tous nou sim card attend avec impatience le déroulement de la journée de demain. L’un de ses porte-paroles, l’activiste et artiste engagé et producteur musical Percy Yip Tong nous déclare : «Nous serons bien sûr avec les avocats pour cette journée.» Il a aussi commenté la récente déclaration de l’ICTA concernant le chiffre de cartes SIM enregistrées : « Sur un total de 2 300 000 cartes sim en circulation, cela ne représente que 56%, dont beaucoup appartiennent à des compagnies privées et des institutions publiques. Le fait que 44% des cartes SIM, soit 1 million d'entre elles, ne sont pas encore réenregistrées indique que beaucoup de citoyens sont d’accord avec le collectif (…). Pour moi, le chiffre donné n’est pas vérifiable, l’ICTA aurait pu donner le détail des réenregistrements de chaque opérateur. Mais en lui accordant le bénéfice du doute et en admettant que le chiffre donné sont vrai, 44% de SIM non réenregistrées, c'est énorme.»
Vendredi dernier, le collectif a aussi émis un communiqué où on peut notamment lire que : «Nous sommes confiants que la date butoir pour la désactivation des cartes SIM sera soit une nouvelle fois repoussée ou bien annulée tout simplement. Entre-temps, nous demandons aux utilisateurs de ne pas réenregistrer leurs cartes SIM, car la prise de photo pose un réel problème quant à la préservation des données biométriques et porte atteinte à la liberté et à la vie privée. La cheffe juge a elle-même reconnu qu’il y a des enjeux constitutionnels et que l’affaire serait désormais entendue par le Full Bench de la Cour suprême. Un réenregistrement sans prise de photos nous apparaît toutefois comme une solution acceptable.»
Nicolas Frichot, expert en cybercriminalité : «Une absence de protocole clair et net pour la sauvegarde, la manipulation et la protection des données»
Il n’y va pas de mainmorte et montre clairement ses inquiétudes autour de tout cet exercice de réenrégistrement. Nicolas Frichot, que l’on connaît comme slameur, mais qui est aussi un expert en cybercriminalité nous livre son analyse de la situation : «Dans cette ère numérique, la confiance de l’utilisateur doit être au centre de toute décision et action. Au lieu de consolider cette confiance, cet exercice vient semer le doute dans la population. Cela aura pour effet, sur le long terme, de ralentir l’adoption d’une plus grande utilisation technologique.»
Il poursuit : «En l’absence d’un protocole clair et net pour la sauvegarde, la manipulation et la protection de ces données, cela peut mener à des fuites d’informations sensibles (nom, adresse, numéro de téléphone) et une violation de la vie privée. Pire, un accès non autorisé et une utilisation abusive de ces données sont possibles : surveillance à partir des données de localisation, usurpation d’identité ou encore ciblage publicitaire avancé dans un contexte électoral serré.»
Et il répond aussi au fait que plusieurs avaient indiqué sur les réseaux sociaux qu’ils allaient pouvoir mener une vie sociale normale même si leur carte SIM était désactivée : «Bien sûr, on peut avoir l’obtention d’un numéro de téléphone étranger facilement et pas cher en ligne. Mais le souci demeure entier : l’accès aux forfaits Internet sur le portable nécessitera forcément une carte SIM active, par exemple ! D’autres services demanderont aussi un numéro de portable sur une carte SIM active…»
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