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Tuées par leur conjoint : Shabneez et Joyce, la terrible histoire de deux femmes martyres

Après Tiannesela Perrine et Stéphanie Ménès, il y a quelques jours, voilà que c’est au tour de Shabneez Mohamud et Joyce Revat de tomber sous les coups de leur conjoint. Encore des femmes tuées par un homme violent et qui laissent derrière elles des familles et des enfants meurtris. Leurs proches respectifs témoignent d’une détresse qui brise le cœur.
 

Shabneez meurt étouffée par son époux Nasurudin : les proches du couple entre choc et incompréhension

 

 

Une énième dispute conjugale, un moment de rage incontrôlable, une vie de femme détruite atro-cement. Encore une. Celle de Shabneez Mohamud, femme au foyer de 33 ans, étouffée à mort par son époux Nasurudin, 36 ans, le mardi 10 septembre, chez eux à Bel-Air. Pendant ce temps, ses fils de 15 ans et 11 ans s’étaient échappés pour aller informer la police que la situation  dérapait vio-lemment. Mais les policiers n’ont pas réagi tout de suite et sont arrivés quand c’était déjà trop tard. Le père se retrouve sous les verrous sous une accusation d’assassinat – il est déjà passé aux aveux. Alors que la mère a gagné sa dernière demeure, au cimetière de Pailles, laissant derrière elle une famille éplorée – d’autant que, benjamine d’une fratrie nombreuse, elle était «enn zanfan gate», selon ses proches – et des enfants désemparés par cette horrible tragédie.

 

Le frère de la victime, Hassenjee, nous confie la détresse de toute la famille. «Nou tou ankor dan sok. Nou fami net afekte par lamor mo ser. Nou pe res pans samem. Zimaz mo ser pe mor toufe-la pe res dan latet mem», explique cet habitant de Vallée-Pitot. Les deux enfants du couple, nous confie-t-il, ont été pris en charge par Nawaz, un autre frère de Shabneez, qui habite à Pailles. Le psychologue qui les a vus après le drame a recommandé qu’ils prennent au moins une semaine de congé de l’école pour se remettre un peu de leurs émotions. D’ailleurs, la famille ne sait pas encore s’ils devront ou pas changer d’établissement scolaire pour des raisons pratiques, ce à quelques jours des examens. «De toute façon, notre priorité, c’est qu’ils arrivent à surmonter cette dure épreuve, même si on sait tous qu’il y aura certainement des séquelles», souligne Hassenjee.

 

Il n’était un secret pour personne, ajoute-t-il, que le couple, ensemble depuis 16 ans, battait de l’aile depuis un moment et se disputait souvent. Mais nul ne pensait que la situation était aussi grave et, surtout, que ça allait finir aussi tragiquement. «À notre connaissance, notre beau-frère ne frappait pas notre sœur mais il la maltraitait souvent verbalement. Nous ne nous mêlions pas de leurs af-faires. D’ailleurs, on les voyait rarement. Nou ti pe trouv zot zis kan ena fet dan fami», relate Hassen-jee. Cela faisait un moment que la famille de Shabneez n’avait pas vu cette dernière ainsi que son époux et ses enfants. Lors du dernier rassemblement familial à Pailles, pour la fête Eid-Ul-Adha, ils n’avaient pu être présents, comme les années précédentes, car le père de Nasurudin était grave-ment malade. Il est d’ailleurs décédé, il y a un mois.

 

Ashraf, le frère de Nasurudin, explique, quant à lui, que ce deuil avait mis toute sa famille dans une situation émotionnelle compliquée, difficile à gérer. C’est ce qui, pour lui, pourrait expliquer que son frère ait pété les plombs lors d’une énième dispute avec son épouse sur un sujet litigieux, à savoir l’infidélité alléguée de cette dernière. «On savait tous qu’ils se bagarraient souvent mais on ignorait les raisons de leurs disputes.» Les proches de Nasurudin et de Shabneez disent ignorer quand ex-actement ils ont commencé leur descente aux enfers. «Ils vivaient dans leur coin. On savait qu’ils se disputaient souvent mais on évitait d’en parler avec eux pour ne pas les embarrasser», argue Ash-raf. Idem pour Hassenjee : «Ma sœur et mon beau-frère ont toujours été très discrets. Ma sœur ne se confiait qu’à ma mère qui n’est plus de ce monde depuis un an.»

 

Selon Ashraf, son frère avait construit sa maison sur un terrain familial dont il avait hérité. «Mo frer zame pa ti rakont so problem. Li ti res Bel-Air. Mwa mo res Caroline. Sakenn ena so kwin. Sakenn ti ena so problem me zame nou pann rant dan zafer ki pa konsern nou. Seki mo kone seki mo belser pa ti travay ek ki mo frer ti mason. Mo konn li enn boug korek. Fer 16 an zot marye. Ti enn mariaz aran-ze sa. Mo pa tro rapel bann detay selman», affirme-t-il.

 

Ashraf précise que toute sa famille est également en état de choc après ce terrible drame. «Mon frère a toujours été très calme. Nous n’arrivons pas à croire qu’il a tué son épouse. Ce drame nous accable terriblement. D’autant que nous venons de perdre notre père. Ma mère est complètement abasourdie. C’était très dur pour elle de voir débarquer la police chez elle, avec mes deux neveux, pour lui dire que mon frère avait tué sa femme.»

 

Deux familles se retrouvent dans une situation de désespoir après cette tragédie qui prive encore une femme de sa précieuse vie. Le chemin du deuil, du choc à l’acceptation, en passant par la ré-volte, la culpabilité et autres, s’annonce long et pénible. Surtout pour ces enfants qui sont privés de leur maman ainsi que de leur papa qui risque de passer de longues années en prison.

 


 

Nasurudin rongé par des remords

 

Il dit regretter amèrement son acte meurtrier. Ce serait la raison pour laquelle Nasurudin Mohamud collabore pleinement avec la police, selon une source proche de l’enquête. Le suspect a avoué aux enquêteurs avoir étouffé son épouse après une énième dispute. Dans sa déposition, l’habitant de Bel-Air explique que tout a commencé lorsqu’il s’est mis à réprimander ses fils qui ne voulaient pas se rendre à l’école. Il déclare que son fils aîné s’est alors montré très insultant à son égard et son épouse Shabneez se serait mise du côté de l’adolescent. Tout aurait basculé, selon lui, lorsqu’elle au-rait essayé de l’étrangler tout en l’insultant, faisant référence à une histoire d’infidélité qu’elle aurait eue. Il aurait alors mis une main sur sa bouche pour l’empêcher de l’insulter à nouveau. Ce n’était pas dans son intention, dit-il, de tuer son épouse.

 

Les fils de Nasurudin donnent cependant une autre version. Dans une vidéo qui a circulé sur le Net, ils expliquent qu’ils ont tout fait ce jour-là pour sauver leur mère. Ils racontent que les choses ont dégénéré quand leur père a commencé à les tabasser et que quand leur mère est intervenue pour l’en empêcher, c’est elle qui a pris les coups. Ils affirment s’être échappés pour aller informer la po-lice que leur père tabassait leur mère mais que les policiers ne se sont pas hâtés pour venir s’enquérir de la situation. Les proches de leur mère blâment d’ailleurs la lenteur de la police qui au-rait pris plus d’une heure pour venir sur les lieux alors qu’il était déjà trop tard.

 

«Mo ser ti fini mor kan bann lapolis inn ariv kot li. Zot inn tro tarde. Kapav mo ser ti pou ankor vivan si zot ti al kot li pli boner sa zour-la», martèle Hassenjee. Il nous revient qu’un Subinspector du poste de police de Bel-Air a été transféré peu après. On ignore cependant les raisons de ce transfert. S’agit-il d’un autre cas de transfert punitif ou d’un simple exercice de routine qui est courant au sein de la police ? Interrogé, un préposé du service de presse de la police nous a déclaré qu’il a également appris cette nouvelle via les médias mais qu’il n’en sait pas plus.

 


 

Quatre victimes en peu de temps

 

Elles ont été tuées par leur conjoint en l’espace de quelques semaines. Une terrible réalité qui inter-pelle et fait mal. La série noire a commencé en août par le meurtre de Tiannesela Perrine à Ro-drigues. Cette jeune femme de 22 ans a été poignardée mortellement par son ex-compagnon sous les yeux de deux de ses trois enfants, chez elle, le mardi 20 août. À l’heure où nous mettions sous presse, le suspect était toujours recherché par la police. Le 4 septembre, une autre affaire a suscité l’indignation. Stéphanie Menes, 32 ans, a été tuée par son époux Steeve, à Cité Briqueterie, Sainte-Croix. Ce dernier s’est, par la suite, donné la mort par pendaison. Le couple a deux filles âgées de 17 et 15 ans. Et voilà que la semaine écoulée a été marquée par l’agression mortelle de Shabneez Mo-hamud et celle de Joyce Revat par leurs conjoints respectifs. Dans une déclaration à la presse, la min-istre Fazila Jeewa-Daureeawoo s’est dit attristée par les récents cas d’agression mortelle sur des femmes. Elle a invité toutes celles victimes de violences conjugales à venir de l’avant pour dénoncer leur bourreau. Elle a également souligné que les peines sont maintenant plus sévères pour ceux trouvés coupables de tels actes.

 


 

 

Joyce Revat, tabassée à mort par son compagnon | Sylvia : «Ma sœur vivait l’horreur au quotidien»

 

 

Il a commis l’irréparable, puis a tenté de maquiller son abominable crime en accident. Rodney Rambhujun, un aide-chauffeur de 36 ans, a tué sa compagne Joyce Revat, 32 ans, lors d’une dispute, le jeudi 12 septembre, dans une maison qu’ils squattaient à Cité Pitot, Curepipe. Ce sont des voisins qui ont alerté la police après avoir entendu la violence des échanges entre le couple ce jour-là. Mais lorsque les policiers ont débarqué sur place, vers 20h55, ils ont retrouvé la jeune femme gisant in-consciente sur un lit. Elle était déjà morte. Rodney Rambhujun, lui, avait déjà pris la fuite. Ce récidi-viste notoire, déjà condamné pour agression mortelle, a été arrêté le lendemain et répond, cette fois, d’une accusation provisoire de meurtre.

 

Un voisin proche de la victime, qui a assisté à cette scène d’horreur, a affirmé aux enquêteurs que le présumé meurtrier, aide-chauffeur de son état, a roué sa compagne de plusieurs coups, avant de plonger sa tête dans «enn barik dilo» jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le rapport d’autopsie confirme que la jeune femme a succombé à une asphyxie due à la noyade. Rodney Rambhujun a, lui, dans un premier temps, avoué avoir tabassé sa compagne, tout en niant avoir plongé sa tête dans l’eau. Il a toutefois fini par avouer son crime lorsque les enquêteurs lui ont fait comprendre qu’il y a un témoin oculaire. Dans sa déposition, le récidiviste explique qu’il a eu une énième dispute avec sa campagne dans la soirée du jeudi 12 septembre «akoz manze».

 

Hélas, ce que craignaient Sylvia et Bianca, les deux sœurs de la victime, a fini par se produire. «Notre grande sœur était brutalisée tous les jours», nous confie Bianca, la benjamine. Sylvia, la cadette, con-firme ce fait avec beaucoup de chagrin : «Ma sœur vivait l’horreur au quotidien.» Elles n’oublieront d’ailleurs jamais la dernière terrible image qu’elles ont vue d’elle sur son lit de mort : elle avait des bleus sur le côté droit de son visage ainsi que d’autres ecchymoses sur d’autres parties du corps. Témoignage de son agression mortelle mais aussi de toutes celles d’avant qui ne l’avaient pas tuée physiquement mais la détruisaient petit à petit.

 

Les funérailles de Joyce Revat ont eu lieu en l’église Sainte-Thérèse, à Curepipe, dans l’après-midi du samedi 14 septembre. La tristesse, la révolte, l’incompréhension étaient bien présentes, chez tous ceux qui y ont assisté, surtout chez les proches de la jeune femme. Dans la soirée du vendredi 13 septembre, beaucoup de personnes étaient présentes à Résidence Anouchka, à 16e Mile, chez la fa-mille de la victime, pour venir lui rendre un dernier hommage. Parmi, Jean François Jamac, 38 ans, l’ancien compagnon de Joyce ainsi que les trois enfants de celle-ci : une fille de 16 ans et un garçon de 14 ans, nés d’une précédente union, et un fils de 13 ans qu’elle a eu avec Jean François Jamac. Les trois enfants vivent d’ailleurs chez ce dernier. Alors que Joyce s’était, elle, mise en couple avec Rodney Rambhujun, il y a environ cinq ans.

 

Ses sœurs n’ont jamais approuvé cette relation car l’homme dont Joyce était tombée amoureuse ve-nait de sortir de prison après avoir purgé une peine de trois ans pour l’agression mortelle de Madu-ressen Sellamuthu le 26 novembre 2005 à Curepipe, pour une histoire de cigarette. Rodney Rambhujun avait, avec d’autres personnes, tabassé cet habitant de Saint-Aubin. Ce dernier avait rendu l’âme après 12 jours aux soins intensifs de Candos.

 

La voix cassée par l’émotion, Sylvia raconte qu’elle est la dernière personne à avoir vu Joyce le jour fatidique. «On avait passé la journée ensemble. Je l’ai quittée vers 18 heures. Son compagnon, qui collectionnait les petits boulots, était allé faire un travail. J’ai eu un choc terrible en apprenant la mauvaise nouvelle vendredi matin au réveil. J’ai d’abord cru à une mauvaise blague car c’était le vendredi 13 avant de changer d’avis lorsque les médias ont commencé à ébruiter cette terrible his-toire», raconte Sylvia.

 

Ce n’était pas un secret pour les proches de Joyce que son compagnon était très violent. «Elle se fai-sait tabasser tous les jours. Cet homme l’empêchait de voir ses enfants et de nous parler. Ma sœur a déjà porté plainte contre lui en deux occasions, il a été trouvé coupable de brutalité à son égard et condamné à payer des amendes. Joyce l’avait également quitté pour aller vivre chez mon autre sœur. Mais à chaque fois, Rodney menaçait de tuer les enfants si Joyce ne revenait pas avec lui. Il a également dit plusieurs fois qu’il allait tuer ma sœur», confie Sylvia.

 

Jean Francois, l’ex-compagnon de Joyce, explique, pour sa part, qu’il a dû aller lui porter secours plusieurs fois. «Elle me téléphonait pour me demander de venir la chercher. J’allais la chercher à chaque fois. J’ai eu des altercations avec Rodney à plusieurs reprises. Nous avons également déjà échangé des coups. Li kapav enn bel zom. Mo pann kit li selma. Monn deza donn li so komision bien kouma bizin. Li domaz selman Joyce ti retourne ek li apre. Mo panse li ti per sa boug-la fer dimal sa trwa zanfan-la.»

 

Jean François et Joyce ont vécu ensemble pendant 12 ans avant qu’elle ne le quitte pour Rodney Rambhujun. «Pa kone kouma linn koumans frekant sa boug-la. Seki mo finn aprann se ki linn fer so konesans enn zour lor lagar Curepipe. Apre sa zot inn koumans bwar ansam. Zot ti pe bwar tou-lezour. Lerla mem zot lager. Mo bien sagrin Joyce inn fini koumsa. Li ti dan bien kot mwa. Li pa ti mank nanye. So lavi inn vinn enn martir depi ki linn konn sa boug-la», martèle Jean François qui ne finit pas de maudire Rodney pour ce qu’il a fait. Il a pris la vie de Joyce de manière atroce, après avoir fait de sa vie un cauchemar, et maintenant c’est toute une famille et, surtout, trois enfants qui pleurent amèrement une personne qui leur était très chère.