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Sharone Frédéric, 40 ans, décède deux jours après avoir mis au monde son premier enfant - Leandro, son époux : «Linn ale zis kan linn realiz so rev vinn mama»

 Leandro est dévasté à l'idée que son épouse ne sera pas là pour voir grandir leur «bébé miracle».

Elle a passé plusieurs années à essayer de concevoir un enfant. Pendant 16 ans, Sharone Frédéric, 40 ans, a tout essayé, songeant même à l’adoption. Elle était aux anges lorsqu’elle est finalement tombée enceinte cette année. Après une grossesse arrivée à terme sans anicroches, elle a mis au monde son petit Enzo le dimanche 8 décembre. Hélas, elle n’a pu vivre son rêve d’être maman que durant un court instant. Elle est décédée deux jours plus tard, succombant à un choc hémorragique. Soupçonnant une négligence médicale, ses proches, notamment son époux Leandro, ont réclamé une enquête policière approfondie. Ils nous livrent un bouleversant témoignage. 

Ils avaient longtemps essayé de concevoir un bébé. Le plus grand rêve de Sharone, 40 ans, et de son époux Leandro Frédéric, 43 ans, depuis qu’ils s’étaient unis devant Dieu en 2008, avait toujours été de fonder leur petite famille. Après plusieurs tentatives infructueuses de faire un enfant et avoir essayé des options de traitement pour la fertilité qui n’ont jamais abouti, c’est avec le cœur lourd que les deux avaient renoncé à l’idée de devenir parents. Cette année, sans qu’ils s’y attendent, la quadragénaire est enfin tombée enceinte ; une nouvelle que son époux et elle ont accueilli comme «une véritable bénédiction, un cadeau de Dieu».

 

Après une grossesse arrivée à terme sans anicroches, Sharone Frédéric a accouché par césarienne d’un petit garçon, le dimanche 8 décembre, dans une clinique à Grand-Baie. Cependant, contre toute attente, une tragédie est, très vite, venu assombrir ce qui devait être un heureux événement. Deux jours seulement après avoir mis au monde son «bébé miracle», la nouvelle maman est décédée d’un choc hémorragique. Dans l’incompréhension la plus totale, sa famille et ses amis, meurtris, bouleversés, veulent des réponses. Ils ont réclamé une enquête policière approfondie, craignant une faute médicale.

 

Pour la petite histoire, la relation entre Sharone et Leandro Frédéric a commencé il y a plusieurs années. Ils se sont connus alors qu’ils étaient très jeunes, ayant grandi dans la même localité. Puis, à l’adolescence, ils ont décidé d’écouter les battements de leur cœur et de franchir le pas. La meilleure amie de la jeune femme, Pamela, s’en souvient comme si c’était hier : «Sharone ti dir mwa li santi li bien avek li. Mo ti dir li trape, pa large.» Au fil des années, ce qui n’était qu’un amour de jeunesse n’a cessé de grandir, de s’amplifier, résistant à l’épreuve du temps. C’est ce qui les a amenés à s’unir devant Dieu après s’être longtemps fréquentés. Véritable couple fusionnel, encore plus amoureux qu’aux premiers jours, Sharone et Leandro Frédéric rêvaient de fonder une famille mais ont dû faire face à plusieurs obstacles. Pendant plusieurs années, ils ont tenté de concevoir un enfant, sans résultat. Ils s’étaient donc tournés vers des traitements pour booster la fertilité. «J’ai même arrêté de consommer de l’alcool et j’ai changé mon alimentation pour que nous puissions mettre toutes les chances de notre côté, mais malgré cela, nos efforts n’avaient rien donné», relate Leandro. À un moment donné, le couple a même songé à l’adoption, mais ses démarches n’ont pas abouti. Contre leur gré, Sharone et Leandro ont finalement «arrêté d’essayer».

 

À ses côtés depuis l’enfance, Pamela Pierre-Louis, la meilleure amie et sœur de cœur de Sharone Frédéric, voyait clairement que «le fait de ne pas avoir d’enfant la rendait triste, même si nous faisions de notre mieux pour la soutenir». L’amour qu’elle voulait tant donner à un petit être, elle l’avait déversé sur les chiens, les tortues et le petit singe qu’elle avait adoptés. Lorsque la compagne de son frère a mis au monde un fils, relate son entourage, «cela lui a apporté du baume au cœur d’avoir un enfant à chérir. Elle a été choisie comme marraine et gâtait son filleule comme s’il s’agissait de son propre fils. Elle faisait des appels vidéos tous les jours pour lui parler». Cette année, alors qu’elle ne s’y attendait plus, son rêve le plus cher s’est enfin réalisé : elle est tombée enceinte. «Elle m’a appelée pour m’en faire part. Elle était aux anges. Elle voulait le cacher à son époux et lui faire la surprise en le lui annonçant pour son anniversaire mais elle était tellement heureuse qu’elle n’a pu garder le secret plus longtemps», raconte sa meilleure amie. Leandro le confirme : «Linn sonn mwa pou dir mwa li ena enn bon nouvel. Kan monn arive, linn dir mwa li ansint. Nou toulede inn plore ar lazwa. Monn dir li savedir ki Bondie kontan nou.» Elle n’a pas, non plus, tardé à l’annoncer à tous ceux qui lui étaient chers.

 

Une grossesse sans souci

 

Bien vite, Sharone Frédéric s'est fait suivre par un médecin du privé. Comme tous les membres de sa famille, elle était méticuleuse dans tout ce qu’elle faisait. Eux, veillaient à ce qu’elle ne prenne pas les escaliers, à ce qu’elle ne se fatigue pas, tandis que la quadragénaire, relate son époux, «avait tout prévu au cas où elle aurait des complications. Elle avait déjà acheté des médicaments contre le diabète et l’hypertension. Elle avait même acheté l’appareil pour tester sa glycémie régulièrement à la maison». Aussitôt qu’elle a appris qu’elle mettrait au monde un fils en décembre, poursuit-il, «Sharone lui a choisi son prénom : Aaron Enzo Ezéchiel Frédéric». Dès lors, elle a commencé à imaginer tous les projets qu’elle aurait pour lui. «Depuis plusieurs mois, elle me répétait qu’elle nous imaginait à Noël, avec toute la famille, pour célébrer sa venue. Li ti fini dir mwa ki sa lane-la, nou pou bizin met enn sapin akoz tipti, ki sa zanfan-la se enn kado Nwel ki Bondie pe donn li.» Même la liste des invités pour le baptême de son «bébé miracle», qu’elle espérait organiser en janvier, était déjà prête. Mais Sharone Frédéric ne s’est pas arrêtée là pour cet enfant qu’elle désirait depuis tellement d’années. Selon sa meilleure amie, «elle le voyait déjà, plus tard, premier de sa classe et intégrer les meilleures écoles. Li ti fini dir mwa ki si li pena pasians pou ed li avek so devwar, li pou avoy li kot mwa. Elle voulait le voir réussir à tous les niveaux pour ensuite l’envoyer à l’étranger pour des études supérieures. Elle avait vraiment pensé à tout».

 

Après une grossesse sans souci, Sharon a été admise à la clinique le dimanche 8 décembre, comme prévu ; une date symbolique pour cette famille pieuse marquant la fête de l’Immaculée Conception. Vers 8 heures, elle a mis au monde son petit garçon. Après son accouchement, son époux l’a rencontrée une première fois dans la matinée, puis durant les heures de visite. «Li ti paret inpe feb, me li pa ti paret ena okenn lot problem. Li ti met serum ek linn bwar inpe lasoup.» Le lundi 9 décembre, le médecin traitant de la quadragénaire s’est montré «rassurant». «Il nous a indiqué qu’elle pouvait manger ce qu’elle voulait et qu’elle pourrait rentrer à la maison le même soir avec le bébé. Monn soulaze, monn panse mo madam inn korek», relate Leandro. Mais à peine quelques minutes après être rentrée chez elle, Sharone Frédéric a commencé à se sentir mal. «Li ti pe koumans gagn vertiz, linn koumans mank ler, lerla linn fer enn malez.» Sa cousine, qui est infirmière, a tenté de lui apporter son aide mais l’état de santé de la quadragénaire a continué de s’aggraver. Son entourage l’a donc conduite à la clinique de toute urgence sur les recommandations de son médecin traitant et elle a été admise.

 

Dans la soirée, son état semblait s’être stabilisé. Son époux l’avait même eue au bout du fil pour lui donner des nouvelles du nouveau-né. Idem le lendemain matin, lorsque sa tante Sylvie l’a eue au téléphone avant les heures de visite ; Sharon voulait qu'elle lui emmène son bébé. Mais moins d’une heure après cet appel, au moment où ils sont arrivés à la clinique, «le docteur nous a emmenés dans une autre pièce avant même que nous puissions la voir pour nous dire qu’il avait une mauvaise nouvelle et nous a annoncé son décès». Ce douloureux moment, qui repasse en boucle dans sa tête, continue de l’émouvoir. Leandro, terriblement peiné, confie : «Monn gagn frison, monn perdi laparol, monn nepli mem kapav tini mo tipti dan mo lebra. Monn gagn enn sezisman, monn bizin al deor. Mo ti nepli kapav fer nanye. Linn ale zis kan linn realiz so rev vinn mama !» Lorsque l’entourage a questionné le médecin, «linn dir nou li pa kone kinn arive, ki linn fer tou pou reanim li me ki li pann kapav» ; une réponse que la famille ne juge pas satisfaisante. Depuis, relate Pamela, «nous ne dormons plus, nous ne mangeons plus, nous ne sommes pas en mesure de faire notre deuil. Cela nous rend malades. Nous vivons cela très mal car nous n’avons pas de réponses à nos questions. Nous ne comprenons pas comment cela a pu arriver. Se koumadir enn voler inn pase inn aras enn trezor avek nou».

 

Ayant, elle-même, eu recours à trois césariennes, elle s’interroge : «Kouma enn dokter inn kapav dir li manz seki li anvi apre zis enn zour? Kouma linn kapav dir li rant so lakaz avan mem ki li al lasel? Se pa normal.» Tout aussi perdu, Leandro se rappelle, pour sa part, que le médecin lui avait déclaré «avoir frôlé une artère pendant la césarienne». «Eski se sa ki finn entrenn so lamor? Eski se akoz zot erer ki disan finn akimile dan so vant?» se demande-t-il. Pour trouver des réponses à toutes ces questions, l’entourage de Sharone Frédéric s’est rendu au poste de police et a réclamé une enquête approfondie sur les circonstances de sa mort.

 

Dans l’éventualité que les enquêteurs concluent à une faute médicale, la famille compte entamer des poursuites, selon Pamela : «Nous engagerons un homme de loi pour nous aider à obtenir justice pour Sharone et le petit Enzo. Nou pa anvi ki dime, enn lot madam pass par enn zafer parey. Se enn mama kinn atann 16 an pou realiz sa rev-la, li pa kapav perdi so lavi koumsa. Sa ti pou enn lazwa pou li tenir so zanfan dan so lebra. Bann dokter-la bizin kone kot zot pe met zot lame.» Bouleversés, les proches de Sharone Frédéric disent avoir perdu «un pilier, une femme joviale qui était dotée d’une gentillesse extraordinaire. Li ti touzour la pou defann so fami. Li ti enn trezor, enn perl. La perdre a été comme recevoir un coup de massue». Sharone a rejoint sa dernière demeure le mercredi 11 décembre sans avoir profité de son rêve d’être maman.

 

Elodie Dalloo et Stephanie Domingue