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Retrouvé sans vie dans sa cellule à La Bastille : le caïd Caël Permes victime d’un règlement de comptes en prison ?

13 mai 2020

Cet habitant de Cité Sainte-Claire était fiché à la police pour plusieurs délits graves.

Il a connu une horrible fin en prison. Le détenu Caël Permes, âgé de 29 ans, a été retrouvé mort dans sa cellule, à la prison de La Bastille, quelques heures seulement après son transfert dans ce pénitencier de haute sécurité, à Phoenix. Le rapport d’autopsie indique qu’il a succombé à un hemorrhagic shock following multiple injuries. Cet habitant de Cité Sainte-Claire, à Goodlands, avait des ecchymoses sur plusieurs parties du corps, notamment au dos et aux mollets, ainsi qu’un poignet disloqué.

 

Tout laisse croire qu’il s’est blessé en essayant de se défendre alors qu’il était roué de coups avec un objet non coupant qui a occasionné des blessures physiques par choc.

 

La thèse d’un règlement de comptes est privilégiée par les limiers de la Major Crime Investigation Team. Des détenus ainsi que des employés de la prison sont soupçonnés. D'ailleurs, quatre garde-chiourmes ont été arrêtés et inculpés provisoirement pour assassinat dans cette affaire. Ils sont soupçonnés d'avoir brutalisé à mort Caël Permes qui s'était mis à dos plusieurs membres du personnel du service pénitentiaire (voir hors-texte).

 

Ce caïd fiché à la police pour plusieurs délits, dont des affaires de drogue, était détenu dans une special protection cell au bloc administratif de La Bastille lorsque son décès a été constaté. Sollicités par l’administration de la prison, vers 20h50, le mardi 5 mai, les policiers ont retrouvé Caël Permes gisant sur son lit, torse nu, vêtu seulement de son pantalon orange de prisonnier. Le médecin de la prison avait déjà confirmé son décès. Il aurait rendu l’âme vers 18 heures. Son matelas était en partie humide ainsi que le sol. Alertés, plusieurs hauts gradés et unités de la police ont fait le déplacement à La Bastille.

 

La cellule de Caël Permes a été interdite d’accès pour les besoins de l’enquête. Il était également prévu que des enquêteurs de la National Human Rights Commission effectuent une descente dans la cellule occupée par le prisonnier décédé. Les enquêteurs ont également réquisitionné le véhicule qui avait été utilisé pour escorter le jeune homme de la prison centrale de Beau-Bassin à celle de La Bastille, vers 14 heures, ce jour-là. Le véhicule a été soumis à un examen Blue Star par le personnel du Forensic Scientific Office et des gouttes de sang y ont été découvertes, ce qui a orienté les enquêteurs vers les garde-chiourmes qui avaient assuré le transfert de Caël Permes.

 

Une source du pénitencier explique que le caïd avait été transféré car il avait reçu de graves menaces. La police étudie  aussi la thèse selon laquelle un gros rival de Caël Permes pourrait être mêlé à cette mort atroce. Selon les rumeurs, Caël Permes aurait balancé cet homme il y a deux semaines, ce qui a mené à l’arrestation de ce dernier. Il aurait fait cela pour mettre son rival hors circuit. Suite aux menaces qu’il aurait reçues, Caël Permes serait devenu violent envers les autres détenus et le personnel de la prison, et aurait demandé son transfert.

 

Caël Permes était en détention provisoire à la prison de Beau-Bassin depuis le 16 mars pour une affaire de damaging property. Le service de renseignements de la prison le considérait comme un ring leader. Il est considéré comme un des meneurs de la mutinerie qui avait éclaté à la prison centrale, le 19 mars, après l’annonce du couvre-feu sanitaire. Le service de renseignements de la prison gardait aussi toujours un œil sur lui car il avait de nombreux rivaux en prison. Il avait également fait parler de lui après un violent accrochage avec un haut gradé de la prison.

 

La MCIT a du pain sur la planche pour démêler toute cette affaire. Le Dr Satish Boolell a également du travail de son côté. L’avocat de la famille endeuillée a retenu les services de l’ancien médecin-légiste de la police pour y voir plus clair. «Je dois bien lire le rapport d’autopsie. Je dois également analyser les photos du défunt, prises dans sa cellule et aussi celles prises pendant l’autopsie avant de faire mon rapport», a déclaré le Dr Satish Boolell qui se montre très prudent.

 


 

Un casier judiciaire bien rempli

 

Caël Permes a beaucoup fait parler de lui ces dernières années… en mal. Cet enfant terrible de Cité Sainte-Claire est fiché à la police depuis son plus jeune âge. Il a, à son actif, plusieurs cas d’agression, de cambriolage et de vol avec violence. Mais c’est surtout pour de nombreux délits de drogue qu’il s’est fait un nom.

 

En 2015, il a déclenché une guerre de gangs dans sa localité contre un autre caïd, John Brant, plus connu comme John Brown. Les deux malfrats se disputaient le contrôle du trafic de drogue. Les hommes de main des deux caïds n’avaient alors pas hésité à faire usage de sabres, d’armes à feu et de cocktail Molotov. Plusieurs unités de police avaient été sollicitées pour ramener le calme.

 

Peu après, les deux hommes seraient revenus à des meilleurs sentiments l’un envers l’autre pour les besoins de leur business. Ils seraient tombés d’accord pour contrôler le trafic de drogue de synthèse dans leur quartier pendant leurs va-et-vient respectifs en prison. La dernière arrestation de John Brant est liée à une grosse saisie de drogue il y a à peine quelques jours. Il était déjà en liberté conditionnelle pour une affaire de blanchiment d’argent. Caël Permes a, pour sa part, était condamné à la prison, il y a deux ans, pour damaging property. Il avait lancé des cocktails Molotov sur la maison d’une famille de son quartier. Il avait également été mis à l'amende pour obstruction au travail de la police dans une affaire de drogue.

 


 

Vinod Appadoo : «Nous collaborons avec la police»

 

Le commissaire des prisons explique que toutes les images des différentes caméras de vidéosurveillance des prisons de Beau-Bassin et de La Bastille ont été remises aux enquêteurs après la découverte du corps sans vie de Caël Permes dans sa cellule. «Nous collaborons avec la police. Mes officiers ont donné toutes les informations nécessaires à la police pour le bon déroulement de l’enquête. Ce détenu venait effectivement d’être transféré de la prison de Beau-Bassin à celle de Phoenix pour des raisons de sécurité. Nou ti fer sa pou so sitiasion pa anpire», précise Vinod Appadoo.

 


 

Rama Valayden renouvelle sa demande de fermer La Bastille

 

«Se enn krim ki zot inn fer», martèle Rama Valayden, après la mort de Caël Permes en prison. L’homme de loi ne compte pas rester les bras croisés. Il va, à nouveau, militer pour la fermeture de la prison de La Bastille. Cet établissement pénitentiaire avait fermé ses portes en 2014, après l’ouverture de la prison de Melrose. À l’époque, Rama Valayden était Attorney General. La Bastille avait fermé ses portes pour une raison : «Notre pays est signataire de la Convention Against Torture. Une équipe avait été dépêchée chez nous et avait visité ce centre de détention. On avait ensuite pris la décision de fermer ses portes en tant que signataire de cette convention. On l’a rouverte sans avertir la commission contre la torture. Je vais leur écrire pour les informer des derniers événements.» L’ancien Attorney General souligne qu’il détient des informations sur l’agression mortelle de Caël Permes.  Il n’écarte pas la possibilité qu’il ait été violemment tabassé par des membres du personnel de la prison. «MCIT bizin dimann enn Judge’s Order pou gagn bann releve lapel sa bann dimounn-la.» Il allègue que ce n’est pas la première fois que des détenus meurent en prison après avoir été tabassés. «Koumansman lane, mo ti ekrir DPP pou dir li sa. Mo ti osi donn li enn la list nom dimounn. Administrasion prizon ti reponn ek dir ki ena prizonie ti mor ek maladi dan sertin ka. Mo ankor touzour pe atann repons pou lezot.»

 


 

Quatre garde-chiourmes arrêtés et inculpés pour assassinat

 

L’enquête policière sur le décès de Caël Permes avance à grands pas. Quatre garde-chiourmes ont été arrêtés et inculpés provisoirement pour assassinat, dont ceux qui étaient responsables du transfert du détenu de la prison de Beau-Bassin à celle de La Bastille, à Phoenix, le mardi 5 mai. Ils sont soupçonnés d'avoir participé d'une façon ou d'une autre à l'agression mortelle du jeune homme de 29 ans, retrouvé mort dans sa cellule dans la soirée du mardi 5 mai.

 

Par ailleurs, l'examen Blue Star du véhicule qui a servi au transfert du prisonnier a revélé la présence de gouttes de sang à l'intérieur. Même si on ne sait pas encore si c'est le sang de Caël Permes, cela attise quand même les soupçons qu'il a pu être brutalisé dans le véhicule. La police disposerait, par ailleurs, de certaines informations considérées comme «damning» contre les garde-chiourmes arrêtés et inculpés. Selon une source policière, un haut gradé pourrait aussi être mêlé à cette histoire.

 

D'autres garde-chiourmes en poste à La Bastille au moment du transfert du détenu ont aussi été interrogés le jeudi 7 mai par la MCIT qui se charge de l'enquête, dont celui qui a servi le dîner de Caël Permes le jour fatidique.

 

Il a expliqué qu’il est arrivé à la special protection cell no 1 vers 16h30 pour cet exercice de routine et que le principal concerné était allongé sur son matelas et n’a pas réagi. Il a déclaré qu'il ne s’est pas attardé sur place car il devait poursuivre sa ronde.

 

Une équipe de la CID s’est aussi rendue à La Bastille le 7 mai pour interroger plusieurs détenus de ce centre de détention de haute sécurité. 13 prisonniers ont ainsi été questionnés par le Detective Inspector Rughoonundhun, dont les plus connus sont Perumal Veeren, considéré comme le Pablo Escobar local, Siddick Islam, plus connu comme Ner, Kusraj Lutchigadoo, qui serait le parrain de la drogue de synthèse, et Dereck Jean-Jacques, communément appelé Gro Derek.

 

Les autres détenus qui ont été interrogés sont Christopher Perrine, Sitaram Shipchurn, Jeff Donovan, Rupent Bothma, Michael Hosseny, James Matthew, Jerry Vilbrun, Naseeruddin Tengur et Mervin Alexis. Les dépositions de ces 13 personnes ont ensuite été remises aux limiers de la MCIT. Celui qui est considéré comme le grand rival de Caël Permes dans l'univers du trafic de drogue et qui est en détention depuis deux semaines pour une affaire de drogue devrait lui aussi être bientôt interrogé. Car les enquêteurs n'écartent pas la possibilité qu'il soit mêlé à tout ça.

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